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Liban - Nations unies

Abbas Assi, électricien à 12 ans, aujourd’hui spécialiste en droit et en informatique de gestion

Pour marquer la Journée de lutte contre le travail des enfants, un jeune Libanais racontera sa success story à Genève, aujourd'hui. Un parcours impossible sans l'apport de l'ONG Beyond.

Abbas, au centre, est devenu volontaire de Beyond, travaillant avec les réfugiés syriens.

Abbas Assi sera aujourd'hui à Genève où il s'adressera à une assemblée constituée de représentants de 180 pays et de plus de 3 000 participants, à l'occasion de la Journée mondiale pour la lutte contre le travail des enfants. Invité par l'Organisation internationale du travail (OIT), le jeune homme sera accompagné de Maria Assi, secrétaire exécutive de Beyond, l'ONG libanaise qui lui a changé la vie.

La vie de Abbas Assi, originaire de Ansar, a basculé durant la guerre de juillet 2006. Il n'avait pas encore 10 ans. Il a perdu son oncle paternel à la guerre. Ses grands-parents sont morts un peu plus tard, à quelques mois d'intervalle. Le chagrin a commencé à ronger son père qui développera par la suite divers problèmes de santé.

Abbas Assi avait 12 ans quand il s'est vu obligé d'aider son père, électricien sur les chantiers. « Je devais être constamment présent sur le chantier pour remplacer mon père. Je ratais de plus en plus mes cours. Je ne pouvais même plus étudier. Jusqu'à ce que j'ai complètement arrêté l'école. Je devais assumer les responsabilités de ma famille, mon père, ma mère et ma petite sœur », raconte-t-il. « À 15 ans, quand j'ai quitté l'école, j'ai senti que la vie était véritablement injuste. Je voyais mes camarades aller aux cours et jouer alors que je devais travailler. Même si je porte beaucoup d'estime pour mon père, je ne voulais pas finir électricien sur un chantier », dit-il.

Abbas Assi se rend au centre communautaire Beyond, situé dans son village. L'association avait été fondée en 2002 et travaillait dans le domaine de l'éducation des plus nécessiteux. En 2006, avec la guerre de juillet, les activités de Beyond se sont diversifiées pour pouvoir subvenir aux besoins des habitants du Liban-Sud et de la Békaa, touchés par la guerre. L'adolescent bénéficie de cours de mise à niveau au centre social Beyond, qui l'aide aussi à réintégrer l'école. Le garçon a perdu une année scolaire, mais a toute la volonté nécessaire lui permettant de poursuivre ses études. Il n'arrête pas de travailler les après-midi en donnant des leçons particulières aux élèves du primaire, étudie en soirée et en week-end. Il continue de bénéficier du soutien de Beyond, et, avec la crise syrienne, il devient lui-même volontaire.
« Je suis allé dans les camps dès 2011 avec Beyond, je voulais que les enfants réfugiés qui ont quitté l'école voient mon exemple et ne perdent pas courage. Je me suis tout de suite senti responsable d'eux. Je voulais les aider à ma façon », explique-t-il.

Abbas Assi vient de terminer sa première année d'université. Il se spécialise en droit à l'Université libanaise et en informatique de gestion à l'Université internationale libanaise. Il bénéficie d'une bourse et continue de donner des leçons particulières. « J'ai eu de la chance d'être soutenu par Beyond, je ne peux pas imaginer ma vie sans eux, mais aussi j'ai beaucoup ramé. Il faut avoir de la volonté pour arriver à ce qu'on veut », dit-il.

 

Et l'expertise des Libanais ?
Maria Assi, secrétaire exécutive de Beyond, souligne de son côté l'importance de l'éducation informelle quand l'éducation scolaire est impossible. « Aujourd'hui 150 000 enfants syriens sont scolarisés alors que 300 000 autres sont hors de l'école. Les fonds de la communauté internationale financent majoritairement l'éducation formelle. Que faire de ces 300 000 enfants, surtout que la communauté internationale, notamment l'Unicef, a décidé de ne plus financer les ONG libanaises présentes dans les camps du Liban, préférant donner les fonds aux ONG internationales », martèle-t-elle.

Beyond, qui est devenue une référence dans les projets de développement social destinés aux plus démunis, qui comptait jusqu'à l'année dernière 107 centres dans tout le Liban, venant en aide aussi bien aux réfugiés syriens qu'aux Libanais dans le besoin, n'a plus que 20 centres au Liban.

Frank Hagemann, directeur régional adjoint du bureau régional de l'OIT et directeur de l'équipe du travail décent au sein de l'organisation internationale, note de son côté que les conférenciers présents à Genève écouteront le témoignage de deux jeunes, l'un venu du Liban et l'autre de Haïti. « Depuis plus de vingt ans, nous marquons la Journée mondiale du travail des enfants. Cette année a pour thème : "Le travail des enfants dans les zones en conflit" », dit-il, soulignant que « le phénomène ne constituait pas un fléau au Liban avant la guerre en Syrie. Le problème est devenu majeur avec le conflit syrien et l'arrivée des réfugiés. Les enfants qui travaillent deviennent de jeunes adultes fragiles, capables d'être exploités par divers groupes, notamment les fondamentalistes et les terroristes. Le gouvernement libanais est conscient de cela », explique-t-il.

Le Liban compte environ 500 000 mineurs syriens et 160 000 d'entre eux sont scolarisés. Le reste bénéficiait de formations informelles et de soutien. Mais des centaines de centres ont été fermés à l'intérieur des camps syriens, suite à la décision de quelques agences onusiennes d'arrêter leur travail direct avec les ONG libanaises.

Ce n'est pas le cas de l'OIT qui continue de financer les Libanais. « Nous travaillons sur base de partenariat multipartite, avec le gouvernement, le patronat, les syndicats et la société civile. Il n'y a rien de mieux que les ONG locales pour pouvoir cerner et traiter le problème », dit-il, notant que « les fonds de la communauté internationale manquent pour financer au Liban l'éducation informelle, les stages de formation et le soutien aux enfants et aux femmes réfugiés qui se sont retrouvés dans l'obligation de travailler. Ainsi 80 % de la population des camps du Liban est constituée de femmes et d'enfants. De nombreux ménages sont gérés par les femmes réfugiées », poursuit-il, indiquant qu'en « Syrie, moins de 10 % des femmes travaillaient avant la crise ».

Cette population a besoin de soutien, mais l'expertise des Libanais, qui ont vécu la guerre et qui ont survécu grâce à l'apport de la société civile, a étrangement été écartée par les plus importants donateurs onusiens pour passer dans les mains d'experts internationaux. Et beaucoup d'entre eux, travaillant dans l'humanitaire, n'ont jamais mis les pieds au Moyen-Orient avant la crise des réfugiés syriens. Mais cela est une autre histoire...

 

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