Les partisans d’Amal rassemblés mardi devant le siège d’al-Jadeed. Capture d’écran
Des partisans du mouvement Amal (du président de la Chambre, Nabih Berry) se sont rassemblés lundi et mardi soir devant le siège de la chaîne al-Jadeed, à Wata el-Moussaitbé, pour protester contre la diffusion d'un épisode télévisé qui a porté atteinte, selon eux, à l'imam Moussa Sadr et à ses compagnons disparus en Libye en août 1978.
Si le rassemblement avait pour objectif initial de dénoncer « l'atteinte portée à l'imam Sadr », la situation a dégénéré mardi soir devant le siège de la chaîne. Les activistes de la formation de M. Berry ont tenté, en effet, d'entrer dans le bâtiment. Ils ont lancé des pierres et des pétards en direction du bâtiment de la chaîne. Les forces de sécurité et l'armée ont dû se déployer en force. Au moins un membre des FSI a été blessé par les jets de pierres, selon l'Agence nationale d'information (ANI, officielle).
La caméra de la chaîne à partir de laquelle était retransmise en direct la protestation a également été visée.
Ce n'est qu'à la suite de plusieurs contacts politiques que le mouvement de protestation a pris fin. Le Premier ministre, Saad Hariri, a appelé M. Berry pour lui demander « de se saisir de l'affaire ». Il a contacté aussi le ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, et plusieurs responsables sécuritaires pour s'informer de la situation. Selon un communiqué publié par son bureau, le ministre de la Défense, Yaacoub Sarraf, a « assuré le suivi de la situation et a effectué, conformément aux directives du président Michel Aoun, les contacts nécessaires avec l'armée et les personnes concernées » pour mettre fin à la protestation.
De son côté, le ministre de l'Information, Melhem Riachi, a soulevé la question d'al-Jadeed lors de la séance gouvernementale tenue hier au Grand Sérail. Selon l'ANI, M. Riachi a pressé Saad Hariri à appeler les ministres concernés à œuvrer pour « la sauvegarde de la liberté de la presse, dans la mesure où elle est fondamentale dans la définition du rôle du Liban en tant que modèle ».
Dans son intervention, le ministre de la Justice, Salim Jreissati, a indiqué que le pouvoir judiciaire a demandé des comptes concernant la diffamation à l'encontre du président de la Chambre, d'une part, et à l'atteinte aux gens et aux libertés publiques – si les éléments du crime se trouvent réunis – d'autre part.
Plus tôt dans la journée, de nombreuses personnalités ont stigmatisé l'atteinte à la chaîne al-Jadeed.
Dans un communiqué, l'ancien président de la Chambre Hussein Husseini (opposé de longue date à Nabih Berry et à sa formation politique) a estimé que « le fait de voir des jeunes appartenant à un mouvement qui a lutté contre l'ennemi s'attaquer à un média qui défend la liberté d'expression est honteux et pénible ». « Cet acte est-il en harmonie avec les objectifs des fondateurs du mouvement, dont notamment l'imam Moussa Sadr ? », s'est-il interrogé avant d'ajouter : « Il s'agit d'une atteinte à la liberté des médias, dans le but de leur interdire de remplir leur fonction. »
À son tour, l'ordre des rédacteurs de la presse a stigmatisé l'atteinte à al-Jadeed. Dans un communiqué, l'ordre a dénoncé « la protestation qui a dégénéré en une atteinte à la chaîne de télévision, et qui a menacé les employés d'al-Jadeed ». Soulignant l'importance « d'user des moyens légaux avec les médias », l'ordre a mis l'accent sur le rôle du ministère de l'Information et du Conseil national de l'audiovisuel dans ce domaine, « conformément aux textes de loi en vigueur, en vue de rectifier toute erreur ou infraction commise par les médias, en particulier audiovisuels ». Il a également incité ces derniers à respecter « les sentiments nationaux du peuple ».
(Lire aussi : Waël Kheir : Gare aux dérapages en cas de limitation de la liberté d'expression)
Melhem Riachi
Si l'atteinte à la chaîne al-Jadeed a ravivé la question des libertés publiques, en particulier la liberté d'expression, nombreuses sont les interrogations autour des mesures à prendre afin de protéger les journalistes pour leur permettre d'exercer leur métier en toute liberté, loin des craintes et contraintes, notamment à la lumière de l'impunité observée à ce niveau et qui a permis à de tels incidents de se produire à plusieurs reprises.
Interrogé à ce sujet par L'Orient-Le Jour, Melhem Riachi estime que « la protection des journalistes relève de leur établissement, ainsi que des appareils de sécurité, du pouvoir judiciaire et de l'ordre des rédacteurs de la presse ». Ancien journaliste, M. Riachi est catégorique sur la question de la liberté des médias et ses limites : « Tout est permis tant qu'on ne porte pas atteinte aux mœurs publiques, et non au droit. » Selon lui, « limiter la liberté par le droit c'est réduire sa valeur ». Le ministre Riachi a indiqué, par ailleurs, que Saad Hariri a chargé le ministre de la Justice de poursuivre le dossier. En dépit de plusieurs tentatives de le joindre, Salim Jreissati était hier aux abonnés absents.
« Nous ne cèderons pas »
Du côté de Wata el-Moussaitbé, al-Jadeed semble déterminé à aller jusqu'au bout, en dépit de la décision du mouvement Amal « de ne pas entrer en confrontation avec la chaîne », comme on pouvait lire hier dans un communiqué publié par le député Hani Kobeissi.
Selon Karma Khayat, vice-présidente du conseil d'administration d'al-Jadeed, « les actes barbares observés lundi et mardi ne sont pas une simple réaction populaire à une émission comique. Loin de là. Il s'agit d'un message politique adressé à notre chaîne ». Dans un entretien accordé à L'OLJ, Mme Khayat place les incidents dans un contexte politique plus large : « Outre le fait qu'il s'agit d'une atteinte aux médias libanais, les auteurs de ces actes sont des partisans du président de la Chambre qui se veut un des piliers de l'État. » Elle va même plus loin : « Les incidents sont un message fort au mandat Aoun qui dit lutter contre la corruption et les infractions à la loi. » « Si des mesures fermes ne sont pas prises à l'encontre des faiseurs de troubles, le nouveau régime ne différerait aucunement des anciens mandats marqués par des règlements de comptes politiques qui ont mené le pays à son état actuel », dit encore Karma Khayat, avant de faire savoir qu'al-Jadeed a eu recours au pouvoir judiciaire, du fait de sa foi dans les institutions étatiques. « Nous ne céderons pas à la menace et nous ne nous excuserons pas, parce que nous n'avons commis aucune erreur », assure-elle sur un ton déterminé.
Des sources judiciaires bien informées indiquent dans ce cadre à L'OLJ que la chaîne dirigée par Tahsin Khayat a présenté une plainte auprès du procureur général près la cour d'appel par le biais de la gendarmerie de Ramlet el-Bayda, dans la mesure où il s'agit d'un flagrant délit.
Pour mémoire
Des partisans du mouvement Amal (du président de la Chambre, Nabih Berry) se sont rassemblés lundi et mardi soir devant le siège de la chaîne al-Jadeed, à Wata el-Moussaitbé, pour protester contre la diffusion d'un épisode télévisé qui a porté atteinte, selon eux, à l'imam Moussa Sadr et à ses compagnons disparus en Libye en août 1978.
Si le rassemblement avait pour objectif...
commentaires (8)
Oui, bon, OK ! Haro sur le baudet ou sur le béret, mais quid si c'était.... Nâbäâââh 1er ?! Yâ wâââïyléééh !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
17 h 16, le 16 février 2017