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Liban - Polémique

Jardin des jésuites : le projet de parking ressort des tiroirs, les esprits s’enflamment

La municipalité a beau assurer ne pas avoir pris de décision, les habitués du parc sont révoltés par cette perspective sans cesse soulevée.

Des habitués du jardin des jésuites qui se disent résolument hostiles à sa disparition, même temporaire.

Dans un quartier qui s'apparente désormais à une jungle de béton, en plein Achrafieh, une petite bifurcation mène vers une oasis aussi inattendue que familière, un square qui fait tout le charme de cette zone urbaine. Sur un banc de ce qui est connu comme « le jardin des jésuites », à Jeïtaoui, deux hommes d'un certain âge sont installés, avec un naturel indéfinissable qui caractérise les habitués du lieu, pas impressionnés pour un sou par les ruines de l'église byzantine auxquelles ils tournent le dos. « Nous n'avons que ces quelques mots à vous dire : nous n'accepterons jamais ce projet de parking souterrain, même s'il faut descendre dans la rue pour l'empêcher », déclarent Tony Élias et Georges Antoun. Les deux hommes, qui se retrouvent tous les jours de beau temps au même endroit et fréquentent le jardin depuis leur enfance, c'est-à-dire une cinquantaine d'années, évoquent là un projet ressorti des tiroirs de la municipalité : la construction d'un parking sur plusieurs niveaux sous le jardin. 


Comme Tony et Georges, les visiteurs de ce petit parc, pour beaucoup des retraités et des parents avec leurs enfants, rejettent tous l'idée de construction d'un parking souterrain, même si la municipalité promet de refaire le jardin à l'identique. Leurs griefs sont principalement de deux types : d'une part, ils redoutent les quelque deux à trois ans de travaux durant lesquels le parc sera transformé en chantier. D'autre part, ils peinent à avoir confiance dans les autorités et ne croient tout simplement pas que le jardin sera reconstruit. « Un problème de parking ? s'écrie un visiteur du jardin, qui a désiré rester anonyme. Qu'ils construisent un immeuble pour ça ! Je crois toutefois que ce ne sont pas les parkings qui leur importent, ce sont probablement des gens qui veulent profiter de ce projet. Il n'y a plus d'espaces verts à Achrafieh. Chaque jour, quelque 200 personnes viennent se promener ici, où vont-elles aller ? »

 

 

 

 

Un « cruel manque de parkings »
Le président du comité des espaces verts au conseil municipal de Beyrouth, Gaby Fernaini, se veut rassurant alors que ce projet, qui avait déjà été mis sur le tapis en 2013, semble de nouveau d'actualité. « La région de Rmeil est en cruel manque de parkings, fait-il remarquer. L'idée d'un parking souterrain sous le jardin des jésuites avait été déjà lancée par l'ancien conseil municipal, mais jamais appliquée. Or c'est l'option la plus évidente pour nous puisque ce terrain nous appartient. » Il assure toutefois que « ce projet n'est pas encore concrétisé et il est toujours en phase d'étude », insistant sur le fait que « la décision n'a pas encore été prise, même si elle ne saurait tarder, quelle qu'elle soit ».


Le membre du conseil municipal défend ce projet qui, selon lui, ne devrait pas porter atteinte au cachet du quartier. « Notre projet est de créer une mobilité douce autour de ce jardin, de diminuer le nombre de voitures, en construisant un parking souterrain puis en recréant le jardin à l'identique, dit-il. Même l'église byzantine peut être démontée et remise en place, les arbres peuvent être replantés. Nous sommes conscients que dans tous les cas, il faut préserver ce jardin avec son cachet, et que celui-ci a besoin d'être réhabilité avec sa bibliothèque publique, ses toilettes... Pour le moment, rien n'est décidé, mais je peux affirmer aux habitants de la région qu'on va trouver la meilleure solution pour eux. »

 

« Sortir les voitures des quartiers, pas le contraire »
Pour l'écologiste Mohammad Ayoub, président de l'association Nahnoo qui affiche son opposition au projet, cette option est impensable. « Pourquoi opter pour un projet qui remplacera un jardin naturel par un jardin artificiel ? » dit-il. Selon lui, la réflexion qui régit la recherche d'une solution au problème de parking est erronée à la base. « Il faudrait réfléchir au moyen de sortir les voitures des quartiers, pas en augmenter le nombre, s'insurge-t-il. A-t-on réfléchi à l'aggravation de la pollution si un parking était créé à cet endroit ? Or les habitants recherchent les jardins pour leur calme. À mon avis, une solution durable à ce problème passe par une politique de transport en commun. »


Jihad Kiamé, urbaniste et habitant du quartier, a fait partie de la délégation qui a été reçue récemment par le président du conseil municipal Jamal Itani, afin de discuter de l'affaire. « Nous lui avons exposé nos arguments contre ce projet », explique-t-il à L'OLJ. Selon lui, la capitale commence à manquer d'espaces retranchés comme celui-ci. Il affirme que cette délégation a montré au responsable municipal qu'un jardin d'à peine 4 000 mètres carrés ne peut résoudre les énormes problèmes de trafic auxquels la ville et ses environs font face actuellement. Sur le plan de la reconstruction du jardin, M. Kiamé insiste sur « la différence entre la qualité d'un jardin naturel, autonome, à fonds perdu qui n'a pratiquement pas besoin d'irrigation et qui joue le rôle d'éponge en cas d'averse, et celle d'un "bac à plantes" qui nécessitera un entretien continu ».
Comme Mohammad Ayoub, M. Kiamé déplore la mentalité qui continue de régir les décisions concernant la capitale, et se dit inquiet des risques de pollution accrue si un grand nombre de voitures est dirigé vers un petit espace fermé. « Il faudrait, à terme, que Beyrouth devienne une ville de piétons, dit-il. Et, jusque-là, ce que nous pouvons faire, c'est préserver ces espaces encore protégés. »


Interrogé sur une éventuelle alternative à ce projet, Gaby Fernaini assure qu'il y en a une, examinée actuellement par le conseil municipal. « Vu la contestation de certains habitants qui ont perdu confiance en la municipalité, et qui ont peur de ne plus retrouver le même jardin par la suite, nous pourrions considérer la construction d'un parking sur un terrain proche sous forme d'immeuble, dit-il. Pour cela, nous devrons nous mettre à la recherche d'un terrain dans le même quartier. »
Entre-temps, la perspective est mal vécue par les résidents. Et elle arrache un cri du cœur à l'artiste Zeid Hamdane, qui habite le quartier. « C'est horrible, ce quartier est inimaginable sans ce jardin, dit-il à L'OLJ. C'est le seul quartier qui bénéficie d'une telle atmosphère de village, de convivialité, c'est ce qui m'a attiré ici. »

 

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commentaires (2)

Ce n'est pas le béton qui manque à Beyrouth, ce sont les arbres et les jardins publics. Hormis le parc de l'Université américaine, où un oiseau sédentaire ou migrateur peut-il encore mettre ses pattes à Beyrouth ? Nulle part. Merci et continuez à détruire.

Un Libanais

12 h 13, le 22 mars 2017

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Commentaires (2)

  • Ce n'est pas le béton qui manque à Beyrouth, ce sont les arbres et les jardins publics. Hormis le parc de l'Université américaine, où un oiseau sédentaire ou migrateur peut-il encore mettre ses pattes à Beyrouth ? Nulle part. Merci et continuez à détruire.

    Un Libanais

    12 h 13, le 22 mars 2017

  • comment CROIRE en les promesses de re-eriger un jardin public au dessus du parking ? comment etre aussi BETEMENT credule ? des exemples, 13 a la douzaine confirment au contraire qu'il ne le faut pas, jamais au grand jamais. probleme de parking doit au contraire pousser a creer un systeme de transport public DECENT, surtout pas comme celui existant -prive celui la . Tres possible une fois la corruption battue !? excusez ma credulite ....

    Gaby SIOUFI

    10 h 58, le 22 mars 2017

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