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Moyen Orient et Monde - Récompense

Nobel de la paix à l’ICAN : Trump et Kim en ligne de mire

La Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires a été récompensée pour ses efforts.

Trois Japonais survivants d’Hiroshima posant pour féliciter l’ICAN après qu’elle a gagné le prix Nobel de la paix. Jiji Press/STR/AFP

Un Nobel de la paix... et un rappel à l'ordre. Ce n'est pas la première fois que le comité norvégien choisit de récompenser des acteurs engagés dans la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive. Mais le nucléaire ayant été, malheureusement, projeté sur le devant de la scène tout au long de l'année, l'annonce du prix semblait couler de source. La Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires (ICAN), gratifiée hier du prix Nobel de la paix, a ainsi rejoint la liste des huit autres récipiendaires du prix issus de la catégorie « contrôle des armes et désarmement » depuis 1959. « Le désarmement n'est pas un rêve, mais une nécessité humanitaire urgente », a insisté l'ICAN hier.

Un appel que ne semblent pourtant pas entendre les pays nucléarisés. Depuis sa création en 2007, en marge d'une conférence internationale du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, l'ICAN compte 468 organisations partenaires dans 101 pays. Cette campagne a toujours fait valoir que le recours aux armes nucléaires aurait des conséquences catastrophiques, ce qui rend indispensable leur élimination. La coalition d'ONG avait notamment fait campagne en faveur de l'adoption, cet été à l'ONU, d'un traité historique interdisant les armes atomiques qui a été voté le 7 juillet dernier avec 122 voix en sa faveur. Mais l'opposition des neuf puissances nucléaires mondiales – États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni, Inde, Pakistan, Israël, Corée du Nord – amoindrit fortement sa portée, qui reste essentiellement à l'état de symbole. Selon le Stockholm International Peace Research Institute (Sipri), les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne cumulent 7 315 têtes nucléaires, contre 7 000 détenues par la Russie, 270 par la Chine et un nombre estimé entre 10 et 20 pour la Corée du Nord.

 

Rhétorique enflammée
« C'est un moment de grande tension dans le monde, alors que les déclarations enflammées pourraient tous nous conduire très facilement, inexorablement, vers une horreur sans nom », a réagi l'ICAN dans un communiqué.Soixante-douze ans après Hiroshima et Nagasaki, il est certain que le choix du comité tombe à pic, alors que les risques de guerre nucléaire se trouvent à leur niveau le plus élevé depuis la guerre froide, notamment du fait des échanges belliqueux entre les États-Unis et la Corée du Nord ces derniers mois. Une période trouble, particulièrement dans les relations avec l'Iran, alors que Donald Trump menace encore et toujours de remettre en cause l'accord historique sur le nucléaire iranien signé, en 2015, entre les 5+1 et l'Iran. « Quand le désarmement nucléaire est scandaleusement en perte de vitesse, un rappel rapide de l'urgence de nous sauver de l'autodestruction s'impose », a tweeté hier l'ancien directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) Mohammad el-Baradei, récompensé du prix Nobel de la paix en 2005. Après avoir félicité l'ICAN, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Gutteres, a lui aussi rappelé sur Twitter qu'« aujourd'hui plus que jamais, nous avons besoin d'un monde sans armes nucléaires ».

Il faut dire que les salves verbales houleuses entre les dirigeants américain et nord-coréen continuent de provoquer de vives inquiétudes au sein de la communauté internationale. Même si la directrice du comité Nobel norvégien, Berit Reiss-Andersen, a signalé que le comité ne « (tacle) personne avec ce prix », il paraît clair que les principaux visés sont Kim Jong-un et Donald Trump. « Les armes nucléaires sont illégales. Menacer de les utiliser est également illégal. Avoir des armes nucléaires et en produire est illégal, il faut donc qu'ils (Trump et Kim) arrêtent », a dit la directrice générale de l'ICAN, la Suédoise Beatrice Fihn, après l'annonce du prix. Comme pour rappeler aux deux mauvais élèves qu'une désescalade est plus qu'espérée. Donald Trump a renchéri face aux menaces du dirigeant asiatique, le renforçant par conséquent dans ses options radicales, alors que la communauté internationale espère vivement faire revenir la Corée du Nord à la table des négociations pour lui faire renoncer à ses propres ambitions. Or, pour Pyongyang, sa survie dépend intrinsèquement de l'acquisition de l'arme atomique.

 

(Lire aussi : Trump envisage de ne pas "certifier" l'accord avec l'Iran)

 

 

« Déchirer l'accord »
Ce sont le sixième essai nucléaire nord-coréen le 3 septembre ainsi que des tirs de missiles qui ont véritablement mis le feu aux poudres. Ils ont ainsi provoqué un véritable échange d'insultes, de menaces et de démonstrations de force entre Pyongyang et Washington. Donald Trump a qualifié les négociations de « perte de temps » et menacé la Corée du Nord d'une « destruction totale ». Le retour à l'intimidation nucléaire qui s'est manifesté ces derniers mois est également allé de pair avec les vociférations et les menaces de Donald Trump contre l'accord nucléaire avec l'Iran signé en 2015. Perçu comme un « embarras » pour Washington et l'« un des pires auxquels les États-Unis aient jamais participé », comme l'a affirmé le dirigeant américain le 19 septembre dernier à la tribune de l'ONU, il avait menacé dans le passé de le « déchirer ».

L'attribution du prix Nobel intervient alors que le président américain doit notamment certifier avant le 15 octobre auprès du Congrès que Téhéran respecte les engagements pris dans le cadre de l'accord qui impose de strictes restrictions au programme nucléaire iranien en échange d'une levée des sanctions. Selon certains médias américains, Donald Trump serait sur le point de le « dé-certifier », laissant ainsi au Congrès le choix de réimposer ou non des sanctions contre l'Iran. « Les négociations ont montré qu'elles peuvent être efficaces », a assuré le comité Nobel hier, appelant notamment à soutenir l'accord sur le nucléaire iranien, d'autant que « l'Iran se conforme à l'accord ».

Acteur principal dudit accord, le trio formé par l'ex-secrétaire d'État américain John Kerry, le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif et la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini s'est vu rafler le Nobel, alors qu'il était donné favori. S'il lui avait été décerné, le message aurait été extrêmement fort. Le comité aurait ainsi fait un double pari. Celui de tenter de sauver l'accord malgré les menaces américaines. Mais également celui de récompenser les efforts des modérés à Téhéran face à la politique particulièrement agressive des conservateurs iraniens au Moyen-Orient.

 

 

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