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Culture - Bipod 2017

Ces corps qui défient les lois pour se libérer enfin...

« Le poids des éponges » qui a ouvert le Festival à Citerne Beirut est une douche froide sur le quotidien monotone des Libanais.

Photo Gregory Batardon

Citerne Beirut, construite en moins de trois semaines, a accueilli la Compagnie Alias, qui a présenté en ce 13 avril Le poids des éponges. C'était tout un symbole pour Mia Habis et Omar Rajeh de donner forme à leur projet: transformer cette date funeste en un réservoir de rêves. La structure métallique en acier, réalisée par l'entreprise Dalal, respecte toutes les règles de sonorité et d'imperméabilité, et répond aussi aux exigences techniques des troupes qui vont l'habiter durant deux semaines. Petit bémol: la scène, trop basse, empêchait nombre de spectateurs assis au centre et aux dernières places de voir la performance dans son intégralité.


(Pour mémoire : Une 13e édition qui démarre le 13 avril)

 

L'ordinaire métamorphosé
Un couple et une adolescente sur scène, quoi de plus ordinaire ? Un autre couple qui apparaît, puis une danseuse de carnaval. Une pianiste échevelée, faisant danser ses doigts sur un clavier fictif. Tous traînant leurs problèmes et leurs corps désarticulés, las de tant de tourments et de rêves non aboutis, tantôt sur des airs de samba, tantôt sur des variations de musique classique. Rien de plus commun, assurément... L'extraordinaire se joue lorsqu'un artiste comme Guilherme Botelho prend à bras le corps cette performance qu'il avait créée en 2002, la remanie et la transforme en un ovni chorégraphique à dimension humaine et universelle. « Avec le temps, on éprouve le désir de reparler de la même chose, mais avec plus de finesse, de pertinence et peut-être plus de lucidité », avait-il répondu à ceux qui lui demandaient pourquoi il reprenait un spectacle pareil, plus de quinze ans plus tard.


(Pour mémoire : Mia Habis : « Citerne », un réservoir de créativité pour Bipod)

 

Originaire de São Paulo, Guilherme Botelho est tombé amoureux de la danse à l'âge de 14 ans après avoir vu Scènes de famille d'Oscar Araiz. Il ne tardera pas, cinq ans plus tard, à rejoindre le chorégraphe argentin devenu, alors, directeur du ballet du Grand Théâtre de Genève. Après dix ans de collaboration, il fonde en 1994 sa compagnie, Alias, qui deviendra la première compagnie conventionnée de Suisse.
Sous l'influence du Tanztheater de Pina Bausch, mélangée à ses origines brésiliennes, l'art du jeune danseur et chorégraphe se cristallise dans Alias, troupe qui traversera le monde, de Genève à Séoul, en passant par Beyrouth (où elle s'est produite il y a quelques années ), Londres, Montréal ou encore Berlin. Avec plus d'une vingtaine de chorégraphies à son actif, vues par plusieurs centaines de milliers de spectateurs à travers la planète, Guilherme Botelho se déplace, entraînant avec lui ses spectacles gigantesques et magnifiques.
Botelho aime à traiter les grands thèmes de la condition humaine dans des chorégraphies souvent théâtrales. Mais c'est surtout la notion de destin qui émaille ces théâtralités à la fois graves et légères. Le destin est toujours représenté chez Botelho sous forme d'éléments naturels comme l'eau, qui se déverse sur la scène créant l'effet de surprise. Ceci n'est pas sans rappeler le cinéaste Paul Thomas Anderson qui avait suscité une pluie de grenouilles dans son film Magnolia.

Tel un kaléiodoscope de la vie, le danseur chorégraphe examine à la loupe et sous tous ses angles le corps et sa perception du monde qui l'entoure. Corps enveloppés de couleurs criardes ou simplement dénudés ; corps désarticulés, qui se meuvent dans une dissonance synchronisée, avec une grâce infinie, paralysés, immobiles ; corps manipulés par tant de mécanismes figés et de certitudes momifiées, mais aussi corps curieux qui questionnent et vont à la recherche d'angles non explorés. Peut-on chorégraphier les sentiments ? Peut-on mettre en scène la psychologie intérieure de chacun ? Avec cocasserie et gravité, et souvent sur un ton décalé, le chorégraphe renverse les règles coincées de la valse, retourne le tapis et montre l'envers du décor. Le ballet aquatique final, surréaliste, qu'interprètent des danseurs en maillots de bain et bonnets latex, témoigne de ce corps qui défie les lois de la gravité, du lieu et du temps pour se libérer enfin sous ces cascades diluviennes. Botelho va au-delà du corps et de ses besoins. Ce corps qui, tel une éponge alourdie et regorgeant de tant d'eau, finit par expulser cette lourdeur par tous ses pores.

*Citerne Beirut, Mar Mikhaël-Quarantaine, ce soir, vendredi 14 avril, à 20h30 et demain samedi 15 avril, à 16h et à 21h.

 

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