Lundi, les ministres de la Défense et du Tourisme annonçaient un rassemblement, jeudi, place des Martyrs, pour célébrer la victoire de l'armée dans les jurds. Près de vingt-quatre heures après cette annonce, les deux ministères concernés se rétractaient brutalement, évoquant des raisons « strictement logistiques » qui empêchent la tenue de l'événement.
Le « Festival de la victoire » n'aura donc pas lieu. Un communiqué des deux ministères, d'une sécheresse quasi soviétique, ne fournit aucun détail supplémentaire sur les considérations « logistiques » en question, ce qui a ouvert la voie hier après-midi à toutes sortes d'interprétations et de spéculations politiques autour des motifs de cet ajournement. « Après des concertations avec les présidents (de la République, de la Chambre et du gouvernement), l'événement a été ajourné pour des raisons strictement logistiques », se contentent en effet d'annoncer les deux ministères dans leur communiqué.
Certaines sources croyaient pouvoir dire que le report avait été décidé suite au refus des trois présidents de participer à une fête où des chanteurs étaient censés venir divertir le public. Le ministre du Tourisme, Avédis Guidanian, contacté par L'Orient-Le Jour, a démenti ces explications, s'en tenant au texte publié. « Le festival a été reporté pour des raisons logistiques et non annulé », a-t-il dit, soulignant toutefois que l'événement se tiendra après le retour du président de la République, Michel Aoun, de son voyage aux États-Unis, à la fin du mois. Toujours est-il que, selon certains médias, les installations qui avaient commencé à être placées sur le site ont été démantelées hier après-midi.
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Les FL : le 14 septembre...
Il reste cependant à observer que la décision d'ajourner l'événement est intervenue peu de temps après un appel lancé par le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, à une participation massive à la cérémonie, de sorte que, comme le soulignent nombre d'observateurs, les organisateurs ont pu craindre une récupération politique de l'événement de la part des opposants au Hezbollah en général et des FL en particulier. D'autant que les ministres concernés, Yaacoub Sarraf (Défense) et Avédis Guidanian ne sont pas à proprement parler des sympathisants du 14 Mars.
Dans un communiqué publié par son bureau de presse, M. Geagea avait affirmé que, « contrairement à toutes les rumeurs, l'armée a prouvé qu'elle est une force militaire capable de défendre les frontières du Liban, aussi bien face aux terroristes que contre Israël ». « Ce festival coïncide avec la 35e commémoration de l'assassinat de Bachir Gemayel (le 14 septembre). » « Si le vrai terrorisme ne s'en était pas pris à Bachir, l'État tant attendu aurait pu être édifié », avait ajouté le chef des FL, souhaitant que le rassemblement du 14 septembre « soit le début de l'édification de la République forte, seule susceptible de protéger le Liban et de défendre les Libanais ».
Si certains estimaient qu'à travers son appel, M. Geagea visait à adresser un message à caractère souverainiste au Hezbollah, pour rappeler les constantes du 14 Mars à l'heure où le parti chiite tente de s'approprier – ou de s'associer à – la victoire de l'armée dans sa toute dernière bataille contre le terrorisme, dans les milieux proches de Meerab, on estime que c'est surtout la date de la fête qui aurait poussé certains à exercer un forcing pour reporter le rassemblement.
Interrogé à ce sujet par L'OLJ, un cadre FL déclare : « Il y a quelque chose d'anormal qui s'est produit. Il est évident que c'est le communiqué de Samir Geagea – qui a rappelé que la fête coïncidait avec la commémoration de l'assassinat de Bachir Gemayel – qui a poussé certaines parties, connues de tous, à intervenir pour reporter l'événement. » D'autant qu'« il est impossible d'organiser une telle fête sans l'approbation du Hezbollah », ajoute-t-il, avant d'expliquer : « Le parti chiite ne voudrait certainement pas donner au 14 septembre une nouvelle dimension souverainiste, d'autant que seul le souvenir de Bachir – en tant que symbole de l'État fort – lui confie une dimension souverainiste. »
Mais, plus loin que la date de la cérémonie, le cadre FL ne cache pas le caractère éminemment politique de la cérémonie. « Il s'agissait d'adresser un message clair au Hezbollah : le parti devrait comprendre que, quand il prend part à une bataille, il ne fait pas l'unanimité des Libanais, contrairement à l'institution militaire, qui bénéficie du soutien de tout le monde », souligne le proche de Samir Geagea.
(Lire aussi : Les cinq menaces qui pèsent encore sur le Liban..., le décryptage de Scarlett Haddad)
« Le terrorisme du mini-État »
Même son de cloche auprès du courant du Futur. Si l'actualité récente a été marquée par une forte polarisation politique qui rappelle de loin l'alignement traditionnel entre 8 et 14 Mars, Mouïn Merhebi, ministre d'État pour les Affaires des réfugiés (Futur), préfère mettre l'accent sur ce qu'il appelle « une polarisation autour de l'État et de ses institutions ». « Il est grand temps que le parti dirigé par Hassan Nasrallah comprenne que l'armée est capable de protéger le pays, et qu'il ne pourra pas s'approprier sa victoire », déclare-t-il à L'OLJ, mettant en garde contre « des tentatives d'usurper le rôle de l'armée ». Selon lui, « cela signifierait de mettre le pays au sein d'un axe bien déterminé et cela menacerait l'identité du Liban ».
De son côté, Nadim Gemayel, député Kataëb de Beyrouth et fils de Bachir Gemayel, s'en est violemment pris au « mini-État », en l'espèce le Hezbollah, pour critiquer le report de la cérémonie, place des Martyrs. Dans un tweet, M. Gemayel écrit : « L'annulation de la cérémonie, place des Martyrs, signifie que nous sommes dans un pays où l'armée ne peut pas célébrer sa victoire. C'est le terrorisme et l'intimidation exercés par le mini-État et l'image la plus claire de la lâcheté de certains protagonistes. »
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Tempête dans un verre d'eau.
FRIK-A-FRAK
17 h 11, le 13 septembre 2017