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Poussez pas !

Engagée dans une bataille décisive contre les hordes de Daech près de la frontière syrienne, volant de succès en succès, l'armée vit en ce moment son heure de gloire. Pour amplement méritée qu'elle soit, l'adulation populaire (et politique) dont elle est l'objet n'est guère exempte toutefois de nuances, et pas des moindres. Car il y a ceux qui ne reconnaissent qu'à elle seule la garde et la défense du territoire national; et il y a ceux qui n'y vont de leur coup de chapeau qu'en incluant dans cet hommage le Hezbollah.

Par-delà ces discordances, nombreuses sont les questions que se pose l'opinion publique. Ainsi, y a-t-il ou non coordination entre l'armée qui s'en défend et la milice qui soutient le contraire ? Et surtout, pourquoi maintenant seulement, cette offensive tous azimuts contre un ennemi qui campait depuis des mois, voire des années, dans ces régions quasi désertes ?

À cette dernière interrogation l'ex-président et ancien commandant de la troupe Michel Sleiman répondait hier en qualifiant le timing d'excellent, expliquant l'inaction passée par l'absence de toute directive gouvernementale. Bien d'autres analyses circulent cependant. Pour d'aucuns, l'état de la sécurité, à Tripoli et dans le Akkar notamment, avait rendu inévitable une vaste et regrettable dispersion des effectifs, à telle enseigne que le contingent affecté, conformément à la décision de l'ONU, au Liban-Sud était réduit à sa plus simple expression. Pour d'autres, il a fallu attendre une conjoncture internationale et régionale, une sorte de consensus quasi général sur la nécessité de mettre un terme au sinistre épisode Daech. Encore fallait-il, pour aussi dure tâche, être en possession des outils adéquats, que les États-Unis se sont enfin décidés à livrer au Liban. Il s'agit en particulier de drones de surveillance et de guidage des tirs d'artillerie et d'avions légers équipés de missiles Hellfire assez intelligents pour capter et suivre scrupuleusement un rayon laser pointé sur la cible.

Nul besoin d'être expert militaire cependant pour constater qu'en lançant ses opérations sur le front de Ersal, mû en cela par des motivations davantage syro-iraniennes que libanaises, le Hezbollah a pratiquement imposé le jour J à l'état-major de Yarzé, qui suivait son propre agenda ; or comment l'armée pouvait-elle, sans se déconsidérer aux yeux de l'opinion, se tenir en reste des bulletins de victoire, largement médiatisés, d'une milice se posant en libératrice de la patrie ?

Cela fait quelque temps déjà que la milice et ses alliés font campagne en faveur d'une coopération politique, économique et surtout sécuritaire avec le régime de Syrie. Jeudi, Hassan Nasrallah haussait la barre de deux crans, qui étaient autant d'erreurs, sinon de fautes. À son slogan déjà fortement controversé armée-peuple-résistance, il n'a pas craint d'ajouter la peu glorieuse soldatesque de Bachar el-Assad. Et comme pour forcer la main à l'institution militaire, il a décerné à Damas la charge de négocier avec les terroristes le sort des soldats libanais retenus en otage depuis trois ans.

Voilà qui s'appelle pousser un peu loin une fort singulière fraternité d' armes...

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Engagée dans une bataille décisive contre les hordes de Daech près de la frontière syrienne, volant de succès en succès, l'armée vit en ce moment son heure de gloire. Pour amplement méritée qu'elle soit, l'adulation populaire (et politique) dont elle est l'objet n'est guère exempte toutefois de nuances, et pas des moindres. Car il y a ceux qui ne reconnaissent qu'à elle seule la garde...