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Économie - Crypto-monnaie

Les levées de fonds en monnaie virtuelle au cœur d’un débat existentiel

Le débat persiste autour de la crypto-monnaie, future monnaie courante ou simple effet de mode. Karen Bleier/AFP

Si les levées de fonds en crypto-monnaie sont en plein essor et surveillées de près par les régulateurs, elles suscitent un débat sur leur nature même : faut-il adapter leur fonctionnement aux règles existantes du marché, au risque de limiter leur approche innovante ?
Lors de ces opérations, plutôt que d'émettre des actions ou des obligations, un groupe crée sa propre monnaie virtuelle, sur le modèle du bitcoin, et lève des fonds en la vendant à des investisseurs qui payent avec d'autres devises virtuelles, ou avec des devises traditionnelles, régies par des banques centrales. Ces « Initial Coin Offerings » (ICO, un terme modelé sur celui d'IPO utilisé en anglais pour les introductions en Bourse) connaissent une croissance exponentielle : le spécialiste des crypto-monnaies coindesk évalue à quelque 2,3 milliards d'euros (soit 2,7 milliards de dollars) les sommes levées, dont l'essentiel en 2017.
Les autorités chinoises ont interdit ces opérations début septembre, tandis qu'en France, le président de l'Autorité des marchés financiers (AMF), Robert Ophèle, a appelé à « fixer la nature » de ces opérations et, plus largement, évoqué les questions autour de la blockchain, une technologie qui fonctionne sur le modèle d'un registre public, décentralisé et infalsifiable, et qui est la base des crypto-monnaies. Les promoteurs des ICO soulignent qu'elles offrent aux investisseurs de l'accessibilité – tout internaute peut y participer – et de la transparence – la blockchain permet de suivre en temps réel les investissements mis en jeu. Mais « on est en train de passer à un autre modèle », regrette Alexandre Stachtchenko, fondateur de Blockchain Partner, cabinet de conseil spécialisé sur le sujet, évoquant des évolutions dans les levées de fonds remettant en cause leur transparence. Dans une tribune publiée au début du mois, il visait en particulier le groupe français Domraider, qui a organisé une ICO entre septembre et octobre pour financer son activité de vente aux enchères de noms de sites Internet abandonnés. La monnaie virtuelle de Domraider s'échange depuis la semaine dernière sur les plates-formes spécialisées aux côtés de crypto-monnaies comme le bitcoin et l'ether. Le groupe revendique la création de 560 millions de « tokens », sur la base de dix centimes par jeton, mais se garde pour l'heure de parler d'une levée de 56 millions d'euros (soit 66 millions de dollars).

« Effet de mode »
« Il n'y a aucun moyen de s'assurer qu'ils ont bien vendu tous les tokens au bon prix », estime M. Stachtchenko, assurant prendre Domraider comme simple exemple sans l'« accuser de rien ». Il critique en particulier l'absence de « contrat intelligent » lors de la levée de fonds du groupe. Là encore, il s'agit d'une application de la blockchain : cette procédure numérique permet à un engagement – comme le versement d'une somme de monnaies – de s'exécuter automatiquement quand sont remplies les conditions fixées par les deux parties. Or pour M. Stachtchenko, c'est justement cette technique qui assure la transparence totale des échanges.
Domraider, qui avait dit en septembre miser sur une levée de 35 millions d'euros (soit 41 millions de dollars), indique de son côté que le montant total ne sera pas annoncé avant quelques mois, le temps que l'administration fiscale fixe une réglementation. Assurant comprendre « l'impatience de certains », Tristan Collombet, PDG et fondateur du groupe, se justifie de ne pas avoir recouru au modèle vanté par les signataires de la tribune. « Vous devez impérativement savoir qui vous envoie des fonds, savoir qui investit. Dans un modèle de contrat qui serait lancé en public en direct, vous ne pouvez pas avoir cette exigence », dit-il. Autre argument mis en avant : une telle procédure n'aurait pas permis de recueillir des fonds en monnaies traditionnelles comme l'euro. Derrière la polémique, c'est la nature de l'ICO qui est débattue : alors que M. Collombet se félicite d'avoir recueilli des fonds d'une centaine de pays différents via ce système, M Stachtchenko évoque un processus vidé de sa substance, estimant que le terme d'ICO est simplement « à la mode ».
Julien DURY / AFP

Si les levées de fonds en crypto-monnaie sont en plein essor et surveillées de près par les régulateurs, elles suscitent un débat sur leur nature même : faut-il adapter leur fonctionnement aux règles existantes du marché, au risque de limiter leur approche innovante ?Lors de ces opérations, plutôt que d'émettre des actions ou des obligations, un groupe crée sa propre monnaie...

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