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Liban - Table ronde

Comment les jeunes participent-ils à la vie citoyenne grâce aux réseaux de communication ?

Un atelier sur l'utilisation des médias dans le débat politique a réuni plusieurs personnalités arabes à l'USJ dans le cadre de la clôture du forum sur le même sujet.

De gauche à droite - Michel Helou, Almudaffar Shoubaki, Rana Khoury et Abderrahmane Bentaiba

« Nous sommes bombardés de multiples informations mises en ligne sans savoir si celles-ci sont vraies ou pas. » Au second jour du forum « Média et jeunesse en Méditerranée du Sud : je t'aime moi non plus? », Rana Khoury, ancienne candidate de Beyrouth Madinati aux élections municipales de 2016, entame la discussion avec un constat bien frappant : l'infini flux de données brouille la vue du citoyen, qui finit, dans son action politique, par se replier, en particulier au Liban, sur « les opinions de son parti ».

Modérée par Michel Hélou, directeur exécutif de L'Orient-le Jour, dans l'enceinte de l'USJ, la conférence, à laquelle de jeunes Syriens et Maghrébins ont assisté, a permis de mettre en relief, du point de vue levantin et maghrébin, la problématique suivante : comment le jeune citoyen a-t-il accès à l'information politique à travers des médias et, surtout, comment peut-il participer à la vie citoyenne grâce aux réseaux sociaux ou journalistiques ? Almudaffar Shoubaki, directeur de projet au sein de l'association jordanienne « Leaders of Tomorrow », et Abderrahmane Bentaiba, entrepreneur au sein du « Warda Project », qui sert de plateforme de partage des initiatives de la société civile en Algérie, ont exposé leurs expériences au sein de leurs pays respectifs.

 

Divorce entre citoyen, politique et média ?
Pour pouvoir répondre à la problématique posée, les intervenants ont dressé un état des lieux des relations entre les médias et la jeunesse dans leurs pays respectifs. Le constat d'un divorce entre les deux dans le monde arabe a semblé faire l'unanimité. Abderrahmane Bentaiba évoque principalement le cas algérien où « il n'y a pas beaucoup de censure ». « Il y a même de la liberté d'expression mais les jeunes ne s'intéressent pas » à la politique ou ne suivent pas les médias, ajoute-t-il. Dans le royaume hachémite, Almudaffar Shoubaki décrit quant à lui les priorités des jeunes Jordaniens. « La lecture de l'actualité politique n'en fait pas partie », note-t-il. « Si la nouvelle n'est pas accessible sur le mobile, ils n'iront pas la lire sur un autre support. La politique n'est plus la priorité. Aujourd'hui, leur but est d'obtenir un diplôme et un emploi », confirme-t-il.

Le cas libanais est sensiblement différent. Si les jeunes sont intéressés par la vie politique, ils ne la suivent en revanche qu'au travers des informations produites par « leur propre parti », déplore Rana Khoury. « Le problème au Liban est qu'il y a tellement de partis que l'on trouve une information et son contraire. Les gens suivent alors leur groupe », poursuit-elle. Elle dénonce aussi le fait que « les thèmes du quotidien ne sont pas abordés » dans les discours de la politique traditionnelle.
Poursuivant son analyse du cas du pays du Cèdre, elle évoque également « un système qui est très fermé et basé sur les services » comme facteur-clé, selon elle, de la stagnation de la vie politique qui empêche « un renouveau de l'intérêt des jeunes ». Pour elle, les réseaux sociaux ne sont plus « uniquement un contre-pouvoir populaire que les hommes politiques ne maîtrisent pas ». « Aujourd'hui, même Walid Joumblatt a 400 000 followers » sur son compte Twitter, poursuit Rana Khoury.

 

(Lire aussi : Beyrouth devient un forum pour réconcilier les médias et la jeunesse)

 

 

Mouvement « grassroots »
Dans le hall d'entrée, une photo de la place des Martyrs, bondée par l'élan populaire du 14 mars 2005, est accrochée. Une date marquante pour Rana Khoury : « C'était pour moi l'un de plus beaux jours de ma vie », confie la cofondatrice du mouvement Beyrouth Madinati qui a éveillé la curiosité médiatique et l'engouement populaire dans un pays peu habitué à voir percer un groupe indépendant sur la scène politique. En quelques mois, grâce à une stratégie rapide de communication qui s'est échelonnée d'octobre 2015 à mars 2016, le groupe, qui s'est engagé au printemps dernier dans la bataille municipale à Beyrouth face à une puissante coalition de partis politiques, a réuni quelque 60 000 supporters sur les réseaux sociaux. Il avait réussi à obtenir 40 % des suffrages.

Pour Rana Khoury, toute opinion est bonne à prendre : « L'opinion est à différencier de l'information, mais tout citoyen doit pouvoir s'exprimer comme il lui plaît. » Le site Internet de Beyrouth Madinati, en arabe et en anglais, témoigne d'une stratégie de communication à l'international qui a fait leur succès, mais pas seulement : « Au Liban, beaucoup de personnes utilisent les réseaux sociaux en anglais (...) puis dans Beyrouth même, il y a des étrangers qui sont concernés aussi par la vie de la ville », expose-t-elle. C'est cette stratégie, à travers laquelle la formation a essayé de s'imposer « grâce à un programme solide et concret », qui a permis à Beyrouth Madinati de capter l'attention des médias traditionnels, soutient Rana Khoury. Elle et son équipe ont mis en place une véritable méthodologie pour prendre contact avec le citoyen et sa réalité, permettant de dialoguer même avec les périphéries populaires : « On a mis en place ce qu'on appelle des espaces de discussions, chaque semaine, dans un lieu public de Beyrouth, où l'on tenait un débat public. Les gens venaient et débattaient des problèmes locaux du quartier et essayaient de trouver des solutions avec des experts, et ceci dans tous les quartiers de la capitale », a insisté Rana Khoury. Elle et son équipe font partie de la génération du printemps de Beyrouth et semblent déterminés à l'action dans un paysage politique qui cependant conserve des « défauts », l'un d'eux étant que des électeurs originaires d'une ville déterminée ne peuvent pas y voter.

 

 

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