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À l’affiche

La désignation, en groupe, de plusieurs hauts responsables sécuritaires est un évènement assez rare pour qu'on s'y arrête un moment. Dans un Liban où les diverses communautés se partagent les institutions chargées de veiller à la sécurité de l'État, de ses frontières et de ses citoyens, de tels trains de nomination donnent lieu traditionnellement à d'interminables palabres en attendant que chacune des forces politiques les plus influentes y trouve son compte. La nature ayant horreur du vide, la conséquence inévitable en est la prorogation, des années durant parfois, du mandat légal des détenteurs de ces postes. Cela jusqu'au moment où est enfin conclu un marché, lequel est alors ratifié sans trop de procès par le Conseil des ministres.


C'est bien ce qui se produisait jeudi avec le pourvoi, au pas de charge, de plusieurs de ces fonctions ultrasensibles, et à leur tête celle de commandant de l'armée. Le général Joseph Aoun a de brillants états de service, et il en va de même pour plus d'un de ses compagnons de promotion. Même si tous n'ont pas encore fait leurs preuves, ils méritent amplement, certes, les congratulations de leurs proches, et même d'un public somme toute rassuré par ce début de normalisation.


Moins encore que les chefs politiques, ces hommes n'ont droit cependant à cette honteuse pratique, enracinée dans nos mœurs, que sont les tirs de réjouissance à l'arme automatique. Bien moins en effet parce qu'ils ont, eux, charge d'âmes ; parce qu'ils devraient être les premiers à réaliser la gravité des périls que représentent, pour la vie des citoyens et leurs biens, toutes ces balles tirées en l'air et qui doivent bien, en définitive, retomber quelque part; parce que, surtout, c'est précisément à eux qu'il revient de bannir et réprimer ces agissements barbares.


Viennent ensuite les portraits géants. Dans notre pittoresque pays, ceux-ci étaient jadis l'apanage des chefs de parti et de clan, mais aussi de dirigeants étrangers, tant spirituels que temporels. Depuis quelque temps toutefois, des fonctionnaires étoilés ont fait leur entrée dans le club des posters enguirlandés parfois d'ampoules électriques. C'est un fait qu'à chacune de ses pannes prolongées, la démocratie libanaise a propulsé à la présidence de la République des généraux ou d'anciens généraux : à tel point que le quartier général de Yarzé a fini par être considéré comme une antichambre du palais de Baabda.


Pour légitimes que puissent être de telles aspirations à un destin national ou à des fins de carrière plus modestes, elles n'exonèrent pas les divers responsables sécuritaires de l'obligation de discrétion, inhérente à l'essence même de leur activité. Ceux-ci sont au service de tout le peuple, ils ne sont pas les champions de leur petit royaume ou encore de leur environnement socioculturel. Hors le cas très singulier de J. Edgar Hoover, qui dirigea le FBI des décennies durant et qui était loin de détester la publicité, c'est loin des projecteurs qu'est la place naturelle des hommes de l'ombre.

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

La désignation, en groupe, de plusieurs hauts responsables sécuritaires est un évènement assez rare pour qu'on s'y arrête un moment. Dans un Liban où les diverses communautés se partagent les institutions chargées de veiller à la sécurité de l'État, de ses frontières et de ses citoyens, de tels trains de nomination donnent lieu traditionnellement à d'interminables palabres en...