Chloé célèbre la trace

« Seules les traces font rêver », écrit René Char. Adoptant ce vers comme fil conducteur de la collection printemps-été 2018 de Chloé, la créatrice Natacha Ramsey Levi a imaginé un vestiaire tissé de précieuses réminiscences. Chaque silhouette raconte un dialogue avec ce qui l'a précédée et annonce une métamorphose à venir. Les traces du beau se superposent comme un collage. Une robe victorienne se mue en blouse fluide, ajourée et brodée, symbole du matériel qui rejoint le spirituel. Ainsi se succèdent linge ancien, lin vieilli, broderies et imprimés qui rappellent autant l'Égypte pharaonique que l'art inuit. Les robes, picturales, sont teintées d'ésotérisme et d'une idée archaïque du sacré. Allusions à l'œuvre de l'artiste Sofia Mattioli, Lune, ventre, seins et mains, totems liés comme des amulettes courent dans les motifs qui représentent la fusion des forces de la nature, des symboles de fécondité, des déesses ou des viragos. On constate la récurrence de l'O, l'œil-lettre de Chloé, en boucle, anneau, tracé infini cousu à la place du cœur. Des robes florales attentives aux sensations du corps matérialisent des jeux incessants de combinaisons libres et fluides. Le moment présent est poussé dans ses retranchements. La femme est tour à tour cavalière, musicienne, au seuil de ce mélange fait de hasards et d'apparitions spontanées. Les couleurs brûlantes consument la douceur des textures. Masculin et féminin s'assemblent dans la silhouette immuable d'un tailleur hiératique sur un déshabillé en soie incrusté de dentelle.