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La vie en bleu

L'histoire d'eau(x) évoquée ici a ceci de particulier que s'y mêlent angoissante réalité et utopie, froide géopolitique et politique-fiction, rêve et vision. Les acteurs en sont des experts internationaux pressentis par un think tank indien de grand renom, puisque ses rapports ont fait l'objet de débats, notamment dans les organismes spécialisés de l'ONU, au Parlement européen, à la Chambre des communes la Chambre des lords, de même qu'à l'Université d'Oxford.

Créé en 2002, soutenu par les gouvernements de Suisse puis de Suède et des Pays-Bas, le Strategic Foresight Group a traité de sujets planétaires d'une brûlante actualité, tels les rapports entre Occident et islam ; depuis des années cependant, c'est à la question de l'eau qu'il consacre ses travaux, l'accent étant évidemment mis sur le Moyen-Orient, à l'ombre du séduisant slogan de Blue Peace (la Paix Bleue).

L'idée maîtresse, non moins alléchante, étant que l'eau, qui a été l'objet de convoitises, de disputes, de guerres depuis que l'humanité existe, peut et doit, au contraire, devenir un vecteur de paix entre les peuples, pour peu qu'on les aide à y trouver leur intérêt.

L'affaire connaît un regain d'actualité avec les sinistres prophéties de famines et autres catastrophes humanitaires que formule le monde scientifique. Particulièrement vulnérable, de fait, est notre région déchirée par les conflits, et où, de surcroît, les rares ressources en eau n'arrivent pas à favoriser une agriculture conséquente. Le Moyen-Orient abrite 5 % de la population mondiale, mais cette portion n'a accès qu'à moins de 1 % des ressources hydrauliques du globe. C'est dans ce contexte d'urgence que le groupe de réflexion, réuni jeudi à Amman avec la participation d'officiels, de parlementaires, de juristes et de spécialistes de Jordanie, d'Irak, du Liban et de la Turquie, s'est assigné pour objectif de mettre sur pied une architecture nouvelle pour la région.

Quant au choix du site d'Amman, assez souvent retenu pour les assises périodiques du groupe, il n'est guère fortuit : ce dernier y compte en effet un ami de poids en la personne de Hassan bin Talal, oncle paternel du roi Abdallah II. Prince héritier du trône, soudainement écarté, peu avant son décès, par le roi Hussein, l'émir Hassan a quitté la politique pour se vouer, corps et âme, aux grandes causes universelles. Homme d'une grande culture, capable de s'exprimer en sept langues, collectionnant les doctorats honoris causa, ce chantre du dialogue entre religions (c'est le thème de plus d'un de ses livres) a aussi été le conseiller du secrétaire général de l'ONU en matière, très précisément, d'eau et de santé. Mais surtout l'émir, hôte d'une exquise courtoisie, a mis à la disposition de la Paix Bleue le très estimé centre de recherche scientifique dont il est le créateur et l'animateur.

La coexistence par l'eau n'est pas un mythe. Elle a déjà fait ses preuves sur le Rhin, le Mékong et le fleuve Sénégal, alors que les tensions politiques entre États riverains étaient à leur paroxysme. Mais quelles ententes limpides peuvent-elles naître sur des eaux aussi troubles que celles d'une région où l'on se dispute une terre trois fois sainte, avant même que d'en venir à l'eau ? Quelles masses du précieux liquide pourront-elles éteindre le feu des passions que suscite une terre trois fois sainte ? Ingénieurs imaginatifs et prince charmant : puisse le conte de fées tourner un jour au miracle.

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

L'histoire d'eau(x) évoquée ici a ceci de particulier que s'y mêlent angoissante réalité et utopie, froide géopolitique et politique-fiction, rêve et vision. Les acteurs en sont des experts internationaux pressentis par un think tank indien de grand renom, puisque ses rapports ont fait l'objet de débats, notamment dans les organismes spécialisés de l'ONU, au Parlement européen, à la...