Donald Trump a encore intensifié hier l'escalade verbale face à la Corée du Nord, vantant la puissance nucléaire américaine, même si son équipe jouait l'apaisement et insistait sur les efforts diplomatiques en cours. Après avoir promis mardi le « feu et la colère » au régime de Kim Jong-un, le président américain s'est montré, d'un simple tweet, plus menaçant encore, affirmant que l'arsenal nucléaire américain était « plus fort et plus puissant » que jamais. S'il a dit espérer ne pas avoir à utiliser l'arme ultime, ses propos, qui font nettement écho à la rhétorique enflammée de Pyongyang, marquent un nouveau palier, au moment où la communauté internationale cherche les moyens de freiner le développement des programmes balistiques et nucléaires nord-coréens.
Ils contrastent singulièrement avec ceux de son secrétaire d'État, Rex Tillerson. Depuis le territoire américain de Guam, au cours d'une escale prévue de longue date, M. Tillerson a insisté sur le fait qu'il n'existait à ses yeux « aucune menace imminente ». Quelques heures auparavant, Pyongyang avait pourtant menacé de tirer des missiles sur cette petite île du Pacifique, d'une importance stratégique pour les États-Unis. « Je pense que les Américains peuvent dormir tranquillement et ne pas s'inquiéter de la rhétorique de ces derniers jours », a ajouté M. Tillerson, insistant sur les intenses tractations diplomatiques en cours pour banaliser les tensions.
Le calme régnait à Guam où les autorités se voulaient rassurantes et invitaient les habitants et les nombreux touristes à « se relaxer et profiter du paradis ». Cette île reculée de quelque 550 km2 est un avant-poste-clé pour les forces américaines sur la route de l'Asie, où vivent 162 000 personnes. Environ 6 000 soldats y sont déployés et elle dispose surtout d'une base aérienne capable d'accueillir les bombardiers lourds américains du B-52 au B-2, en passant par le B-1.
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Pas Kennedy vs Khrouchtchev...
L'utilisation de cette rhétorique par M. Trump, « perçue comme une provocation bienvenue par Pyongyang, pourrait ouvrir un enlisement et un équilibrage de la terreur qui rappellerait les pires heures de la guerre froide », observe Nicolas Gachon, spécialiste des États-Unis et maître de conférences à l'Université Montpellier 3, interrogé par L'Orient-Le Jour. Selon lui, aucune stratégie américaine ne semble se dessiner, et « tout laisse à penser qu'il s'agit d'une réaction épidermique du président Trump destinée à intimider Kim Jong-un ». « La résilience de M. Trump va probablement être mise à rude épreuve. Mais il n'est pas Kennedy et Kim Jong-un n'est pas Khrouchtchev ; on en viendrait presque à le regretter », souligne M. Gachon, évoquant, entre autres, le second tweet un peu plus apaisé du président US.
Peu après les premières déclarations de M. Trump, Pyongyang avait déjà surenchéri, annonçant envisager des tirs de missiles près des installations militaires des États-Unis sur l'île de Guam. Une fois finalisé, ce projet pourrait être mis en œuvre « à tout moment », dès que le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un l'aura décidé, a rapporté l'agence officielle KCNA, qui cite un communiqué de l'armée. Des bombardiers lourds américains B-1B basés à Guam ont survolé mardi la péninsule coréenne, ce qui « prouve », selon KCNA, que les « impérialistes américains sont des maniaques de la guerre nucléaire ».
Le pays reclus est désormais doté d'armes nucléaires susceptibles d'être embarquées sur des missiles balistiques, y compris des missiles balistiques intercontinentaux (ICBM), selon les conclusions d'un rapport confidentiel achevé en juillet par l'agence américaine de renseignement militaire, la DIA. Les spécialistes divergent de longue date sur les véritables capacités du Nord, en particulier à miniaturiser une tête nucléaire de façon à pouvoir la monter sur un missile. La DIA avait émis voici quatre ans des conclusions similaires, mais elles avaient été balayées par d'autres services de renseignements. Tous sont cependant d'accord sur le fait que Pyongyang avance à grands pas depuis l'arrivée au pouvoir de Kim Jong-un en décembre 2011.
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« Un gros risque pour Macron »
Face à cette nouvelle escalade, les réactions diplomatiques ne se sont pas fait attendre. Nombre de pays ont exprimé leur inquiétude face au ton très belliqueux adopté par le locataire de la Maison-Blanche. Si Paris a jugé que Donald Trump avait fait preuve de détermination, Berlin a en effet appelé toutes les parties « à la retenue ». Berlin et Paris « ne conçoivent pas les relations avec Washington de la même manière, et on le voit par des différences de forme et de fond », estime Bertrand Badie, enseignant-chercheur associé au Centre d'études et de recherches internationales (CERI), contacté par L'OLJ. « La politique étrangère de l'Allemagne se veut pacifiste et récuse l'utilisation de la force et des instruments militaires, et, a contrario, la France leur donne une importance », précise-t-il. Pour le chercheur, « cela est un gros risque pour M. Macron, car si la situation s'envenime, il aura peu de marge de manœuvre ». Quant à la Chine, seule véritable alliée du régime nord-coréen, elle a exhorté à éviter « les paroles et actions » susceptibles d'accroître la tension dans la péninsule.
Pyongyang a été visé le week-end dernier par une nouvelle volée de sanctions de l'ONU, qui pourraient lui coûter un milliard de dollars de revenus annuels tout en restreignant des échanges cruciaux avec Pékin, son principal partenaire économique. « La politique d'apaisement de Berlin (partenairecommercial de choix de Pékin) vise à renforcer le rôle de médiateur de la Chine dans la région », se trouvant déjà dans une position délicate, précise M. Badie.
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commentaires (4)
La seule issue pour TRUMP-PETE est de baisser d'un ton sa grande gueule et se rendre à Pyongyang pour normaliser ses relations avec le courageux kim Jong UN. La soumission aux usa n'a jamais servi aux peuples qui les COMBATTENT, la confrontation,OUI !
FRIK-A-FRAK
12 h 53, le 10 août 2017