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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Dans l’ombre de Trump, le « président Bannon »

Stephen Bannon (à gauche) a jusqu’ici largement éclipsé Reince Priebus (à droite), nommé en même temps que lui, au poste, a priori plus influent, de secrétaire général de la Maison-Blanche. Carlos Barria/Reuters

Crinière poivre et sel, démarche nonchalante, il est discret, mais omniprésent, (presque) toujours dans la même pièce que Donald Trump. Pas le moindre doute : le « conseiller en stratégie » Stephen Bannon est l'homme fort de la West Wing. D'ailleurs, un dessin satirique résume un sentiment largement partagé à Washington, deux semaines après l'arrivée au pouvoir du magnat de l'immobilier : un énorme Stephen Bannon aidant, en lui tenant la main, un petit Donald Trump à signer ses décrets et le félicitant sur un ton paternaliste de ses premières mesures.
Contempteur virulent de « l'establishment » et des « élites », cet homme de 63 ans, ancien patron du très droitier site Breitbart News, revendique une rupture avec les politiques mais aussi les us et coutumes de la capitale fédérale. Et joue avec une délectation évidente sur le registre de la provocation. « Nous assistons à la naissance d'un nouvel ordre politique, et plus les élites médiatiques s'affolent, plus ce nouvel ordre politique devient puissant », affirmait-il au Washington Post il y a quelques jours.
La presse américaine s'interroge sur la place démesurée prise par le « président Bannon », le qualifie de « grand manipulateur », #StopPresidentBannon devient un cri de ralliement sur Twitter : à chaque fois que le Washington « bien-pensant » s'en prend à lui, l'ancien directeur général de la campagne Trump, qui n'a jamais occupé le moindre mandat électif, semble ravi. Et d'avancer l'un de ses arguments préférés : les médias traditionnels sont myopes face aux forces qui transforment la société américaine et le monde.
De mémoire de passionné de politique washingtonienne, difficile de trouver un conseiller ayant pris aussi rapidement autant de place au cœur même de l'appareil du pouvoir américain. La patte, le style de celui qui se décrit comme « un nationaliste économique » étaient évidents dans le discours d'investiture sombre et offensif de Donald Trump. « À compter d'aujourd'hui, ce sera l'Amérique d'abord et seulement l'Amérique », avait lancé le septuagénaire avant d'énoncer « deux règles simples » : acheter américain et embaucher américain.
La nomination, une semaine plus tard, de Stephen Bannon, au rang de membre permanent du Conseil de sécurité nationale (CSN), sorte de petit « ministère des Affaires étrangères » au sein même de la Maison-Blanche, a entraîné une cascade de condamnations. « Il était officier de marine et il a une compréhension fantastique du monde et du paysage géopolitique dans lequel nous nous trouvons », a argué Sean Spicer, porte-parole de l'exécutif. Sans faire taire les inquiétudes envers celui qui déclarait, en 2010, que l'islam « n'est pas une religion de paix », mais « une religion de soumission ».
L'ex-banquier d'affaires chez Goldman Sachs, qui explique avoir grandi dans une famille ouvrière démocrate, pro-Kennedy, prosyndicats, affirme que son rejet farouche de l'establishment remonte au jour où il a réalisé que George W. Bush avait mis « autant de bordel que (Jimmy) Carter ».

« Imperturbable Iago »
Plutôt discret dans les médias depuis le 20 janvier, il a pris une fois la parole pour dénoncer, avec une virulence inouïe... les médias, jugeant, dans un entretien au New York Times, que ces derniers devraient se sentir « humiliés ». Et se taire. « Je veux que vous me citiez là-dessus », ajoutait-il, content de son effet : « Les médias ici sont le parti d'opposition. Ils ne comprennent pas ce pays. » Quelques jours plus tard, Donald Trump reprenait mot pour mot ses propos dans un tweet. « Bannon sait incontestablement comment manipuler le président pour obtenir ce qu'il veut », estimait cette semaine l'éditorialiste Frank Bruni dans le New York Times, le comparant à un « imperturbable Iago » (personnage machiavélique d'Othello de Shakespeare) qui « murmure à l'oreille du président des histoires flatteuses sur l'ampleur du "mouvement" dont il a pris la tête ».
Pour mieux comprendre ce personnage qui intrigue et inquiète – et tenter d'anticiper les décisions du président qu'il conseille –, les observateurs étudient ses propos passés. Qui dessinent une vision sombre et conflictuelle du monde. « Nous serons en guerre en mer de Chine méridionale d'ici à 5-10 ans. Il n'y a aucun doute là-dessus », affirmait-il par exemple en mars 2016.
Stephen Bannon a jusqu'ici largement éclipsé Reince Priebus, nommé en même temps que lui, au poste, a priori plus influent, de secrétaire général de la Maison-Blanche. Donald Trump avait assuré lors de la nomination – le même jour – des deux hommes aux parcours très différents qu'ils travailleraient en partenaires « égaux ».
Les mois à venir permettront de dire si un rééquilibrage s'opère, ou si l'ancien patron de Breitbart News reste le conseiller le plus influent des États-Unis.

Jérôme CARTILLIER/AFP

Crinière poivre et sel, démarche nonchalante, il est discret, mais omniprésent, (presque) toujours dans la même pièce que Donald Trump. Pas le moindre doute : le « conseiller en stratégie » Stephen Bannon est l'homme fort de la West Wing. D'ailleurs, un dessin satirique résume un sentiment largement partagé à Washington, deux semaines après l'arrivée au pouvoir du magnat de...

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