« C'est à lui maintenant fort de l'expérience qu'il a pu acquérir auprès de moi, fort aussi de ce que nous avons fait ensemble, de continuer sa marche. » C'est ainsi que le 8 mai, le président de la République française a pavé le chemin à son successeur, lui murmurant des conseils à l'oreille et le guidant tout au long de la commémoration de la capitulation de l'Allemagne en 1945 aux pieds de l'Arc de Triomphe. Le 10 mai, c'est à l'occasion de la commémoration de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions qu'il l'a accompagné à nouveau. Hier, François Hollande a officiellement passé le flambeau le dernier jour de son mandat à Emmanuel Macron, alors devenu le plus jeune président de la République française. Ils se sont tenus une dernière fois, seuls, sans leurs épouse et compagne respectives, sur le perron du palais de l'Élysée. Ce 14 mai 2017 avait une saveur aigre-douce pour le président tandis que l'élève prenait la place du maître, au dernier jour de son mandat.
Hiérarchie vs loyauté
Les deux hommes entretiennent une relation particulière et complexe, rappelant presque celle d'un père et de son fils. Les images du 8 mai en attestent : François Hollande regarde son poulain d'un air bienveillant et attentionné. Il faut dire que les deux hommes se connaissent depuis bientôt dix ans. Leur première rencontre remonte à 2008 alors qu'Emmanuel Macron est rapporteur de la Commission pour la libération de la croissance française dite « Commission Attali », du nom de son président. Quatre ans plus tard, François Hollande le nomme secrétaire général adjoint de l'Élysée. Emmanuel Macron, dont l'engagement politique au Parti socialiste ne remonte qu'à 2006, commence sa carrière en accédant directement à la sphère la plus proche du pouvoir, le cabinet du président. Le jeune politique, encensé par ses pairs banquiers pour son dynamisme et la qualité de son travail, devient ministre de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique en 2014. Il occupera ce poste pendant deux ans avant de démissionner pour se lancer dans l'aventure En Marche !.
L'ascension sur la scène politique française du « Kid Macron » parmi les politiciens français chevronnés est fulgurante et François Hollande voit en lui son héritier politique. « Emmanuel Macron, c'est moi », déclare le président aux journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme dans le livre polémique Un président ne devrait pas dire ça. Emmanuel Macron, « c'est le fils que l'on voudrait avoir », confie-t-il au chef de la communication de l'Élysée, rapporte Le Monde le 31 mars. François Hollande lui fait une confiance aveugle. À tel point que son comportement finit par faire des jaloux parmi ses conseillers les plus loyaux qui lui reprochent son indulgence à l'égard de ce novice en politique. Une si grande confiance de la part du président qu'elle finira par lui porter préjudice, malgré les avertissements multiples de son entourage qui lui rapportent les propos qu'Emmanuel Macron tient à son égard dans le Tout-Paris. Même après son départ de Bercy pour se lancer à la poursuite de ses ambitions personnelles, le président ne voit pas le danger que représente son « héritier ». « C'est entre nous non pas simplement une question de hiérarchie – il sait ce qu'il me doit –, mais une question de loyauté personnelle et politique », déclare François Hollande sur le plateau de Dialogues Citoyens de France 2 quelques jours après.
Le fils candidat tue le père président
Mais celui qui se projetait déjà vers sa réélection en 2017 se voit devancé par son propre protégé. Le 16 novembre 2016, Emmanuel Macron annonce sa candidature, après avoir œuvré sans relâche après son départ du ministère de l'Économie pour lever des fonds en France et à l'étranger. Un mois plus tard, François Hollande, bafoué par son propre camp et son poulain, annonce qu'il ne sera pas candidat à la présidence pour un second mandat. Une fois lancé, M. Macron incarne alors une gauche centriste et fera tout son possible pour se distancier de celui qui l'a amené sur le devant de la scène. Il le tacle à de nombreuses reprises durant la campagne, rejetant l'image du « président normal », trop proche des journalistes.
Pourtant, il est sur la même ligne politique que le président sortant et partage en partie les mêmes idéaux sociétaux et européens. Les similitudes sont telles que ses adversaires ne cessent de le lui rappeler, l'affublant de surnoms divers tout au long de la campagne : « Emmanuel Hollande », « Hollande Junior », « Bébé Hollande », « l'héritier » pour n'en citer que quelques-uns. Emmanuel Macron s'empresse de rejeter ces allusions à son court passé politique. « Je ne suis pas dans la continuité de François Hollande. Je ne suis pas candidat à sa place, j'ai été candidat avant lui. » En quelques mots, l'élève assène le coup final à son mentor, lors de son passage à l'Émission politique, à quelques semaines du premier tour.
Au vu des résultats du scrutin opposant Marine Le Pen au candidat d'En Marche !, François Hollande se positionne clairement en faveur de ce dernier pour faire barrage à l'extrême droite. Mais malgré la trahison de son poulain, désormais président, il n'alimente pas la rancœur, du moins pas dans les médias, déclarant qu'il « ne l'a pas trahi ». À une semaine de la passation des pouvoirs, le président n'a eu que des mots encourageants envers son ancien protégé qui l'a « suivi tout au long de ces dernières années » avant de « s'émanciper ». « Il sera toujours le bienvenu et je serai toujours à côté de lui », a-t-il insisté le 8 mai. Malgré les tentatives de « l'héritier » de se délester de son père politique, il semblerait qu'il ne puisse empêcher celui-ci de vouloir lui coller à la peau l'image de la continuité.
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Désolé ... ce "n'est pas l'héritier malgré lui"... c'est simplement la continuité dans le maintien au pouvoir des socialistes , d'ailleurs E.Macron est un pur produit de la nomenklatura socialiste ...dès maintenant autoprorogée pour 5 ans ....
08 h 18, le 15 mai 2017