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Liban - Conseil des ministres

La carte biométrique adoptée, mais...

Saad Hariri présidant, hier, le Conseil des ministres au Grand Sérail. Photo Dalati et Nohra

« Tout est pourri dans la République libanaise... » dixit un ministre, qui choisit de s'inspirer de l'une des citations proverbiales de Shakespeare, « il y a quelque chose de pourri en ce royaume du Danemark » (Hamlet) pour transmettre fidèlement l'ambiance du Conseil des ministres d'hier.

Choisissant à titre exceptionnel un dimanche soir pour se réunir, le cabinet a donné l'impression d'un affairement en vue des législatives prévues à mai prochain. L'avant-projet de décret portant sur les réformes électorales avait été distribué la veille par le ministère de l'Intérieur aux membres du gouvernement.

L'essentiel de cette réforme a été avalisé hier, à savoir l'usage de la carte d'identité biométrique à la place de la carte d'identité régulière. Ce qui signifie que le projet de vote électronique est tombé à l'eau, « étant trop exposé au risque de piratage », selon un ministre de la coalition haririenne. Le texte prévoit en outre l'aménagement « de grands centres de vote » à travers le Liban pour permettre aux électeurs de prendre part au scrutin à partir de leur lieu de résidence et non d'enregistrement civil, comme l'a indiqué le ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, à l'issue de la réunion.

En revanche, le cabinet n'a pas réussi à décider de l'inscription préalable de l'électeur dans le lieu de vote qu'il aura choisi. Les ministres du mouvement Amal, du Hezbollah et du Parti socialiste progressiste exigent cette condition que jugent superflue le Courant patriotique libre et le courant du Futur, rejoints par les Forces libanaises.

Mais le véritable problème est ailleurs. L'unanimité recueillie hier en faveur de la carte biométrique ne suffit pas à maquiller les graves questions que ce projet suscite. Et ces questions risquent fort bien d'entraver son approbation par le Parlement, croit savoir un ministre. Le Parlement prévoit de se réunir demain mardi et mercredi.

Il y a d'abord la question financière. Le budget de la réforme proposée est estimé en effet à 134 millions de dollars, dont 40 millions à la seule société qui sera chargée de l'impression des nouvelles cartes d'identité biométriques. La question se pose de savoir si les 100 millions de dollars restants seraient des dépenses justifiées pour l'aménagement de nouveaux centres de vote.

Une autre question se pose sur le coût de l'impression des cartes. Une société privée doit s'en charger en vertu d'un « contrat de gré à gré avec l'État, des adjudications étant impossibles faute de temps », rapporte un ministre. De sources concordantes, on apprend que la société aurait d'ores et déjà été choisie par le ministère compétent et aurait fixé à l'État le délai du 1er janvier 2018 pour se voir remettre les informations nécessaires pour entamer l'impression. « C'est un marché de navires-centrales bis qui risque de provoquer une tempête au Parlement », selon une source ministérielle.

Se pose ensuite la question de la faisabilité du projet dans les délais. Sachant que la fréquence d'impression prévue est de 40 mille cartes par jour, et que le nombre prévu de cartes est estimé à trois millions huit cent mille, l'opération nécessiterait théoriquement trois à quatre mois à compter du 1er janvier. À condition toutefois que les citoyens aient, avant la fin de l'année, achevé toutes les formalités nécessaires pour obtenir une carte d'identité biométrique. Des formalités semblables à celles du renouvellement de la carte, selon les explications d'un ministre. Ce dernier ne cache pas toutefois son scepticisme quant à la possibilité d'achever la réforme dans les temps, estimant que la responsabilité de ce retard serait imputable à la procrastination légendaire des citoyens.

Des « innombrables questions » que les ministres ont posées hier, y compris sur le moyen pour les habitants de zones périphériques de faire le déplacement pour récupérer leur carte biométrique, la plus importante a porté sur le risque d'un report du scrutin si ces cartes ne sont pas prêtes avant l'échéance électorale. La réponse des principaux concernés a été négative : même si la réforme technique n'est pas achevée, le scrutin aura lieu, rapporte un ministre, qui juge plausible un report de cette réforme à la prochaine échéance. Même si « la carte biométrique est le meilleur moyen d'éviter les falsifications et autres fraudes électorales communes au Liban », selon un ministre du courant du Futur, les modalités de sa mise en œuvre semblent jusqu'à nouvel ordre opaques.

Cela vaudrait aussi pour la décision prise hier, sur proposition du ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, de mettre en place un système d'enregistrement électronique afin de permettre aux émigrés libanais de voter depuis l'étranger. Le texte ne lève pas l'ambiguïté sur la participation effective des émigrés au prochain scrutin. Le débat se serait plutôt orienté hier sur la compétence du ministère de l'Intérieur en la matière. Dans sa formulation initiale, le texte avait prévu que le ministère de l'Intérieur « prenne connaissance » des informations soumises par les émigrés. Sur insistance de M. Machnouk, et en dépit de l'opposition de Salim Jreissati, le ministère de l'Intérieur s'est vu attribuer compétence à « vérifier » ces informations.

Sur un autre plan, le décret de promulgation d'une décision visant à mette en œuvre une donation occidentale de 100 millions de dollars au ministère de l'Éducation a été signé in extremis hier. La décision avait été prise le 10 mai 2016 et n'a été promulguée qu'à la veille de l'expiration de la donation, fixée à aujourd'hui.
La question de la hausse des frais de scolarité sera par ailleurs l'objet d'une réunion du Conseil des ministres dont la date sera annoncée ultérieurement par M. Hariri.

Sur un autre plan, le débat autour des carrières sans permis a ressurgi hier. L'ordre du jour prévoyait de réduire de deux ans à six mois le délai imparti aux propriétaires de carrières illégales pour régulariser leur situation. Un projet que le ministre Tarek el-Khatib s'est chargé de contester hier, rapporte un ministre, qui pointe « l'influence démesurée des propriétaires de carrières ».
Le débat se serait corsé entre M. Khatib et le ministre de l'Information Melhem Riachi, selon des informations médiatiques.

Un autre débat aurait opposé Nouhad Machnouk au ministre de la Défense Yaacoub Sarraf, sur fond de conditions d'admission des candidats à l'école militaire, le premier faisant remarquer que l'armée libanaise compte 480 généraux de brigades... pour quinze brigades.

 

 

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commentaires (2)

Le retard dans l'erreur et la correction des noms est un des prétextes pour ajourner les législatives prévues en mai prochain.

Antoine Sabbagha

11 h 35, le 18 septembre 2017

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Commentaires (2)

  • Le retard dans l'erreur et la correction des noms est un des prétextes pour ajourner les législatives prévues en mai prochain.

    Antoine Sabbagha

    11 h 35, le 18 septembre 2017

  • "la responsabilité de ce retard serait imputable à la procrastination légendaire des citoyens", argument valable, mais que dire de la responsabilité des émetteurs des cartes en cas d'erreurs de saisie, comme pour les cartes d'identité??? Sur nos 4 cartes, 3 contenaient des erreurs et ont dû être réémises... A-t-on fait le compte du retard que les corrections occasionneraient???? Et puis, à qui donc appartient cette société déjà "sur le coup"????

    NAUFAL SORAYA

    09 h 10, le 18 septembre 2017

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