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Moyen Orient et Monde - Territoires palestiniens

Vers un énième rapprochement entre Hamas et Fateh

Une « question de survie » pour le mouvement islamiste.

Photo d’archives datant du 18 mars 2007 et montrant le président palestinien Mahmoud Abbas aux côtés du Premier ministre de l’époque, Ismaïl Haniyeh. Suhaib Salem/File Photo/Reuters

Comme un air de déjà-vu. En annonçant à la mi-septembre la suppression du comité administratif en charge de la gestion de la bande de Gaza, le Hamas fait un grand pas vers le Fateh, le parti à la tête de l'Autorité palestinienne, qui en avait exigé la suppression. Cette autorité politique, créée en mars 2017 par le Hamas, avait suscité mécontentement et critiques du côté de la Cisjordanie et du gouvernement de Mahmoud Abbas. La disparition de ce comité augure d'un rapprochement entre les deux parties, ou tout au moins un réchauffement des relations entre les deux grandes formations palestiniennes, en froid depuis le conflit qui les a opposées en 2006.

En 1993, après les accords d'Oslo, à l'origine de la mise en place de l'Autorité palestinienne, les premières grandes divergences ont éclaté entre le Hamas et le Fateh. Leur confrontation avait déjà menacé la paix fragile acquise par Yasser Arafat et l'unité palestinienne. La mort du leader de l'OLP en 2004 marque un tournant dans le conflit entre les deux partis. Le Fateh, en proie à des luttes intestines, est décrédibilisé par le résultat des élections de 2006 et la victoire du Hamas qu'il refuse de reconnaître. La guerre civile qui en résulte cause un grand nombre de morts et ce malgré les tentatives de médiation internationale et les accords de cessez-le-feu signés par les responsables palestiniens à La Mecque le 9 février 2007. Plusieurs tentatives de réconciliation échoueront, dont celles du Caire et de Doha en 2011 et 2012, de la même manière que l'accord de formation d'un gouvernement d'union nationale porté par les deux camps en juin 2014. « La partition politique et géographique entre la bande de Gaza, gouvernée par le Hamas, et la Cisjordanie, qu'a conservée l'Autorité palestinienne liée au Fateh, jette aujourd'hui le discrédit sur la capacité des Palestiniens à incarner un projet national », explique Lætitia Bucaille, chercheuse au CERI, dans Palestine : de l'État introuvable à la nation en déroute. Dernier signe en date du clivage entre les deux partis : la suspension du versement des salaires de l'Autorité palestinienne aux fonctionnaires de la bande de Gaza et du financement des livraisons d'électricité pour l'enclave, en juin 2017.

 

(Pour mémoire : Le Premier ministre palestinien à Gaza le 2 octobre, une première depuis 2015)

 

Concessions
Mais la reprise récente des discussions, qui se tiennent au Caire sous l'égide du voisin égyptien, ont vu le Hamas concéder l'abolition du comité controversé et faire montre de coopération en acceptant les mesures exigées par le Fateh pour mettre fin aux rétorsions infligées à Gaza. Confronté à la persistance d'une crise alimentaire et économique chronique et l'amoindrissement du soutien du Qatar, le parti islamique est affaibli et ne peut supporter le coût d'un nouveau blocus alors qu'il endure déjà celui mis en place par Israël. « C'est une question de survie », explique Barah Mikaïl, directeur de Stractegia Consulting, à L'Orient-Le Jour. « Le problème premier du Hamas réside dans son isolement et dans le fait qu'il peut difficilement assumer ses fonctions économiques et sécuritaires dans les zones qu'il contrôle (...), surtout depuis que le Fateh lui a coupé les vivres fin juin. » Mais l'Autorité palestinienne, et en particulier Mahmoud Abbas, a aussi un intérêt dans la reprise des relations. En maintenant les mesures de rétorsion, ils prennent aussi « le risque de se mettre la population à dos », ajoute Barah Mikaïl.
Ramallah s'est donc empressé d'assurer le retour des financements en réponse à la suppression du comité administratif.

 

(Lire aussi : Le Hamas accroît ses moyens militaires grâce à l'Iran, selon son chef à Gaza)

 

Coopération politique ?
Un rapprochement conforté par les déclarations d'Ismaïl Haniyeh, le chef du mouvement islamiste. « Nous sommes désormais prêts à recevoir le gouvernement de consensus national dans la bande de Gaza », affirmait-il le 19 septembre. Le Premier ministre de l'Autorité palestinienne, Rami Hamdallah, doit d'ailleurs se rendre à Gaza le 2 octobre. L'hypothèse d'organisation d'élections n'est pas à exclure et les deux partis savent qu'elles constituent l'étape nécessaire à une vraie réconciliation, qui tarde depuis 10 ans à voir le jour. Mais « rien n'indique pour l'heure que les deux partis ont bougé sur cette question », explique Barah Mikaïl, et les expériences de 2006, 2012 et 2014 sont encore dans les mémoires. D'autant plus que Ramallah pourrait se refuser à toute coopération politique avec le Hamas. Le gouvernement de Mahmoud Abbas doit veiller à son image internationale et un gouvernement d'union nationale avec le parti islamique risquerait d'attiser les tensions avec Israël et les États-Unis. L'accord entre les deux partis et la décision de former un gouvernement d'union nationale avait provoqué l'ire de l'État hébreu en 2014 qui avait aussitôt répliqué en bombardant Gaza. « Mahmoud Abbas a choisi le Hamas plutôt que la paix », avait alors déclaré Benyamin Netanyahu, le Premier ministre israélien. « La volonté de reconstruire l'unité nationale (...) bute sur le fonctionnement de l'édifice sécuritaire contrôlé par Israël », explique d'ailleurs Laetitia Bucaille.

En supprimant le comité administratif de Gaza, Ismaïl Haniyeh et le Hamas placent la balle dans le camp du Fateh et cette dissolution peut aussi signifier la possibilité pour l'Autorité palestinienne de reprendre de nouveau le contrôle administratif de la bande de Gaza. Mais, « même s'il est dissous, un autre comité verra le jour qui contrôlera de nouveau la vie quotidienne des civils à Gaza », nuance pour al-Jazeera Abdulsattar Qassem, professeur de science politique à l'université an-Najah de Naplouse.
La question de l'unité fait débat et si les tractations politiques n'ont pas encore eu lieu, le Fateh comme le Hamas savent que pour redonner consistance et poids à l'acteur palestinien au niveau international, les deux partis doivent coopérer.

 

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