Étonnants États-Unis où un juge annule les effets d'un décret présidentiel ! Au Liban, le président joue de l'accordéon avec les délais électoraux, tantôt les écourtant au 21 février, tantôt les étirant jusqu'en septembre, ou encore menaçant la Chambre de « vide » et il ne se trouve pas d'institution ou d'autorité pour lui opposer un avis contraire. Comme aux États-Unis, notre président joue de la loi, ou de la Constitution, mais contrairement aux États-Unis, il ne se trouve aucun autre pouvoir pour équilibrer le sien.
Tout ce que le chef de l'État trouve, en face de lui, ce sont des « avis » diffusés à longueur de journée sur les télévisions complaisantes, aussi impuissants les uns que les autres à le ramener à l'ordre constitutionnel. C'est bien pour cette raison que le Conseil constitutionnel cherchait tout récemment encore à se conférer le droit d'autosaisine, à élargir ses attributions.
Le président n'a tout simplement pas le droit de décider de ne pas signer le décret de convocation du collège électoral. L'article 49 de la Constitution lui en fait un devoir, en le plaçant au-dessus de toutes les autres attributions. Ne pas le faire reviendrait purement et simplement à du sabotage. Il est l'arbitre de la Constitution, mais non son interprète. S'il a un avis à émettre, l'article 53 de la Constitution lui donne la possibilité d'adresser un message au Parlement, et il semble que M. Aoun va le faire, mais il ne peut aller au-delà.
Il n'y a pas de vide qui tienne. Dans la partie de poker qui se joue, le président peut bluffer, mais il devra finalement se plier aux règles constitutionnelles. Presser les députés de faire leur devoir, soit, mais menacer un pays tout entier d'un désordre constitutionnel aux conséquences imprévisibles serait un grave écart de sa part. Le président a l'obligation d'organiser les élections à temps, que la loi électorale lui plaise ou non. Perdra-t-on la stabilité du Liban sur un coup de poker ? Ne dit-on pas que le principe de périodicité du scrutin est encore plus important que la loi électorale ?
Le Conseil constitutionnel, pour sa part, faute de pouvoir exercer son pouvoir, a le droit, et même l'obligation morale, d'émettre son propre « avis » autorisé sur cette question essentielle. On ne peut continuer à se jouer de la Constitution, ce serait se jouer du contrat social qui cimente la Nation, ce serait défaire le tissu même de notre existence commune et de l'ordre public. Les constitutionnalistes le disent : le vide est le prélude à tous les risques, l'observation des délais constitutionnels doit être stricte et absolue et leur interprétation doit être restrictive.
Du reste, la Constitution a prévu de combler le vide, s'il se produit. En l'occurrence, si le mandat de la législature actuelle expire, sans qu'une nouvelle loi électorale ait été votée, le gouvernement en place aurait l'obligation d'organiser des élections au plus tôt. Et sur quelle base les organisera-t-il, sinon celle de la loi en vigueur ?
Changeons de sujet tout en y restant. Dans un article récent du Figaro, Georges Malbrunot écrit qu'Israël ne laissera pas le Hezbollah ramener au Liban son arsenal de blindés opérant en Syrie. Sur cette question générale aussi, un consensus national doit s'établir. La famille de communautés qui a voulu le Liban a droit de donner son avis sur ce qui se passe. L'alignement de Michel Aoun sur le Hezbollah ne fait pas une politique. Une communauté ne peut imposer un pronunciamento aux autres, quel que soit l'avis du chef de l'État. En usant de la force, nous ferions du Liban une nouvelle Syrie, à l'heure même où la Syrie se démembre, sous l'effet de la dictature d'une minorité qui a pris le pouvoir en prenant le contrôle de l'armée. Est-ce que c'est ce que nous voulons ? Est-ce que c'est ce que nous cherchons ?
Cela dit, le sacrifice de centaines de combattants du Hezbollah en Syrie ne se justifie, aux yeux de leurs familles, que parce qu'il leur est présenté comme le moyen nécessaire pour combattre ceux qui veulent les chasser de leurs terres. Cet attachement au sol fait donc partie de leur amour du Liban. Dès lors, quelle que soit l'issue finale du conflit, si le Liban doit rester fidèle à lui-même comme la patrie de tous, il faudra intégrer dans la mémoire de la Nation libanaise le souvenir de ceux qui sont tombés en Syrie. Il faudra faire l'effort nécessaire pour intégrer ces morts, en honorant au moins le sacrifice individuel que l'effort de guerre contesté du Hezbollah en Syrie a provoqué. Il faudra aussi faire mémoire de tous les Libanais qui se seront battus en Syrie, dans le camp opposé.
On parle de 1 200 combattants du Hezbollah morts en Syrie. Georges Malbrunot, lui, parle de 1 500 à 2 000 morts. La chaîne télévisée du Hezbollah multiplie la diffusion de documentaires sur les guerres de libération nationales du XXe siècle. C'est vivre dans le passé et ignorer combien atroce furent certaines de ces guerres (un million de morts en Algérie) ; c'est oublier quels efforts inlassables sont déployés en ce moment pour mettre fin au conflit syrien et faire l'économie des centaines de milliers de vies humaines que ce conflit peut encore coûter, faute d'un règlement politique.
commentaires (5)
OK, écrivez comme bon vous semblera , mais à quoi ça sert de nous faire de la surenchère sur le nombre de morts des résistants du hezb de la résistance ? De 1200 à 1500 ou 2000 comme le dit Georges Malbrunot ( et alors ??????) à part y voir de l'indécence qui vire à l'incompétence de nous rapporter des idées basees sur des faits , je n'y vois aucune espèce d'intérêt. S'il y en avait eu moins seriez vous entrain de nous dire que cela aurait été une reussite ???????? A comme ça on publie au moins , si ça ne vous vexe pas plus .
FRIK-A-FRAK
15 h 30, le 23 février 2017