Petits crimes conjugaux à la sauce libanaise...

À quelques jours de la première, c'est dans les coulisses du théâtre où ils s'apprêtent à répéter leurs rôles dans Bte2toul que l'on retrouve Bernadette Houdeib et Talal el-Jurdi. Complices, comme seuls peuvent l'être des comédiens de la même (belle) envergure, ils prennent un malicieux plaisir à se taquiner, se houspiller, se raconter leurs petites histoires de la journée. Le troisième larron, Joe Kodeih, n'est pas loin.

C'est sous sa direction de metteur en scène qu'ils interpréteront, à partir du 10 février, Bte2toul, l'adaptation qu'il a faite de Petits crimes conjugaux d'Eric Emmanuel Schmitt. Un huis clos amoureux et prometteur...à en juger par leurs réponses à nos trois questions.

Pourquoi être passé ces dernières années du one-man show et des satires sociales libanaises à un théâtre plus intimiste ? Et qu'est-ce qui a motivé le choix de cette pièce en particulier ?
Joe Kodeih : Au théâtre, il ne peut y avoir de cloisonnements. Personnellement, je n'aime pas être confiné dans une catégorie. J'aime autant écrire que jouer, mettre en scène ou adapter des pièces d'auteur. Cela dépend tout simplement de ma disponibilité et de mon inspiration... Ainsi, après Les liaisons dangereuses, une pièce qui est très chère à mon cœur et que j'avais mise en scène et interprétée lors de mon projet de diplôme avant de la reprendre à nouveau l'année dernière, j'ai eu envie de poursuivre sur la voie de l'adaptation. Avec une pièce contemporaine cette fois : Petits crimes conjugaux d'Eric-Emmanuel Schmitt. Un texte qu'une amie m'avait fait découvrir il y a quelques années et que j'avais beaucoup aimé. Par ailleurs, Bernadette Houdeib avait envie que je lui écrive une sorte de double one-woman et one-man show qu'on jouerait ensemble. À défaut de pouvoir répondre totalement à son souhait, je lui ai proposé d'adapter la pièce de Schmitt, qui offre un duo d'acteurs, mais à la condition que je n'y joue pas. C'est elle qui m'a proposé Talal el-Jurdi, avec qui elle avait partagé l'affiche de Lamma hakat Maryam en 2001. Et j'en suis ravi : ce sont tous les deux de véritables monstres de scène.

Y a-t-il des traits communs entre madame de Merteuil, que vous aviez campé l'année dernière, et le rôle que vous interprétez dans « Bte2toul » ? Quelle relation entretenez-vous avec ce nouveau personnage ?
Bernadette Houdeib : Les deux rôles sont aux antipodes l'un de l'autre. Le seul lien entre les deux, c'est moi. Madame de Merteuil est brutale, tranchante et dominatrice. C'est une destructrice, une briseuse de ménage. Alors que Layla, de Bte2toul, est une femme au foyer, attachée à sa famille. C'est une personnalité faible, réactive plutôt qu'active, et qui prend des chemins sinueux pour essayer d'arriver à ses fins. Son personnage est moins flamboyant que celui de Chaderlos de Laclos, mais il est plus difficile à interpréter. Car moins linéaire et plus contrasté, avec des hauts et des bas, des zones d'ombre, des changements d'attitude et de surprenants voltes-faces. Ma relation au personnage de Layla ? Elle m'inspire de la pitié avec ses atermoiements. Sinon, c'est un vrai rôle de composition, tant elle est éloignée de ce que je suis...

Qu'est-ce qui vous a interpellé dans ce rôle d'un homme amnésique qui tente de recouvrir la mémoire avec l'aide de sa femme ?
Talal el-Jurdi : En tant que comédien, je fonctionne aux challenges, et le personnage de Farid présentait un registre que je n'avais pas encore abordé : celui d'un personnage portant en lui-même plusieurs jeux de rôle. Et puis, le duo de scène est toujours tentant. Il y a, entre les comédiens, une sorte de duel qui s'instaure et rend le jeu plus stimulant. De plus, le thème de cette pièce est, disons-le, très tendance en ce moment. Ces histoires de crises de milieu de vie des couples ont des résonances certaines auprès du public. Peut-être parce que nous vivons à une époque où le mariage dans sa notion traditionnelle ne fonctionne plus et que ce « contrat entre deux êtres » est de plus en plus remis en question. Bref, c'est une pièce qui me parle et j'espère qu'elle parlera aussi aux spectateurs...

À eux de juger, donc, à partir du 10 février, à 20h30.

*École des Frères, Gemmayzé. Réservations au : 76-409109. Billets en vente à la librairie Antoine.

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