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Agenda - Hommage à Joseph Michel Esta

Une bonhomie naturelle

Il était né et avait grandi à Beyrouth, dans le beau quartier de Gemmayzé, à mi-chemin entre les bureaux de DHP à Souk el-Tawilé et la gare ferroviaire de Mar Mikhael. C'était en fait les deux lieux que partageait son père par la fonction qu'il occupait dans les Chemins de fer.
Son rêve secret était de revenir aux sources ; il le réalisera en deux volets, le premier en se faisant construire une maison à Ouadi, et le second en épousant une belle fille bien ancrée dans le village.
Son parcours professionnel avait été très prometteur : qui ne se souvient pas du restaurant La Gondole de Raouché et de celui, plus tard, de Bhamdoun ? Les plus grandes réceptions y étaient données, et l'on accourait de partout pour y être.
Malheureusement, son ambition et celle de son partenaire leur nuiront quand la décision de s'agrandir encore plus sera prise : le troisième restaurant, à Chtaura, confié à une tierce personne, provoquera la chute de tout l'ensemble et la débandade.
Détruit l'ouvrage de la première jeunesse ? Qu'importe. Sans dire un seul mot, sans prononcer une seule plainte, fort de l'appui de ses amis, il s'est reconditionné dans les produits pharmaceutiques, a repris confiance et est revenu à ses premières amours : il a dirigé pendant deux décennies le célèbre Relais de chasse à Baabda.
Là aussi, son savoir-faire, sa bonté naturelle, son visage souriant et sa douceur, héritée paraît-il de son grand-père dont il porte le prénom, ont fait de cette place un lieu de rencontre incontournable pour ceux qui voulaient, en pleine guerre, respirer un peu.
Mais le destin semblait vouloir s'acharner contre lui et contre sa femme : Faufa est tombée malade, gravement malade. Pendant quinze ans, elle fréquentera les hôpitaux, avec le sourire. Et ses souffrances devenaient supportables par la présence généreuse et pleine d'amour de Joseph.
La perte de Faufa allait l'affecter. Ballotté parfois durement par le destin durant sa vie, resté debout, la tête haute, en seigneur, contre vents et marées, il allait finalement flancher, tomber malade et se soumettre à l'impitoyable épreuve de la dialyse. Lui, amateur des bonnes fèves de cacao et fin gourmet, devait de plus s'astreindre à un régime draconien.
À part celui de respirer, tous les plaisirs de la vie lui étaient ôtés. C'est peut-être énorme, mais, à un âge donné, ce n'est plus vraiment suffisant. Il est probable qu'il souhaitait son départ pour mettre fin à ses souffrances. Il s'est éteint, comme il a toujours vécu, sans la moindre plainte.
Ibn el-aam, ta bonhomie naturelle et rassurante va nous manquer.
Repose en paix.

Il était né et avait grandi à Beyrouth, dans le beau quartier de Gemmayzé, à mi-chemin entre les bureaux de DHP à Souk el-Tawilé et la gare ferroviaire de Mar Mikhael. C'était en fait les deux lieux que partageait son père par la fonction qu'il occupait dans les Chemins de fer.Son rêve secret était de revenir aux sources ; il le réalisera en deux volets, le premier en se...