Elles n'avaient même pas commencé qu'elles capotaient presque. Les négociations de paix sur la Syrie ont débuté hier soir à Genève sous de sombres auspices, alors que les délégués de l'opposition ont d'abord refusé de participer à la cérémonie d'ouverture des pourparlers, repoussée à plusieurs reprises, avant de se raviser à la dernière minute. Les jours précédant la reprise des discussions, plusieurs observateurs et diplomates, dont le médiateur de l'ONU Staffan de Mistura, s'étaient d'ailleurs dit pessimistes quant à l'issue de ces réunions, dont le programme n'était toujours pas clair après leur reprise.
Ce quatrième round de pourparlers survient dans un contexte bien différent du précédent, brutalement interrompu au bout de seulement quelques jours en avril dernier. Depuis, le régime syrien a repris des territoires, notamment Alep, grâce à l'aide de ses alliés russe et iranien. Sans revenir sur les enjeux d'une telle victoire du régime, cette dernière a porté un coup très dur aux rebelles armés, contraints de quitter la plus grande ville du pays, bastion de l'insurrection divisé en deux depuis 2012. Alors que des combats acharnés opposent depuis quelques semaines certains groupes islamistes et rebelles sur le terrain, dans le Nord-Ouest surtout, les insurgés apparaissent aujourd'hui plus divisés que jamais, malgré les fusions en série de groupes armés.
Comme c'est le cas depuis le début du conflit en 2011, l'opposition s'est avérée totalement incapable de faire front uni face au régime et ses alliés, mais surtout aussi devant une communauté internationale impuissante, pour ne pas dire inutile. La participation même à Genève IV des deux groupes dits de Moscou et du Caire était par exemple encore hier soir une inconnue, leurs membres étant considérés par une grande partie de l'opposition syrienne comme trop mesurés face au régime de Bachar el-Assad, et donc peu crédibles. En outre, comme ce fut le cas pour les trois réunions précédentes organisées dans la ville suisse, les Kurdes, pourtant largement sollicités sur le terrain, n'ont pas été conviés à participer à cette quatrième série de rencontres. Le refus catégorique de la Turquie d'un rôle kurde quelconque dans les pourparlers de paix intersyriens, ou même sur le terrain, confirme la notion selon laquelle les factions sur le terrain ne sont pas représentées à Genève.
(Repère : Conflit syrien : qui sont les négociateurs aux pourparlers de Genève ?)
Retournement de situation
Le rapprochement inédit d'Ankara et de Moscou n'a pas non plus contribué à une avancée quelconque pour l'opposition, face à un régime galvanisé par ses succès militaires et par conséquent bien moins enclin à un compromis que par le passé. S'il y a eu un temps où il fut presque acculé par la perte de territoires aux mains des insurgés, ce n'est clairement plus le cas aujourd'hui. Et deux réunions organisées fin 2016 et début 2017 à Astana, au Kazakhstan, sous l'égide de Moscou et desquelles l'ONU et les États-Unis ont été écartés, ont permis des trêves sur le terrain. Des trêves certes fragiles, violées au quotidien, mais des trêves néanmoins.
Ces facteurs, ainsi que l'élection de Donald Trump à la présidence américaine, ont changé la donne pour l'opposition syrienne, et ce de manière quasi définitive. Plus d'un mois après son arrivée officielle à la Maison-Blanche, l'administration Trump continue d'entretenir le flou sur sa future ligne de conduite. Mais elle n'a jamais dissimulé le fait que sa priorité est, et restera, l'éradication du groupe État islamique et la menace qu'il représente. S'il fut mention de la distribution d'armes lourdes aux Forces démocratiques syriennes (FDS) quelques jours après l'inauguration de Donald Trump, fin janvier, rien ne permet de penser qu'une telle aide devrait devenir régulière. De nombreuses informations circulent, néanmoins, sur un envoi possible de troupes américaines sur le terrain syrien. Mercredi encore, le chef des forces américaines au Moyen-Orient, le général Joseph L. Votel, en déplacement dans la région, n'a pas écarté cette option. Un plan précis et détaillé de ce que pourrait faire Washington à ce niveau est censé être préparé par le secrétaire à la Défense James Mattis et présenté au président américain à la fin du mois. C'est dans le cadre de ces préparatifs que le sénateur John McCain s'est secrètement rendu le week-end dernier à Kobané, ville kurde dans le nord de la Syrie, où il a rencontré des militaires américains.
En attendant, les discussions continueront d'achopper sur une quelconque « transition » politique, terme vague sur lequel les belligérants ne sont même pas d'accord, et sur le sort de Bachar el-Assad. L'opposition continue de demander le départ du président syrien, mais peut-elle encore se permettre d'exiger quoi que ce soit ?
Repère
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commentaires (7)
Dans la situation actuelle de la Syrie, le peuple syrien ni perdant ni gagnant. Il est complètement fichu. Il faudra des décennies pour oublier ce carnage et la destruction du pays Les méthodes russes ou iraniennes n'ont que faire du peuple syrien Quant à la famille Assad, il faudra tôt ou tard qu'elle paie ses crimes
FAKHOURI
21 h 22, le 24 février 2017