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A la découverte du petit monde du Jardin des Jésuites - A la découverte du Jardin des jésuites

Samir, l'homme aux chats du Jardin des jésuites

Samir, 77 ans.

Cela fait bientôt 8 ans que Samir nourrit les chats du Jardin des jésuites, deux fois par jour. photo Anne ILCINKAS

Ce matin, Samir est arrivé un peu en retard pour son rendez-vous quotidien avec les chats du Jardin des jésuites. « J'ai trop dormi, confie-t-il. C'est mon ami Bob, qui habite juste en face, qui est venu leur donner à manger. »

Pantalon beige et chemise blanche à carreaux, Samir, 77 ans, s'installe sur un banc rose, dans un coin du jardin. Rassasiés, les quelques chats du parc gardent leurs distances. « Je ne change jamais de banc, d'ici je vois tout, et tout est vert en face de moi. » C'est aussi, et surtout, que dans son coin ombragé, il reste à l'écart des passants du parc. « Je préfère les chats aux hommes depuis mon enfance », admet-il.


De temps à autre, des habitués du parc, souvent âgés, passent à côté de lui. Certains le saluent discrètement, d'autre plus énergiquement, avant de poursuivre, tant bien que mal, leur marche matinale accrochés au bras de leur employée de maison ou à leur canne. Samir, lui, boit tranquillement son café en enchaînant les cigarettes. « Mon médecin sait que je ne m'arrêterai jamais. »

 

 

Ce matin-là, Samir n'est pas d'humeur très bavarde. « Je suis déprimé, confie-t-il. Il y a 10 jours, mon chat est mort. Ce chat, il mangeait et dormait avec moi. Et moi, je lui parlais. Il s'appelait Pussy. Cela faisait 10 ans qu'on vivait ensemble. » Samir allume une cigarette. « Il était à côté de moi, et lorsque j'ai posé ma main sur lui, raconte-t-il en mimant la scène, il était froid. Je crois qu'il a fait une crise cardiaque. J'ai appelé mon petit-fils, il l'a mis dans un sac et l'a enterré dans un jardin. Je vis seul maintenant. »


Samir, qui travaillait dans l'immobilier avant de prendre sa retraite, a 3 enfants et 7 petits-enfants. Il s'est marié à 23 ans, mais cela fait 15 ans que lui et son épouse sont séparés. « On s'habitue à vivre seul », dit-il, avant d'ajouter, en détournant son regard : « Avant la mort de Pussy, je n'étais pas seul. »


Samir habite à cent mètres du jardin depuis maintenant six ans. Avant d'habiter à Jeïtaoui, il vivait à Fassouh, un autre quartier de Beyrouth. « Cela fait plus de 20 ans que je viens dans ce jardin, assure-t-il. Je viens ici tous les jours, même en hiver, de 9h30 à 11h30 puis de 15h à 17h. Je n'ai rien d'autre à faire. Quand je regarde la télévision, je m'ennuie très vite. » « En plus maintenant, ça m'aide à oublier Pussy », ajoute-t-il.
Cela fait bientôt 8 ans que Samir nourrit les chats du Jardin des jésuites, deux fois par jour. « Je leur achète de la pâtée pour chat et des croquettes, raconte-t-il. Ce n'est pas très cher : je dépense 100 000 LL par mois pour nourrir 9 ou 10 chats. »

 
Quand on lui rappelle qu'à deux reprises, la municipalité a évoqué la possibilité de construire un parking sous le jardin, Samir blêmit. « Je ne peux pas penser à cette éventualité, je ne peux pas penser à ça », répète-t-il. « Les chats partiraient, ils vivraient dans la rue. Et moi je ne sais pas où j'irais... Aller dans un café coûte cher », dit-il en sirotant son premier café de la journée acheté près du parc à 1 500 LL.
Un chat avec une tache noire à l'œil s'approche de Samir, dont le visage s'éclaire enfin d'un sourire. « Il s'appelle Moshe Dayan, comme le ministre israélien qui avait un cache-œil », dit-il en le caressant avant de mettre fin à sa visite matinale.

 

 

À 15 heures tapantes, Samir est de retour, accompagné de Joseph cette fois, son homme à tout faire. Lorsqu'il passe la porte du jardin, les chats réapparaissent comme par magie. « Où est Negro ? » demande Samir, inquiet.

 

Joseph, malgré la chaleur, porte une chemise à carreaux rouges, un pull noir et une veste blanc et vert. L'homme aux cheveux blancs a assorti à sa tenue trois colliers en perles colorées : rouges, blanches et vertes. Il retrousse ses manches et place un sac à côté de Samir. Ce dernier en retire une cuillère en métal et une boîte de pâtée pour chats et les remet en silence à Joseph. Sous l'œil attentif de Samir, il partage la pâtée entre tous les chats.

Un des chats reste aux pieds de Samir. « Elle, elle ne mange que des croquettes », dit-il en en sortant quelques-unes de son sac. Depuis leur banc, tous les habitués du parc observent Samir et ses chats. « Donne à manger à Bella », lance-t-il à Joseph avant de murmurer : « Il y a des retardataires, ils vont bientôt arriver. » « Bella a donné naissance à huit chatons hier, raconte-t-il. Je lui ai cherché un carton pour qu'elle puisse s'abriter avec eux. Je crois qu'un de ses chatons est mort. Dans quelques mois, peut-être que j'en prendrai un chez moi. »


Samir sourit en regardant ses chats. « Il y en a trois ou quatre qui ne sont pas encore venus, ils viendront à 16 heures, affirme-t-il. Bousbous est ma préférée, elle se met à côté de moi et ne bouge pas. Elle n'est pas encore venue aujourd'hui. » Quand la chatte arrive enfin, Samir lui lance : « Bousbous, pourquoi es-tu en retard aujourd'hui ? »
Vodka, un autre retardataire, arrive dans la foulée. « Joseph, viens donner à manger à Bousbous et Vodka », lance Samir en tirant une nouvelle cigarette de son paquet. Le regard au loin, il murmure : « Negro n'est pas venu aujourd'hui. »

 

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Ce matin, Samir est arrivé un peu en retard pour son rendez-vous quotidien avec les chats du Jardin des jésuites. « J'ai trop dormi, confie-t-il. C'est mon ami Bob, qui habite juste en face, qui est venu leur donner à manger. »
Pantalon beige et chemise blanche à carreaux, Samir, 77 ans, s'installe sur un banc rose, dans un coin du jardin. Rassasiés, les quelques chats du parc gardent...

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