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Le repos du combattant

Tristement attendue était la disparition de Samir Frangié qui, depuis de longues années, luttait contre la maladie avec le même et impressionnant courage décliné tout au long de son combat national. Elle choque profondément néanmoins, cette absence pourtant annoncée, car elle vient frapper de son sceau un grand dessein demeuré inachevé.


Extraordinaire parcours que celui de ce descendant d'une grande famille politique quittant très tôt le chemin tracé par la tradition pour s'engager, avec toute la fougue de la jeunesse, au service de causes tout juste surgies sur la scène libanaise et qu'il croyait justes. En 1971, la fusion des deux quotidiens L'Orient et Le Jour nous plaçait côte à côte dans le même bureau, défendant à tout propos, par la parole comme par l'écrit, idées et idéaux diamétralement opposés. Pour passionné que fût souvent le débat, Samir avait le don de le dédramatiser grâce à son humour sarcastique, grâce surtout à l'immense estime que commandait cette qualité rarement payante en politique hélas et qui aura été, pour l'auteur de ces lignes, le ferment et le ciment d'une longue et précieuse amitié : la sincérité.


Lors de la guerre de quinze ans, c'est armé de cette même et inviolable armure de sincérité, d'honnêteté, que le chevalier rouge Samir Frangié abordait inlassablement, l'une après l'autre, toutes ses batailles pour un Liban nouveau, un Liban meilleur, un Liban en paix avec lui-même dans l'union de ses fils, un Liban libre de toute tutelle étrangère et en harmonie néanmoins avec son environnement naturel. À cette fin, Samir n'aura jamais ménagé ni ses efforts ni sa santé, finissant par incarner pour de nombreux citoyens, et je suis fier d'en faire partie, cette race extrêmement rare de chefs pour qui la sagesse n'exclut en rien la fermeté des convictions. À l'heure où notre démocratie s'époumone à pédaler à vide, c'est de cet infatigable coureur de fond, pourtant mal soutenu par une santé fragile, que l'espoir de renouveau est aujourd'hui orphelin.


Manant du Chouf, c'est en ces mots qu'avait coutume de me saluer, à chacune de nos rencontres, cet authentique seigneur singeant, pour rire, les féodaux à l'ancienne. Ce n'est pas tout à fait par jeu qu'avec la même affection, je lui donnais, moi, du bey.


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Tristement attendue était la disparition de Samir Frangié qui, depuis de longues années, luttait contre la maladie avec le même et impressionnant courage décliné tout au long de son combat national. Elle choque profondément néanmoins, cette absence pourtant annoncée, car elle vient frapper de son sceau un grand dessein demeuré inachevé.
Extraordinaire parcours que celui de ce...