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Idées - Gouvernance

Bien « gouverner » la crise, avant de solliciter les donateurs

D.R.

Ce qu'on attendait essentiellement du Liban à la conférence de Bruxelles, ce n'était pas de rendre compte de l'ampleur de la crise des réfugiés, ou de soumettre une liste des contributions internationales souhaitées, mais plutôt de répondre aux deux questions suivantes : comment le Liban compte-t-il faire face à cette crise, et quelles sont les politiques publiques qu'il veut mettre en œuvre pour aborder ses différentes facettes ?
Il faudrait d'abord se demander ce que le Liban sait exactement des dimensions de la crise. Ceci est primordial pour toute politique publique digne de ce nom. Nos responsables disposent-t-il d'une base de données fiable sur les Syriens se trouvant actuellement au Liban ? Ou bien l'on se contente de répéter la rengaine du « million et demi de Syriens »? Les autorités libanaises disposent-elles d'une classification systématique de ces Syriens entre trois statuts légaux : réfugié (ou déplacé), résident et visiteur? Quels sont les chiffres relatifs à ces trois catégories, notamment à celle des réfugiés ? Quelles en sont les dynamiques et la répartition spatiale, professionnelle et socio-économique ? En Jordanie et en Turquie, par exemple, il est possible d'accéder à ces données en un clic.
Une autre question touche a la politique du logement vis-à-vis des réfugiés, notamment les 400 000 parmi eux qui résident sous les tentes ou dans des habitations aléatoires. Il ne s'agit pas là d'une question d'ordre humanitaire uniquement, mais aussi politique, en raison de ses répercussions environnementales, sécuritaires et sociales.
De plus, y a-t-il au Liban une véritable politique de l'emploi concernant les Syriens? Quels en sont les règles et les objectifs ? Qui parmi les Syriens a le droit de travailler ? Selon quels critères et dans quels domaines ?
Certains experts estiment que les demandeurs d'emploi syriens au Liban constituent aujourd'hui 25 % de la population active. Ceci n'exige-t-il pas une réglementation plus sophistiquée que les mesures discrétionnaires et saisonnières du ministère du Travail ? Une véritable politique de l'emploi qui mettrait a profit les ressources humaines syriennes et empêcherait en parallèle toute concurrence déloyale à la main-d'œuvre libanaise ?
Le Liban a réussi à intégrer 250 000 élèves syriens dans ses écoles, mais il existe toujours un nombre égal de jeunes Syriens non scolarisés. Il faudrait également se pencher sur les programmes d'enseignement des Syriens pour les adapter à leurs besoins propres, notamment en ce qui a trait à la formation professionnelle et au marché de l'emploi, que ce soit au Liban ou après leur retour en Syrie. De plus, l'un des défis majeurs est la pression énorme sur les infrastructures scolaires, bâtiments et équipements, en raison du système du double horaire.
À cote des écoles, c'est l'ensemble des communes d'accueils qui souffre du fardeau des réfugiés, et c'est l'ensemble de l'infrastructure de services qui est fragilisé. Cela nécessite une politique de développement local propre à ces régions, y compris un renfort exceptionnel des services publics, et des investissements ciblés en vue de créer de nouveaux emplois. La lutte contre le chômage contribue au renforcement de la sécurité, à l'intégration des jeunes marginalisés et leur éloignement des activités illégales.
À Bruxelles, le gouvernement libanais a proposé un plan d'investissement incluant des projets considérés prioritaires dans les secteurs du transport routier, de l'eau, de l'électricité et des déchets. La pertinence de ces projets dépend de leur capacité à créer des emplois locaux productifs pour les communautés d'accueil et les réfugiés. Ceci soulève des doutes sérieux, surtout à la lumière des déficiences, voire du manque de transparence et du népotisme qui sévissent dans certains ministères concernés par ces plans.
La priorité pour le Liban est donc d'entamer des politiques publiques convenables et transparentes pour combler ces lacunes, chose que nous devons avant tout à nous-mêmes. Ceci fait, il nous sera plus aisé de demander à la communauté internationale de porter avec nous le fardeau de la crise et de remplir ses devoirs.
Enfin, le Liban a exposé à Bruxelles une vision officielle unifiée à travers le discours du Premier ministre Saad Hariri, mais les délégations ont sans doute pu remarquer les voix tout aussi officielles qui ont résonné en dehors de la conférence, et le nombre de ministres qui ont accompagné M. Hariri dans cette mission à gros volet pécuniaire. Ce volet demeure une source d'intérêt et de tiraillement entre les différentes parties. En dépit de la nomination d'un ministre d'État pour les Affaires des Réfugiés, plusieurs ministres et conseillers présidentiels continuent à plancher sur ce dossier... à tort ou a raison.

Antoine Haddad est consultant en politiques publiques, et vice-président du Renouveau démocratique.
@antoine_haddad

Ce qu'on attendait essentiellement du Liban à la conférence de Bruxelles, ce n'était pas de rendre compte de l'ampleur de la crise des réfugiés, ou de soumettre une liste des contributions internationales souhaitées, mais plutôt de répondre aux deux questions suivantes : comment le Liban compte-t-il faire face à cette crise, et quelles sont les politiques publiques qu'il veut mettre en...

commentaires (1)

naif qui pense berner les pays donateurs ! naif qui pense qu'ils ignorent le degre de corruption qui sevit chez nous naif qui pense qu'ils font confiance a nos ediles

Gaby SIOUFI

09 h 52, le 19 janvier 2018

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Commentaires (1)

  • naif qui pense berner les pays donateurs ! naif qui pense qu'ils ignorent le degre de corruption qui sevit chez nous naif qui pense qu'ils font confiance a nos ediles

    Gaby SIOUFI

    09 h 52, le 19 janvier 2018

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