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Moyen Orient et Monde - Portrait / Disparition

Moustapha Tlass, un figurant en Assadie

L'ancien ministre syrien de la Défense, mort hier à Paris, a surtout été un paravent sunnite pour le régime.

Le président syrien Bachar el-Assad (centre) flanqué de l’ancien ministre de la Défense Moustapha Tlass (à droite) et de son successeur Hassan Turkmani à Damas, le 6 octobre 2003. SANA/Handout via Reuters

Un pilier de la vieille garde de Hafez el-Assad n'est plus. Ancien ministre de la Défense, Moustapha Tlass, est mort hier à Paris, une douzaine de jours après avoir été hospitalisé pour une fracture du col du fémur, selon son fils Firas, un homme d'affaires basé notamment à Dubaï. Âgé de 85 ans, il vivait dans la capitale française depuis cinq ans. Écarté du pouvoir en 2005 par le président syrien Bachar el-Assad, il apparaissait peu dans les médias. Mais lorsque les violences éclatent en Syrie en 2011, et que ses fils Firas et Manaf font tour à tour défection et fuient le pays, il se garde de se prononcer ouvertement sur le conflit qui dégénère en guerre civile.

Né le 11 mai 1932 à Rastane, qui deviendra en 2012 l'un des bastions de l'insurrection syrienne dans la province de Homs, Moustapha Tlass adhère au parti Baas à 15 ans. C'est à l'école militaire, quelques années plus tard, qu'il fait la connaissance de Hafez el-Assad. Stationnés au Caire de 1958 à 1961, les deux hommes se rapprochent de par leur aversion commune envers le projet de la République arabe unie (nom de l'État né de l'union de la Syrie et l'Égypte, et disparu en 1961), estimant que la balance penche trop favorablement en faveur de l'Égypte, au détriment de la Syrie. Dans les années 1960, les deux hommes gravissent rapidement les échelons du pouvoir syrien, notamment grâce à l'emprise qu'exerce de plus en plus l'aile soviétique du Baas sur le gouvernement. Les coups d'État et crises successifs propulsent les deux hommes à de hautes fonctions gouvernementales. Assad nommera Tlass chef d'état-major en 1968, peu après la débâcle de la guerre des Six-Jours, alors que lui-même était ministre de la Défense, puis, après le coup d'État qui le porte au pouvoir en 1970, ministre de la Défense (1972). Il gardera cette fonction jusqu'en 2005. C'est que Bachar el-Assad, au pouvoir depuis 2000, après la mort de son père, cherche à moderniser le régime.

Le général Tlass n'est pas uniquement connu pour ses faits de guerre – il a, entre autres, couvert le massacre des Frères musulmans à Hama en 1982, qui a fait des dizaines de milliers de morts. Il est également l'un des quelques sunnites qui occupent de hautes fonctions dans un gouvernement majoritairement alaouite. Pour certains observateurs, toutefois, il n'y fait que de la figuration : Hafez el-Assad tient au soutien, crucial, de la communauté sunnite pour se maintenir au pouvoir.

 

(Pour mémoire : Le jour où Hafez el-Assad s'est emparé du pouvoir)

 

En famille
Les enfants Tlass, aussi, défraient la chronique. Sa fille Nahed, veuve du richissime Akram Ojjeh, mort en 1991, est connue pour ses réceptions parisiennes, ainsi que pour son mécénat, et surtout ses liens politiques. Considérée comme l'une des plus belles femmes du Moyen-Orient, elle accueille régulièrement le Tout-Paris, et les plus grands se presseront à sa table, des scientifiques aux politiques, en passant par les journalistes : Dominique de Villepin, Nicolas Sarkozy, Dominique Strauss-Kahn font souvent partie de ses invités. Son frère Manaf, lui, fuit la Syrie en 2012, aidé des services secrets français, après avoir refusé de réprimer dans le sang la rébellion couvant à Bab Amr, un quartier de Homs. Avec son frère Firas, il injecte des pans de leurs fortunes personnelles dans l'opposition syrienne et finance l'armement de certains groupes d'insurgés.

Mais Tlass père ne se prononcera jamais ouvertement contre le régime Assad. Ce général jovial, joufflu, moustachu, préfère parler de sa passion éternelle pour l'actrice italienne Gina Lollobrigida. À la fin des années 1990, il révèle au quotidien émirati al-Bayane que son amour pour elle l'a même poussé à demander aux alliés de la Syrie au Liban – nous sommes alors en 1983 et l'invasion israélienne du Liban bat son plein – d'éviter d'attaquer les troupes italiennes de la Finul : « Pas une larme ne doit couler des yeux de Gina Lollobrigida », explique-t-il, le plus sérieusement du monde, au chef druze Walid Joumblatt, interloqué. Il raconte, toujours dans al-Bayane, lui avoir envoyé des cadeaux, des poèmes et des lettres d'amour, auxquelles elle n'a donné suite que lorsqu'il est devenu chef d'état-major en 1968... Ce n'est qu'en 1984 qu'elle daignera lui rendre visite à son domicile damascène, à l'âge de... 57 ans.

 

(Pour mémoire : Manaf Tlass appelle les Libanais à « retirer leurs voyous des rues »)

 

Collectionneur, Moustapha Tlass aime également parler de sa bibliothèque, la « plus grande du monde », selon lui. Car il amasse différents souvenirs, certains précieux, d'autres historiques. Il n'hésite pas à exhiber, en 2009, lors d'une interview télévisée pour RT, la montre d'un pilote israélien abattu dans son avion en 1974, et qu'un officier syrien natif de Rastane également lui a offert ; une canne ayant appartenu à Anouar Sadate, ou encore une mitrailleuse en or massif que lui a offerte le prince Charles d'Angleterre. Il montre aussi une hache datant de l'ère soviétique, et qu'il affirme avoir porté à la ceinture à diverses occasions, sous sa veste de costume, pour se protéger.

À la complicité à l'égard d'un régime brutal, s'allie l'ambition académique. Fondateur de Dar Tlass, une maison d'édition qui publie une huitième édition du Protocole des sages de Sion, et auteur de plus de 40 ouvrages, dont ses mémoires, l'ancien ministre de la Défense a suscité de vives polémiques tout au long de sa carrière. Son Azyme de Sion (1983) lui coûte sa soutenance de thèse en Sorbonne, annulée pour antisémitisme. En 1999, ce sont ses propos sur le chef de l'OLP Yasser Arafat, qu'il traite de « fils de 60 000 putes » et de « strip-teaseuse » lors d'un discours à Baalbeck, au Liban, qui poussent l'ancien secrétaire général de l'ONU Boutros Boutros-Ghali et André Bourgey, ex-directeur du Centre d'études et de recherches sur le Moyen-Orient contemporain de Beyrouth, à démissionner de son jury, alors qu'il travaille sur ce qu'il appelle la « Syrie naturelle » et « l'isthme syrien ». Il ne sera jamais diplômé de l'Université française, et abandonnera toute idée de thèse après ce second échec.

 

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commentaires (3)

QUE VA-T-IL AMASSER CHEZ BELZEBUTH ?

LA LIBRE EXPRESSION

14 h 17, le 28 juin 2017

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Commentaires (3)

  • QUE VA-T-IL AMASSER CHEZ BELZEBUTH ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 17, le 28 juin 2017

  • Samia Medawar, il aurait été plus intéressant de discuter de son role de boucher au Liban ! (surtout que vos lecteur son principalement Libanais!) a la place de le decrire comme "Ce général jovial, joufflu, moustachu" !! honte!

    Mill Linro

    13 h 30, le 28 juin 2017

  • bon debarras voila le gros probleme de la politique au moyen orient depuis 70ans, c'est les leche bottes qui arrivent le plus rapidement au pouvoir, et c'est certainement pas les plus competent

    George Khoury

    10 h 31, le 28 juin 2017

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