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Économie - Éclairage

L’État a-t-il encore besoin de recruter davantage ?

L'avant-projet de budget discuté en Conseil des ministres prévoit notamment de nouveaux recrutements dont le coût est estimé à environ 400 millions de dollars pour l'exercice 2017.

Le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil (à gauche), et le Premier ministre, Saad Hariri, lors de l’examen de l’avant-projet de budget 2017 en Conseil des ministres, jeudi dernier. Photo Marwan Assaf

Depuis que le Conseil des ministres a entamé, le 8 février, l'examen de l'avant-projet de budget de 2017 qu'il va poursuivre la semaine prochaine, les hausses de taxes prévues dans ce document suscitent une polémique de plus en plus vive. Or les 1,61 milliard de dollars de recettes fiscales supplémentaires que devraient générer ces mesures, selon le ministère des Finances, devraient notamment permettre de compenser non seulement l'adoption de la grille des salaires de la fonction publique – dont le coût est estimé à environ 796 millions de dollars –, mais également 400 millions de dollars de dépenses liées au recrutement de nouveaux agents dans l'administration centrale (principalement les ministères).

« L'avant-projet de budget a prévu l'embauche de 355 nouveaux membres du personnel au sein du ministère des Finances (...), tandis que le ministère de l'Éducation englobera 1 223 enseignants du secondaire, alors que le Liban est caractérisé par le nombre d'enseignants le plus élevé au monde, avec un professeur pour neuf élèves dans le secondaire, contre une moyenne mondiale d'un enseignant pour 18 élèves, selon la Banque mondiale », avait par exemple dénoncé l'économiste Toufic Gaspard dans une tribune publié le 14 février dans le journal an-Nahar.

 

Données partielles
Pourtant, le coût des salaires et allocations sociales des fonctionnaires constitue déjà le deuxième poste de dépenses après le service de la dette, à 33 % au premier semestre 2016. Et en incluant aussi bien les recettes prévues par les nouvelles taxes que les nouveaux recrutements et la grille des salaires, l'avant-projet de budget table sur un déficit public à 5,2 milliards de dollars, en hausse de 31,6 % par rapport à 2015 ; celui de 2016 n'étant pas encore communiqué.

Une situation d'autant plus préoccupante que les chiffres des traitements et allocations sociales ne concernent que ceux de l'administration centrale. « Les chiffres, notamment ceux du budget de l'État, ne reflètent que partiellement la situation. Ils ne prennent pas en compte l'ensemble des institutions publiques, les agents municipaux et (certains) agents contractuels, qui, eux, font partie intégrante de cette fonction publique », note Lamia Moubayed Bissat, directrice de l'Institut Basil Fuleihan, dans un rapport présenté lors d'une conférence à l'Université Saint-Joseph en décembre dernier.

En prenant en compte ces paramètres, elle note dans le même rapport : « L'État libanais est un grand employeur, il absorbe 13 % du total des salariés sur le marché du travail, employant, selon les chiffres de 2013, plus de 171 000 agents (15 500 dans l'administration centrale ; 102 000 dans les corps militaires, 27 000 enseignants). » « Le nombre d'actifs en situation pararégulière ou irrégulière est considérable dans les administrations, ainsi dans l'enseignement la situation est telle qu'il y a un nombre équivalent de titulaires et de contractuels. Il y a 49 000 enseignants dont 23 000 contractuels, tandis que dans l'administration centrale, il y a 7 500 fonctionnaires titulaires et 7 000 contractuels », précise de son côté à L'Orient-Le Jour l'ancien ministre du Travail, Charbel Nahas.

Une situation exacerbée dans l'éducation et les forces armées. « Le corps enseignant embauche un nombre très important de fonctionnaires. Dès que l'on a besoin d'enseignants dans les régions reculées, l'État recrute des contractuels, puis, après quelque temps, ces derniers demandent à être transférés à Beyrouth, il y a donc besoin de recruter de nouveaux enseignants, et ainsi de suite », affirme le directeur du département recherche de la BlomInvest Bank, Marwan Mikhaël. Mais ce sont les forces armées qui recrutent le plus. « Dans les forces armées (armée, Forces de sécurité intérieure, Sûreté générale), il y a eu un gonflement considérable, et nous avons dépassé les 100 000 agents. En plus cela a un coût très important, du fait des avantages au niveau des retraites et des indemnités », lance Charbel Nahas.

 

Clientélisme
Des gonflements des effectifs notamment dus à un recrutement clientéliste. « Tous les recrutements se font via des canaux politiques. Par exemple, si le fonctionnaire réussit l'examen, il doit en plus avoir un piston politique. Le système est pratiquement mafieux, cela ouvre la porte à la corruption. De plus, l'ingénierie des concours est mal faite et le marché public ne recrute pas assez les talents », accuse une haut fonctionnaire sous le couvert de l'anonymat. « Le clientélisme existe, mais le tableau n'est pas aussi noir que ce que l'on imagine, les titulaires sont recrutés par concours. Par contre, les contractuels n'ont aucun statut légal, vivent dans la précarité et sont otages des chefs politiques (zaïms) qui les ont mis en place », nuance Charbel Nahas.

Si les pratiques clientélistes ont fait gonfler les effectifs d'employés peu qualifiés pour leurs postes, et par conséquent les dépenses liées à leur rémunération, l'État ne peut pas pour autant se passer de recrutements supplémentaires. Et ce en raison d'un paradoxe : la fonction publique libanaise accusant un taux de vacance moyen de 70 %. « Cela est vrai dans l'administration centrale, notamment les ministères, du fait aussi de départs à la retraite qui n'ont pas été remplacés, explique Charbel Nahas. C'est donc une bonne chose de prévoir de nouveaux recrutement dans l'avant-projet de budget pour pouvoir répondre à ces besoins. »

Mais cela suppose de rationaliser au préalable le processus de recrutement et la gestion des effectifs à travers des réformes structurelles. « Le budget devrait être accompagné d'un plan de restructuration des effectifs. Les qualifications des fonctionnaires doivent être revues de plus près, il faudrait revoir la structure des ministères. Est-ce que ces recrutements seront nécessaires si l'on utilise internet et que l'on modernise la structure du ministère ? Après ces réformes, il faudrait analyser les besoins selon ce nouveau barème », plaide Marwan Mikhaël. « La vraie question qu'il faudrait se poser, c'est pourquoi l'État recrute, pour quels objectifs et quelles missions ? » résume la source précitée.

 

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commentaires (2)

CHACUN CASE SES PARENTS, AMIS, PARTISANS... UNE CARTE SUFFIT... ET L,HYDRE ETATIQUE GONFLE ET SE NOURRIT DE LA SUEUR ET DU SANG DES SECTEURS PRIVES QUI FLECHISSENT SOUS L,ENORME POIDS DE CE GIGANTESQUE MONSTRE !

LA LIBRE EXPRESSION

13 h 00, le 25 février 2017

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Commentaires (2)

  • CHACUN CASE SES PARENTS, AMIS, PARTISANS... UNE CARTE SUFFIT... ET L,HYDRE ETATIQUE GONFLE ET SE NOURRIT DE LA SUEUR ET DU SANG DES SECTEURS PRIVES QUI FLECHISSENT SOUS L,ENORME POIDS DE CE GIGANTESQUE MONSTRE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 00, le 25 février 2017

  • Belle analyse mais au lieu de recruter du personnel (sur des bases clientélistes) recrutons sur des bases professionnelle (vœux très pieux) mais pensons plus tôt à moderniser l'administration les solutions existent. J'ai constaté par exemple la modernisation de la sûreté générale dans le service des cartes de séjour dommage qu'il faille encore fournir des papiers alors que l'informatique est là pour enregistré un dossier

    yves kerlidou

    10 h 57, le 25 février 2017

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