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Économie - Splendeurs et misères économiques

La politique des pantins tétanisés

Né à Beyrouth, Michel Santi est un macroéconomiste franco-suisse qui conseille des banques centrales et des fonds souverains. Il est l’auteur de « Misère et opulence » et de « Pour un capitalisme entre adultes consentants ».

La globalisation n'a pas contraint les États à mettre en œuvre des politiques publiques clivantes ayant eu pour effet d'exacerber les inégalités et de gripper l'ascenseur social. Le choix fut délibéré et assumé de la part de nos gouvernements successifs de déréguler massivement, laissant le marché comme arbitre des libertés individuelles, comme unique générateur des richesses et d'opportunités, trop souvent hélas aux sources de désastres sociaux et de régression des revenus. Incontestablement, la globalisation aura joué un rôle majeur ces trente dernières années dans la réduction de la pauvreté au sein des pays nécessiteux. Elle a aussi, cependant, fait des perdants au sein de nos nations occidentales dont les gouvernements n'ont pas pris les mesures de correction et de lissage qui s'imposaient. La problématique sensible de la redistribution n'a pas été traitée par ces responsables politiques, éblouis par l'accélération des échanges commerciaux internationaux, par la libéralisation des flux de capitaux et par les fulgurants progrès technologiques qui – dès lors – se sont laissé abuser par le mythe de l'efficience des marchés. Là aussi, ce n'est pas tant la globalisation que des fautes graves de gouvernance qui ont conduit les gouvernements successifs à réduire le train de vie de l'État, à sabrer dans les dépenses sociales, voire à alléger la fiscalité des plus riches.
En fait, décision au plus haut niveau des responsabilités politiques et économiques fut prise de libérer et de débrider les « esprits animaux », seuls capables de stimuler et libre entreprise et prise de risques, considérées comme ingrédients essentiels à l'enrichissement de la société. Là aussi, la globalisation n'est en rien responsable de l'émergence d'une supercaste aux premières loges pour tirer les marrons brûlants des feux de la mondialisation et de la dérégulation intensive : c'est les exécutifs successifs, persuadés que c'était la seule manière d'augmenter l'attractivité de leur pays aux investisseurs internationaux. L'Europe – et accessoirement les États-Unis – a très mal négocié ce tournant de la mondialisation qui ne s'est réalisée qu'aux dépens de pans entiers de sa population, contrairement aux pays scandinaves – eux aussi parfaitement intégrés dans la globalisation – qui ont adopté une fiscalité redistributive digne de ce nom. L'Allemagne elle-même, qui semble aujourd'hui abriter les inégalités les plus exacerbées de l'Union, ne fut nullement sous la pression de la globalisation pour refuser de taxer comme il se doit les successions et la propriété immobilière. Ce fut un choix délibéré de sa part que de favoriser les concentrations de richesses.
De même, ce ne furent pas les « puissances occultes » de la globalisation qui imposèrent l'austérité à nombre de pays européens contraints de réduire drastiquement leurs dépenses afin de tenter de sortir de la dépression. C'est bêtement les critères européens qui leur mirent le couteau sous la gorge et qui ne leur laissèrent d'autre choix que de se livrer à une compétition acharnée pour séduire les capitaux internationaux. S'agissant de concurrence entre États – voire entre partenaires d'une même union monétaire –, ce n'est pas non plus la globalisation qui a forcé certains États à adopter des fiscalités largement favorables aux sociétés – aux confins de la concurrence déloyale – ayant eu pour résultat d'attirer des multinationales en quête de paradis fiscaux « honorables. » Ce fut une entreprise consciente de la part de certaines nations au détriment de leurs consœurs, contraintes – elles – de compenser ce manque à gagner en alourdissant la fiscalité de sa propre classe moyenne.
En somme, ce n'est pas la globalisation qui, aujourd'hui, est responsable de la croissance anémique de notre Occident, comme ce n'est pas elle qui est à la source de l'érosion de notre niveau de vie. Ce sont nos politiques publiques – ou plutôt leurs déficiences criantes – qui sont à mettre au banc des accusés. Il est donc grossier de clamer que la mondialisation rend la politique impuissante, car cette même politique se retrouve aujourd'hui réduite à une mascarade et nos politiciens à des pantins tétanisés.

La globalisation n'a pas contraint les États à mettre en œuvre des politiques publiques clivantes ayant eu pour effet d'exacerber les inégalités et de gripper l'ascenseur social. Le choix fut délibéré et assumé de la part de nos gouvernements successifs de déréguler massivement, laissant le marché comme arbitre des libertés individuelles, comme unique générateur des richesses et...

commentaires (2)

Mais nous le savions tous , que ce sont -depuis toujours- les GROS sous qui gouvernent le monde entier, avant , pendant la globalisation. Mais alors ressasser la chose ne mene a rien puisqu'une solution - une alternative- n'a encore jamais ete proposee.

Gaby SIOUFI

12 h 18, le 31 mars 2017

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Commentaires (2)

  • Mais nous le savions tous , que ce sont -depuis toujours- les GROS sous qui gouvernent le monde entier, avant , pendant la globalisation. Mais alors ressasser la chose ne mene a rien puisqu'une solution - une alternative- n'a encore jamais ete proposee.

    Gaby SIOUFI

    12 h 18, le 31 mars 2017

  • Très vrai!

    Abdallah Charles

    05 h 56, le 31 mars 2017

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