Un ex-député russe réfugié en Ukraine et devenu un opposant à la politique de Moscou a été assassiné jeudi à Kiev, les autorités ukrainiennes y voyant la main de la Russie, accusations jugées "absurdes" par le Kremlin.
Ancien député communiste qui avait voté avec la quasi-totalité de la Douma russe l'annexion de la Crimée en 2014, Denis Voronenkov était devenu ces derniers mois très critique à l'égard du Kremlin, et avait témoigné en Ukraine contre l'ancien président prorusse Viktor Ianoukovitch. Il s'était réfugié en Ukraine en octobre 2016 avec sa femme et avait pris la nationalité ukrainienne. Il était recherché par la justice russe pour "escroquerie".
Voronenkov se trouvait avec son garde du corps devant l'hôtel Premier Palace lorsqu'un "inconnu" a tiré sept ou huit fois, a déclaré aux journalistes Andreï Grichtchenko, patron de la police de Kiev. L'ex-député a été touché "trois ou quatre fois au ventre et au cou", a-t-il déclaré, précisant que la police retenait la piste d'un "assassinat commandité".
Le tueur présumé, qui avait sur lui un passeport ukrainien, a succombé à ses blessures à l'hôpital quelques heures après l'échange de tirs avec le garde du corps, a annoncé la porte-parole du Parquet ukrainien, Larissa Sargan. Ce dernier, dont le Parquet a révélé qu'il était un agent des services secrets ukrainiens, se trouve également à l'hôpital, blessé.
"L'assassinat perfide dans le centre de Kiev de Denis Voronenkov est un acte de terrorisme d'Etat de la part de la Russie, qu'il avait dû quitter pour ses convictions politiques", a rapidement accusé le président ukrainien Petro Porochenko. Il était l'un des "principaux témoins de l'agression contre l'Ukraine et du rôle de Viktor Ianoukovitch dans l'entrée des troupes russes en Ukraine", a ajouté M. Porochenko.
"Élucubrations" et accusations "absurdes", a aussitôt rétorqué le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, qui a dit espérer que "les commanditaires soient retrouvés".
Denis Voronenkov se préparait à rencontrer l'opposant au Kremlin et ex-parlementaire Ilia Ponomarev, seul député russe à avoir voté contre l'annexion de la Crimée en 2014, selon M. Ponomarev, qui vit désormais en exil.
(Pour mémoire : Accord pour une trêve dans l'est de l'Ukraine dès lundi)
Témoin contre Ianoukovitch
"Compte tenu de l'identité de la victime, nous prenons comme piste prioritaire tout acte de la Russie visant à éliminer cette personne qui avait donné des preuves importantes des événements en Ukraine" ayant eu lieu pendant le soulèvement pro-européen du Maïdan, a déclaré le chef des enquêteurs, Oleksandr Vakoulenko.
Ancien député communiste, Denis Voronenkov avait fui en octobre avec sa femme Maria Maksakova, ancienne députée du parti présidentiel Russie unie et chanteuse d'opéra. Il avait reçu en décembre la citoyenneté ukrainienne après avoir témoigné contre Viktor Ianoukovitch, chassé du pouvoir par après les manifestations réprimées dans le sang en février 2014.
"Je considérais qu'il était de mon devoir d'aider mon pays et d'exposer ce salaud", avait déclaré Voronenkov dans un entretien au site d'informations ukrainien Censor.net.
(Pour mémoire : Nouvelles victimes dans l’est de l’Ukraine, Washington condamne Moscou)
Accusé d''escroquerie'
L'ex-député s'était également désolidarisé de l'annexion de la Crimée par Moscou, et avait comparé la Russie actuelle à "l'Allemagne nazie". "La Russie est un État qui élimine les gens. Que faut-il faire, vivre en permanence dans la peur?", avait-il lancé dans cet entretien avec Censor.net.
Ces prises de position sont à l'origine selon lui d'accusations d'"escroquerie" lancées à son encontre par le Comité d'enquête russe. Rendues publiques dans un communiqué en février, ces accusations, que l'ex-député dénonce comme "fausses" et "motivées politiquement", portent sur des faits remontant à 2010 et 2011.
Il était également accusé de corruption par le Fonds de lutte contre la corruption (FBK) dirigé par l'opposant russe Alexeï Navalny, qui s'étonnait qu'il puisse acheter cinq appartements, cinq voitures et une maison de vacances avec son seul salaire de député.
Denis Voronenkov avait été averti par les services de sécurité ukrainiens de "menaces" pesant contre sa vie, avait-il déclaré à Censor.net.
Pour mémoire
Les États-Unis condamnent à l’Onu les « actions agressives » de la Russie en Ukraine