Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Enquête

« Ils ont jeté mon père » : Khasfa, le plus grand charnier d’Irak

Au fur et à mesure que les forces irakiennes avancent dans et autour de Mossoul, dernier grand bastion en Irak du groupe État islamique, les découvertes macabres se multiplient.

Photo Wilson FACHE

C'est une simple dépression au milieu d'un nulle part désertique, aux abords de la route reliant Bagdad à Mossoul. Un trou au fond duquel gisent trois carcasses de voitures sous une fine couche de poussière. C'est pourtant l'emplacement de l'un des plus grands crimes commis en Irak par le groupe État islamique.
L'abîme de Khasfa, qui faisait plusieurs centaines de mètres de profondeur avant d'être comblé par les jihadistes en mars 2016, a été utilisé comme fosse commune pour ensevelir les corps de milliers d'Irakiens, selon une dizaine de policiers, officiers du renseignement, parents des victimes, ainsi qu'un témoin oculaire et une organisation internationale de défense des droits de l'homme, tous interrogés par L'Orient-Le Jour.
La majorité des victimes étaient d'anciens policiers et soldats qui vivaient dans les territoires contrôlés par les jihadistes, qui sont un jour venus les chercher chez eux, arme au poing, avant de les ligoter et de les conduire jusqu'au trou naturel, à une dizaine de kilomètres au sud de Mossoul. Au bord du précipice, ils étaient abattus ou même jetés vivants. D'autres avaient probablement été tués avant, puis emmenés là-bas pour ensevelir leurs corps. Une véritable purge des membres des forces de l'ordre.

(Lire aussi : Ils fuient Mossoul-Ouest pour « rentrer à la maison »)

« Un apostat »

C'est « absolument » le plus grand charnier d'Irak, explique Belkis Wille, chercheuse de l'organisation Human Rights Watch (HRW) en Irak, qui estime à 4 000 le nombre de corps jetés dans l'abîme de Khasfa.
Il y a un an, le Dr Chiab Ahmad dit avoir assisté de loin à un triple meurtre. « Il faisait beau comme aujourd'hui, explique ce professeur de 51 ans. Ils sont arrivés en voiture, ils ont jeté les hommes par terre et leur ont tiré dessus avec une mitrailleuse PKC, avant de les jeter dans le trou... J'ai pleuré », dit-il en faisant glisser un doigt sur sa joue ridée. Il pense avoir 25 cousins dans la fosse de Khasfa, et dit avoir lui-même été condamné à mort avant de prendre la fuite. « Ils n'ont pas besoin de prétexte pour tuer », lâche-t-il le regard sombre.

Dans le commissariat de la ville de Hammam al-Ali, à une vingtaine de kilomètres au sud de Mossoul, il est pratiquement impossible de croiser quelqu'un qui n'a pas un proche qui aurait été enterré là-bas. « Ils ont jeté mon père », explique un policier en montrant son portrait sur un téléphone portable. « Moi, mon frère, qui était de la police, et mon neveu, un informateur », souffle Kassem Mohammad Jassem. Des jihadistes, ils n'ont reçu qu'un simple papier tamponné et signé, spécifiant que leur parent, « un apostat », avait été exécuté.

(Pour mémoire : À Mossoul, les forces irakiennes confrontées aux kamikazes et aux drones de l'EI)

Un père colonel,un oncle jihadiste

Une extermination précise et quasi systématique des membres des forces de l'ordre qui, selon M. Jassem, s'explique par le fait que « des gens corrompus de la police et de l'armée ont donné une liste » aux jihadistes. Pour Riyad Ahmad, 30 ans, qui pense que son père kidnappé repose à Khasfa, la précision des raids de l'EI pour trouver d'anciens officiers s'explique aussi par le fait que « ici, tout le monde se connaît. Mon père était un colonel irakien, mais le mari de ma tante a rejoint l'EI ».

Selon le major Jezaa, un officier du renseignement du contre-terrorisme irakien qui ne souhaite pas donner son nom complet car il est originaire de Mossoul, la fosse commune contient aussi les corps de juges et de professeurs, « tous les fonctionnaires que les jihadistes pouvaient trouver », notamment dans les localités de Kayarah, Hammam al-Ali, Choura et même de Cherqat, à 80 kilomètres au sud du charnier.

Parce que la grande majorité des victimes de Khasfa semblent être des arabes sunnites, la chercheuse Belkis Wille de l'HRW estime que la titanesque fosse commune « rejette complètement le récit des jihadistes selon lequel l'EI serait le défenseur des arabes sunnites contre les autres communautés qui les auraient marginalisés ».


Repère

Syrie, Irak, Libye : les principaux reculs de l'EI

Lire aussi

Quelles sont les forces qui combattent l'EI à Mossoul ?

À Mossoul-Ouest, « un maigre repas par jour »

« Le même homme m’a violée chaque jour pendant un mois »

« Nous apprenons régulièrement que des personnes meurent de malnutrition » à Mossoul-Ouest

« Restez chez vous » : l'appel aux habitants de Mossoul divise

C'est une simple dépression au milieu d'un nulle part désertique, aux abords de la route reliant Bagdad à Mossoul. Un trou au fond duquel gisent trois carcasses de voitures sous une fine couche de poussière. C'est pourtant l'emplacement de l'un des plus grands crimes commis en Irak par le groupe État islamique.L'abîme de Khasfa, qui faisait plusieurs centaines de mètres de profondeur avant...

commentaires (1)

Bizarre cet article ,outre le descriptif d'assassinats de masse méthodiques,jamais le terme "de crime contre l'humanité " et /ou de génocide sont évoqué..? Larousse: génocide, extermination d'un groupe ethnique, social ou religieux.

M.V.

09 h 08, le 27 février 2017

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Bizarre cet article ,outre le descriptif d'assassinats de masse méthodiques,jamais le terme "de crime contre l'humanité " et /ou de génocide sont évoqué..? Larousse: génocide, extermination d'un groupe ethnique, social ou religieux.

    M.V.

    09 h 08, le 27 février 2017

Retour en haut