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Virevolts

Sondages, statistiques et autres estimations, tout cela vaudrait-il pour un pays aussi spécial que le Liban ? Si la question se trouve posée, c'est pour deux raisons. La première est que, ces derniers jours, nous avons tous été matraqués, jusqu'à plus soif, de chiffres à quatre particules définissant tantôt les chances des divers candidats à la présidence française, et tantôt les scores enregistrés par les finalistes. La seconde relève de la simple curiosité, même pas intellectuelle. Si les dieux de la politique devaient se décider à faire enfin un cadeau aux Libanais, lequel de ces deux rébus voudraient-ils le plus voir enfin résolu : un code électoral flambant neuf ou bien le courant électrique à profusion dans les chaumières ?


Évidente est la réponse. Non point certes que les Libanais soient dépolitisés au point de se désintéresser totalement de la vie publique. Ils sont seulement résignés, dégoûtés. Ils savent bien qu'après huit années de stériles tiraillements – et parce qu'il n'est plus humainement possible de proroger une fois de plus le mandat de l'actuelle Assemblée –, tout ce beau monde va bien finir par concocter, au finish, une formule satisfaisant plus ou moins l'intégralité de l'increvable establishment.


C'est avec la rage du pigeon éternellement arnaqué, racketté, humilié, traité comme quantité négligeable mais corvéable à souhait que le citoyen réclame, en revanche, son dû en watts, volts et ampères. Peine perdue, puisque l'on persiste à vouloir le mener en bateau. C'est littéralement le cas avec ces générateurs flottants turcs, amenés en 2013 à grands frais, et loin de toute transparence financière, et auxquels on s'apprête à redonner du service malgré les vives protestations apparues çà et là. Au départ, ces énormes barges ne représentaient qu'une partie du programme de réhabilitation du réseau imaginé par l'apprenti électricien en chef de l'époque, aujourd'hui en charge de la diplomatie libanaise. Ce n'était là, nous assurait-on, qu'une mesure provisoire de dépannage. Comme prévu cependant, seul le provisoire a survécu à la volatilisation du programme ; et c'est à ce même provisoire que l'on veut maintenant nous vouer durant les cinq prochaines années.


Par quelle malédiction en est-on encore là plus d'un quart de siècle après la fin de la dévastatrice guerre de 1975/90 ? Par l'action conjuguée d'une démocratie en état d'abâtardissement continu et de l'affairisme effréné d'une bonne partie du personnel politique. La persistance programmée de la pénurie de courant, le recours permanent au bricolage, aux palliatifs, sont autant d'occasions pour des adjudications pour le moins douteuses, assorties de profits aussi considérables qu'illicites et souvent opérées hors du cadre de l'Inspection centrale.


Le consensus ayant été érigé en règle sacro-sainte du pouvoir, l'exécutif est par ailleurs condamné à l'inaction, du moment que le vote a cessé d'être pratiqué en Conseil des ministres. Du coup, les ministres se comportent en maîtres absolus de leur département, abusent de leurs prérogatives, refusant même d'obtempérer aux éventuels rappels à l'ordre du Conseil d'État.


Face à ce désert institutionnel que n'a pas meublé, hélas, l'accession à la présidence de l'homme de la réforme et du changement, quel recours reste-t-il encore contre le magouillage ?

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Sondages, statistiques et autres estimations, tout cela vaudrait-il pour un pays aussi spécial que le Liban ? Si la question se trouve posée, c'est pour deux raisons. La première est que, ces derniers jours, nous avons tous été matraqués, jusqu'à plus soif, de chiffres à quatre particules définissant tantôt les chances des divers candidats à la présidence française, et tantôt les...