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Lifestyle - This is America

« Je remercie Dieu, l’Académie et ma mère émigrée libanaise »

William Blatty a signé un grand moment du cinéma américain avec « L'Exorciste », grâce à sa courageuse maman, vendeuse, à New York, de confitures de coing faites maison.

William Peter Blatty, auteur du roman fantastique « L’Exorciste », véritable succès en librairie à sa sortie en 1971 et adapté au cinéma deux ans plus tard, est décédé à 89 ans. Photo tirée du compte Twitter de l’écrivain Lani Brown

« Je remercie Dieu, l'Académie et ma mère émigrée libanaise, venue de son pays en Amérique sur un bateau à bétail. » C'est le mot de remerciement le plus court jamais entendu durant les mythiques cérémonies des oscars. Il avait été prononcé en 1973 par William Blatty, lorsque l'adaptation pour le grand écran de son célèbre roman L'Exorciste avait été récompensée par dix nominations. Le film avait remporté le prix du meilleur scénario (qu'il avait lui-même signé) et celui du meilleur mixage de son. Auparavant, il avait également décroché quatre Golden Globes, dont celui du meilleur film dramatique, du meilleur réalisateur et du meilleur scénariste. Enfin, cerise sur le gâteau, sa projection dans le monde avait rapporté un chiffre historique : 441 millions de dollars. Quant au roman éponyme, L'Exorciste, publié en 1971, qualifié par Stephen King, grand maître du genre, de « plus grand roman d'horreur de notre époque », il a été traduit en une douzaine de langues.

Chez William Blatty, décédé il y a moins d'un mois, il faut chercher la mère et non la femme. Son célèbre roman, devenu un énorme best-seller, est axé sur l'amour maternel d'une jeune femme qui livre une bataille sans merci pour sauver sa fillette de 12 ans, aux prises avec le démon. L'amour maternel, Blatty, écrivain et scénariste américain de renom (1928-2017), l'a vécu à fond et ne l'a jamais effacé ni de sa mémoire ni de ses écrits. Il l'a crié haut et fort aux oscars et l'a décrit en détail dans un ouvrage intitulé I'll tell them I will remember you. Au total, 173 pages pétries d'affection, de luttes faisant feu des bois les plus fous et de ténacité, vouées à sa mère, Mary Mouakkad. Cette femme parlant à peine l'anglais, qui a élevé seule à New York ses cinq enfants, déterminée à les faire réussir dans un environnement complètement étranger pour elle.

 

Tout sur ma mère
Nièce de l'évêque de Baalbeck de l'époque, Germanos Mouakkad, également fondateur de la congrégation des paulistes, Mary est arrivée du Liban sur un bateau transportant du bétail. Son époux, Peter Blatty, également libanais (Boullat), l'avait quittée, lui laissant la responsabilité de leurs enfants en bas âge. En véritable mère courage, elle n'avait hésité devant aucune tâche pour assurer la survie de sa famille, mettant à profit toutes les situations pour atteindre ce but. Alors qu'elle vendait ses confitures de coing à Manhattan sous le label Home Made, elle apprend un jour de 1939 que le président Franklin Roosevelt venait inaugurer un tunnel, situé non loin de chez eux. Se jurant de le rencontrer, en dépit de sa famille qui n'avait pas hésité à la traiter de cuckoo (zinzin), le jour dit, elle se mêle à la foule avec un sac en papier dans la main. Et, sans que personne ne sache comment, y compris le Secret Service, elle se retrouve face au président qui s'apprêtait à couper le ruban inaugural. Elle lui tend alors le sac contenant sa confiture de coing, en lui disant tout simplement : « Ceci est pour vos invités. »

William Blatty a souvent confié qu'il avait vécu dans un « dénuement confortable », car sa mère s'ingéniait continuellement à rendre leur pauvreté familiale supportable, capable de recréer un véritable foyer à chacun des 28 changements de domicile, après expulsion faute de payement du loyer. Rien n'était assez pour le bonheur de ses enfants. Elle était fière que son « Will-yam » ait remporté, lors d'un concours, le titre de « plus beau bébé », brandissant le trophée, un gobelet en argent qu'elle montrait inlassablement à tout le monde, même si, plus tard, Blatty avait appris par son oncle que sa mère avait soudoyé le juge pour faire gagner son poupon !

Plus tard, le petit William réussira à dessiner son propre parcours : grâce à des bourses, il s'inscrit à l'école des jésuites à Brooklyn, puis aux universités de Georgetown et de George Washington d'où il sort, en 1954, avec un MA en littérature anglaise. Suivront un engagement dans les forces de l'air US et un poste dans l'Agence d'information américaine à Beyrouth avant un retour aux États-Unis pour entamer, dans les années 60, une brillante carrière d'écrivain et de scénariste. Il signe notamment les dialogues de grands succès cinématographiques, parmi lesquels What did you do in the war Daddy, Darling, Lily, A shot in the dark etThe great bank robbery.

De sa mère, fervente catholique, il aimait à dire : « Elle gardait les joies, les luttes, la tristesse de toute sa vie dans la chapelle de son cœur, où elle priait seule. » À son décès, il avait écrit : « Ma mère est au ciel, je la vois en train de danser », se souvenant de l'avoir vue danser lors d'une soirée libanaise, à l'âge de 70 ans. Le 12 janvier dernier, William Blatty s'en est allé la rejoindre à l'âge de 89 ans...

 

 

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commentaires (2)

BEAU BEAU

Gebran Eid

08 h 41, le 06 février 2017

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Commentaires (2)

  • BEAU BEAU

    Gebran Eid

    08 h 41, le 06 février 2017

  • HISTOIRE DU GENIE LIBANAIS DE LA DIASPORA... QUI FAIT DEFAUT A LA MAISON...

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 53, le 06 février 2017

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