Un convoi de véhicules militaires américains dans les environs de la ville de Manbij, dans le nord syrien, le 5 mars. Delil Souleiman/AFP
Depuis plusieurs jours, ils font tout pour être vus. C'est volontairement que des Rangers américains déployés en Syrie ont paradé dimanche dernier au vu et au su de tous, drapeaux au vent, dans des véhicules blindés, se dirigeant vers la ville de Manbij, dans le nord syrien. Des photos n'ont pas tardé à inonder les réseaux sociaux. Cet étalage d'effectifs, même réduits, était volontaire, d'après le porte-parole du Pentagone, Joe Davis, en début de semaine. Le but est de montrer à tous que « l'objectif commun reste l'État islamique », explique-t-il.
Ce n'est donc pas un hasard qu'hier a été annoncé que l'armée américaine a quasiment doublé ses effectifs en Syrie, les portant de 500 à 900 hommes, afin de donner un coup d'accélérateur à l'offensive anti-EI dont l'enjeu est Raqqa, la « capitale » de l'organisation jihadiste en territoire syrien. Selon John Dorrian, porte-parole de la coalition internationale anti-EI, les manœuvres d'encerclement de Raqqa se « déroulent très très bien » et elles pourraient s'achever d'ici à quelques semaines. « La décision d'intervenir pourra alors être prise » a-t-il précisé. Même son de cloche du côté des Forces démocratiques syriennes (FDS, alliance arabo-kurde soutenue par les États-Unis), dont le porte-parole, Talal Silo, a déclaré : « Nous espérons entamer le siège de la ville dans quelques semaines ». Les marines américains, équipés de pièces d'artillerie de 155 mm, contribueront à « hâter la défaite de l'EI », a indiqué le colonel Dorrian, en précisant que les soldats américains ne seraient pas déployés en première ligne.
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Retarder l'explosion
Cette augmentation d'effectifs, et qui a pour but la préparation d'une offensive pour la reprise de Raqqa, n'est pas sans rappeler la stratégie adoptée en préparation de l'offensive sur Mossoul-Ouest. Les troupes syriennes feront le gros du travail, appuyées par des canons de 155 mm déployés par les Américains. Un nouveau rôle leur serait donc octroyé, dépassant celui de simple assistance et d'entraînement (Train and Equip Program) auxquels ils étaient cantonnés jusque-là. Cette présence renforcée ne découle pas d'une décision récente, mais semble avoir été préparée au cours du second mandat de Barack Obama. Dès son investiture, le président Donald Trump a pour sa part demandé au Pentagone un plan de lutte contre l'EI, et qui lui a été transmis fin février. Le président américain n'a toutefois pas encore indiqué les options qu'il a retenues.
En attendant, la situation entre les protagonistes sur le terrain est explosive dans le nord. S'y mêlent notamment Kurdes, Turcs, Syriens, Russes, Iraniens... Redoutant un renforcement de la position militaire des Kurdes des YPG (Unités de protection du peuple) dans le nord de la Syrie, Ankara presse Washington de l'associer à l'offensive finale contre Raqqa. Or les YPG font partie des FDS et cette alliance a clairement signifié hier qu'elle refusait tout engagement de la Turquie dans l'offensive contre Raqqa. « La Turquie constitue une force d'occupation et ne peut pas être autorisée à occuper plus de territoire syrien », a clairement dit Talal Silo.
Face au risque de conflit général entre les Kurdes et la Turquie en Syrie, Washington a dit prendre des mesures pour apaiser la situation. Prié par le sénateur John McCain de dire s'il croyait à la possibilité d'un conflit entre FDS et Turcs, le général Joseph Votel, qui supervise les troupes américaines au Moyen-Orient, a répondu par l'affirmative : « Oui. Et à cette fin, nous prenons des mesures pour empêcher que cela n'advienne. »
La présence américaine, en tout cas, n'a pas contribué à faire cesser les hostilités. Hier encore, comme les jours précédents, des affrontements ont opposé les forces de l'opération Bouclier de l'Euphrate, lancée par la Turquie, à celles des YPG, faisant plusieurs morts, entre autres près de la ville d'Arima, entre Manbij et al-Bab. Il s'agit donc pour les Américains de retarder le plus longtemps possible une franche explosion entre Turcs et Kurdes, et qui pousserait les FDS – composées aussi de forces arabes sunnites, donc aptes à participer à l'offensive – à se retirer du front de Raqqa, le laissant sans défense face à l'EI.
(Lire aussi : Des soldats américains déployés à Manbij pour dissuader l’armée turque)
« Que l'Iran en soit chassé... »
Mais Raqqa sera-t-elle réellement l'ultime bataille, sachant qu'un responsable américain a, pas plus tard que mercredi, affirmé que le groupe radical se préparait à opérer un repli sur la vallée de l'Euphrate après la perte de Mossoul en Irak et de Raqqa en Syrie ? Une dissémination des combattants du groupe implique logiquement la poursuite des violences. Le même jour, la représentante permanente des États-Unis à l'Onu Nikki Haley a affirmé devant un parterre de journalistes qu'il était important que la Syrie ne soit plus « un sanctuaire pour les terroristes » et, plus important encore, que « l'Iran et ses affidés en soient chassés ». Ces déclarations laissent penser qu'une stratégie à long terme est en train de se dessiner pour les États-Unis, bien qu'un porte-parole militaire américain ait tenu hier à préciser que le déploiement des 400 hommes supplémentaires n'était que « temporaire », ne traduisant pas nécessairement une augmentation du niveau d'engagement à long terme des troupes américaines en Syrie. Un embourbement américain en Syrie n'est, pour l'instant, pas à prévoir, bien que le risque soit très réel.
Ce nouveau déploiement relève d'une politique quelque peu différente de la précédente administration, certes, sans pour autant s'en démarquer totalement. Et comme à Mossoul, elle ne prend pas en compte les antagonismes sur le terrain, se limite à l'EI, et ne porte que sur le court terme, sans préparation aucune pour l'avenir. Pour l'instant, les troupes américaines réussissent tant bien que mal à jouer les arbitres entre les Turcs et les Kurdes, mais il n'est pas certain que cette fausse trêve tienne.
Que se passera-t-il après le départ des troupes américaines ?
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Cela me rappelle un système d'équations à plusieurs variables et plusieurs paramètres dont la solution relève de la magie et non plus de la raison.
18 h 53, le 10 mars 2017