Rechercher
Rechercher

Basse couture

Il avait fallu attendre non moins de cinq ans pour ne serait-ce qu'envisager la tenue d'élections législatives. On invoquait tantôt l'état précaire de la sécurité, et tantôt l'absence d'une loi électorale équitable, moderne, garantissant une fidèle représentation des diverses sensibilités libanaises. Pour conjurer la terreur du vide, on voyait alors le Parlement, élu en l'an de grâce 2009, un Parlement paresseux, improductif, parasitaire, s'autoreconduire à tour de bras.


Au bout d'interminables palabres, il a bien fini, ce Parlement, par accoucher d'une loi électorale introduisant pour la première fois le principe de la proportionnelle, mais aux modalités si alambiquées que bien peu de citoyens s'y retrouvent. Cette première n'est pas la seule, cependant. Bienvenue en effet, Libanais de la préhistoire, dans l'ère de la carte magnétique, vite remplacée – au diable l'avarice – par la biométrique. On nous a également fait miroiter, mais sans encore s'engager, la possibilité, pour tout un chacun, de s'acquitter de son devoir civique à proximité de son lieu de résidence, en place et lieu de sa circonscription d'origine, souvent éloignée.


Tout cela n'est toutefois que théorie, hélas. Car codifier sur ordinateur les domiciles des électeurs, cela prend un temps fou, ce qui nous porte bien au-delà des délais constitutionnels fixant la date du scrutin. Il en va de même pour la fabrication de ces fameuses cartes, sans parler des convoitises – et même des foires d'empoigne – que suscite, comme à chaque dépense étatique, qu'elle soit opérée par voie d'appel d'offres ou de gré à gré, un marché pesant plus de cent millions de dollars...


Alors, on fait quoi ? On se passe de tous ces merveilleux gadgets ? On prend plutôt tout son temps, on retarde le scrutin, ce qui pourrait commander la reconduction, encore une, de ce fainéant de Parlement dont le mandat expire en mai 2018 ? C'est exactement l'opposé que préconise le président de l'Assemblée, dans une proposition de loi revêtue du caractère de double urgence qu'il se propose de parrainer : c'est-à-dire des élections anticipées qui auraient lieu avant la fin de l'année en cours, abrégeant ainsi de plusieurs mois le mandat de l'actuelle législature.


Cette initiative a aussitôt relancé les tiraillements entre forces politiques. La réaction la plus vive aura été celle du ministre des Affaires étrangères et gendre du président de la République qui, des États-Unis où il se trouve en tournée, a eu beau jeu de reprocher à Nabih Berry son refus de toute réforme. De fait, pour plus d'un des adversaires du chef du législatif, l'idée même d'une carte biométrique d'électeur lui est insupportable, de même qu'à ses alliés du Hezbollah, car elle élimine toute possibilité de recours aux fausses pièces d'identité qui permet aux absents (ou même aux défunts, tant qu'à faire !) de voter en masse.


En attendant d'y voir plus clair, reste le plus extravagant, le plus énorme. Car l'homme qui depuis près d'un quart de siècle mène l'Assemblée à la baguette, qui feint de s'offusquer aujourd'hui d'une nouvelle autoreconduction, est celui-là même qui, au mépris de la Constitution, avait mis en scène – et mis en œuvre – les rallonges passées. C'est encore lui qui, il y a quelques années, interdisait aux députés l'accès à l'Étoile, au prétexte que le gouvernement de l'époque avait perdu tout caractère consensuel.


Véritable tailleur retoucheur de génie, allongeant ou écourtant à loisir la triste pantalonnade législative.


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Il avait fallu attendre non moins de cinq ans pour ne serait-ce qu'envisager la tenue d'élections législatives. On invoquait tantôt l'état précaire de la sécurité, et tantôt l'absence d'une loi électorale équitable, moderne, garantissant une fidèle représentation des diverses sensibilités libanaises. Pour conjurer la terreur du vide, on voyait alors le Parlement, élu en l'an de...