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Liban - Législatif

Faute de quorum, la grille des salaires ajournée sine die

Une entente politique élargie aurait été conclue sur l'ajournement de la séance parlementaire.

La Chambre réunie mercredi. Photo Marwan Assaf

L'adoption de la grille des salaires par la Chambre en séance plénière, attendue depuis 2012 par les enseignants et les fonctionnaires du secteur public, a été ajournée hier sine die, en principe faute de quorum.
Alors que l'on s'attendait à ce que les débats autour des sources de financement de la grille se poursuivent lors de la séance parlementaire fixée à 17 heures, le vice-président de la Chambre, Farid Makari, a annoncé la levée de la séance à une date ultérieure une trentaine de minutes plus tard, en arguant du défaut de quorum. M. Makari remplaçait le président de la Chambre, Nabih Berry, absent pour cause de deuil familial.

La Chambre avait voté, lors d'une séance matinale, des taxes qui touchent le tabac et des boissons alcoolisées, mais la grogne populaire engendrée par les nouvelles mesures fiscales aura poussé les députés à chercher à absorber le mouvement en ajournant la discussion, estimait-on hier dans les milieux politiques.
Les circonstances dans lesquelles la levée de la séance du soir est survenue donnent à penser qu'une entente quasi généralisée aurait été conclue entre les diverses composantes politiques sur l'ajournement de l'examen de la grille des salaires et de ses sources de financement. On en veut pour preuve le fait que les députés absents appartiennent à (presque) tous les blocs parlementaires. On a appris, en outre, que plus tôt dans la journée, des représentants du Courant patriotique libre, du courant du Futur, du Hezbollah et du mouvement Amal s'étaient réunis au siège du Parlement pour discuter du dossier épineux de la grille. Grille dont les mesures – principalement fiscales – proposées pour assurer son financement sont contestées dans la rue, comme sur les tribunes de plusieurs partis politiques.

Dans un premier temps hier, Robert Ghanem, député de la Békaa-Ouest, annonce à M. Makari que 69 députés sont présents, ce qui est amplement suffisant. Le vice-président demande alors aux députés de prendre place pour procéder au décompte. Cela ne se fera pas, les présents commençant à sortir de l'hémicycle l'un après autre, dans le désordre. Le quorum pour la tenue de la séance est de 65 députés.
Peu auparavant, en attendant l'arrivée de leurs collègues, certains députés, comme Ali Ammar (Baabda, Hezbollah), ont profité du « temps mort » pour dénoncer les rumeurs mensongères diffusées sur les réseaux sociaux et selon lesquelles les mesures fiscales comportent aussi un relèvement du prix du pain, de l'eau, de l'essence, entre autres produits de première nécessité. Il y va de « la crédibilité des députés », a tonné M. Ammar.

 

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Les Kataëb dans la tourmente
Si l'écrasante majorité des formations politiques affirme être favorable à l'adoption de la nouvelle grille des salaires, il reste que certaines d'entre elles s'opposent catégoriquement au vote de nouveaux impôts susceptibles de léser les contribuables, en particulier les catégories à faible revenu. C'est le cas, notamment, des Kataëb.

Après la séance, c'est, en effet, à ce parti que Farid Makari a imputé la responsabilité du défaut de quorum survenu hier soir. « J'attribue la responsabilité de l'échec de la grille des salaires à ceux qui ont entravé et détourné son sens, Samy Gemayel en tête », a déclaré M. Makari, lors d'une conférence de presse tenue après la levée de la séance, en présence de députés de la majorité des formations politiques. « Les Kataëb ont fait état sur les réseaux sociaux de hausses d'impôts et de taxes qui n'existent pas, car il y avait une intention de ne pas voter la grille. » Néanmoins, M. Makari a assuré que la grille des salaires sera votée « lors d'une séance présidée par le chef du Parlement, Nabih Berry ». Il a par la suite déclaré que M. Berry veut que cette séance se tienne mercredi ou jeudi prochain, après le retour du Premier ministre, Saad Hariri, de sa visite d'un jour prévue en Égypte.

Le Premier ministre, Saad Hariri, a ensuite pris la parole. « Des mensonges ont été diffusés sur les réseaux sociaux », a-t-il lui aussi lancé, sans toutefois en identifier les auteurs. Il a indiqué que les responsables de ces mensonges seront poursuivis. « Nous sommes venus avec la volonté de voter la grille des salaires malgré les réserves que nous avions, car cette dernière est nécessaire pour les gens », a-t-il dit.
« Lorsque nous votons des dépenses, nous devons voter des recettes. Nous ne voulons pas que le Liban arrive à la même situation que la Grèce ou d'autres pays qui ont fait faillite », a ajouté M. Hariri. « Nous tenons à ce que la grille des salaires soit votée », a-t-il souligné, avant de poursuivre: « Nous sommes déterminés à récupérer la confiance du peuple. » « Si nous adoptions une attitude populiste, nous pourrions augmenter la valeur de la grille des dizaines de fois », a encore dit le Premier ministre qui s'est déclaré « de plus en plus déterminé » à ce que l'échelle soit votée.
Plus tôt dans la journée, Alain Aoun et Ibrahim Kanaan, députés membres du Courant patriotique libre (CPL) s'étaient plaints des contestations répétées de M. Gemayel.

 

(Lire aussi : « Je veux les empêcher de m’affamer »)

 

Samy Gemayel se défend
Samy Gemayel n'a pas tardé à répondre aux accusations. « Nous ne sommes pas responsables des rumeurs infondées sur les hausses d'impôts qui ont circulé », s'est défendu le chef des Kataëb lors d'un point de presse, entouré des députés de son bloc parlementaire. « Les 22 mesures fiscales ont été rendues publiques il y a plusieurs jours », a-t-il ajouté.
« Tout le monde est témoin du fait que nous ne sommes pas les responsables de l'échec du vote. Nous sommes quatre (députés présents) ! Nous ne sommes pas assez nombreux pour créer un défaut de quorum. Les responsables sont ceux qui ont levé la séance et les députés qui se sont absentés », a-t-il dit. « Notre lutte contre la corruption et la dilapidation nous a écartés du pouvoir », a-t-il ajouté.

Le député du Metn s'est posé la question de savoir si un parti qui opte pour l'opposition a encore le droit d'exprimer son opinion. « Sommes-nous dans un pays démocratique ou dans une dictature ? » s'est interrogé Samy Gemayel, avant d'ajouter: « Les Kataëb ne sont pas responsables des problèmes du pouvoir politique. » « Nous continuerons à nous exprimer à l'intérieur comme à l'extérieur des institutions. S'ils ne veulent pas de notre présence, nous sommes prêts à nous absenter. Et ils seraient responsables des conséquences de leurs décisions », a-t-il conclu.

Durant la séance du matin, la Chambre a adopté une augmentation sur les prix du tabac et ses produits dérivés. Conformément à la nouvelle loi, le prix du paquet de cigarettes et du paquet de tabac augmentera de 250 livres libanaises, et celui du cigare de 500 LL. Quarante-six députés ont voté en faveur de cette hausse tandis que 22 s'y sont opposés. Trois députés ne se sont pas prononcés. Cette mesure avait suscité de fortes divergences entre les parlementaires au point que le vice-président de la Chambre s'est vu dans l'obligation de les menacer de lever la séance et de la remettre à la semaine prochaine. Une hausse du prix des opérations notariales a également été votée.
La Chambre a aussi adopté l'augmentation de la taxe sur les boissons alcoolisées importées. Le litre de bière et de spiritueux importés – respectivement taxés à hauteur de 60 livres (0,04 dollar) et de 400 livres (0,27 dollar) actuellement – sera soumis à une majoration fiscale de 25 %, tandis que celui de vin ou de champagne le sera de 35 %.

 

 

 

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