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Liban - Témoignages

« C’est un pas en avant, mais la société est-elle prête à accepter les homosexuels ? »

La décision d'écarter l'usage de l'article 534 émise par le juge unique du Metn, Rabih Maalouf, relance le débat sur la criminalisation de l'homosexualité.

Photo d'archives lors d'une manifestation à l'occasion de la journée mondiale contre l'homophobie en 2010 à Beyrouth. Photo AFP

« Enfin ! » s'écrie Sélim, commentant la décision émise par le juge unique du Metn, Rabih Maalouf, refusant de criminaliser l'homosexualité. « Il est temps d'arrêter de juger les personnes selon leurs choix personnels et privés », ajoute-t-il.

Dans les détails, dans un cas qui opposait un groupe de 9 personnes au parquet, le juge Maalouf a décidé d'écarter l'usage de l'article 534 du code pénal libanais qui dispose que « toute union charnelle contre l'ordre de la nature sera punie de l'emprisonnement jusqu'à une année. Les relations sexuelles contre nature sont punies d'emprisonnement pour une durée d'un mois à un an, et d'une amende entre 200 000 et un million de livres libanaises ».

Étudiant en génie chimique, Sélim s'insurge tout d'abord contre la notion de « l'ordre de la nature ». « Comment pouvons-nous définir ce qui est conforme à la nature et ce qui ne l'est pas ? Quels sont les critères et qui les dresse ? » s'interroge le jeune homme qui se sent étroitement concerné par l'affaire, compte tenu de ses orientations sexuelles. Et de poursuivre : « Ce sont les gens qui catégorisent les autres suivant des critères inconnus, qu'on ne trouve ni dans les textes de lois ni ailleurs. »

Optimisme prudent
« En tant que personne homosexuelle moi-même, un progrès sur le plan juridique me réconforte et me redonne l'espoir de voir un jour les droits de la communauté LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et trans) complètement acquis au Liban », affirme-t-il. « Bien que ce jugement n'abroge pas la loi, il constitue tout de même un pas en avant », souligne Sélim, dans un élan d'optimisme prudent.

« Je suis toujours inquiet et je le resterai tant que le vrai changement, qui s'opère sur le plan social, ne s'est pas encore manifesté », se plaint-il. « La société est-elle prête à accepter les homosexuels ? » s'interroge le jeune homme qui estime qu'un travail sur l'aspect social de l'affaire doit être mené parallèlement au progrès juridique.
« L'éventuelle abrogation de la loi ne me permettra toujours pas de révéler ma vraie identité à ma famille, ne réduira pas la marginalisation souvent imposée aux homosexuels, et ne mettra pas fin au harcèlement auquel nous sommes confrontés tous les jours, dans la rue, dans le milieu professionnel et même au sein de nos propres familles », explique-t-il.
« La lutte doit être menée à tous les niveaux, et essentiellement par les médias, qui contribuent à consacrer une image stéréotypée des homosexuels à travers des caractères et des personnages qui ne ressemblent pas du tout à ce que nous sommes en réalité », conclut Sélim.


(Pour mémoire : Au Liban, la communauté LGBT toujours en guerre contre les discriminations)


Malaise persistant
Pour Rima, étudiante en master de littérature anglaise aux États-Unis, « de pareilles décisions donnent non seulement de l'espoir, mais un certain sentiment de sécurité ». L'étudiante, qui rentrera à Beyrouth tout de suite après l'obtention de son diplôme, compare son expérience en Amérique à celle vécue très longtemps au Liban. « Dans mon pays, je dois constamment cacher et camoufler mon identité sexuelle. Aux États-Unis, je ne crie pas cela sur les toits, mais au moins, je me balade tranquillement dans la rue sachant que quoi qu'il m'arrive, il y aura toujours une loi pour me protéger, ce qui n'est pas le cas au Liban », raconte-t-elle avec amertume.

L'affaire est bien trop compliquée pour Rima qui dit avoir du mal à se sentir bien dans sa peau au Liban. « Toute cette affaire éveille en moi les questions sur l'identité, les racines et le bien-être, révèle-t-elle. Et pourtant, j'ai été heureuse d'apprendre que cette décision a été prise au Liban parce que tout se fait progressivement dans ce genre de lutte. »

Un rêve de dignité
« L'idéal serait d'abroger la loi elle-même, mais pour le moment, nous pouvons nous féliciter de sa non-application dans les tribunaux », affirme Georges Azzi, fondateur de l'organisation Helem et directeur de la Fondation arabe pour la liberté et l'égalité. M. Azzi rappelle que ce jugement n'est pas le premier à refuser de criminaliser l'homosexualité. Trois autres décisions ont déjà été émises dans le même sens.
Quant à l'aspect social de l'affaire, qui n'est pas moins important que son aspect légal, l'activiste écarte tout pessimisme. « En collaboration avec l'institut Ipsos, la Fondation arabe pour la liberté et l'égalité a effectué un sondage dont les résultats sont encourageants. Environ 70 % des personnes interviewées sont contre l'homosexualité et la qualifient de contre nature, mais 68 % parmi celles-ci sont contre la loi 534 et 90 % sont contre tout acte de violence physique contre les personnes homosexuelles », explique M. Azzi, estimant que ces chiffres sont bons. « Cela prouve que la société est prête pour l'abrogation de la l'article 534, mais que la vraie bataille à mener reste ailleurs », estime-t-il, faisant allusion à la police et ses agents qui ont souvent recours à la violence et au viol lorsqu'il s'agit de traiter avec des personnes homosexuelles ou transsexuelles.

« Réclamer les droits de la communauté LGBT au Liban ne veut pas dire que nous revendiquons le mariage pour tous ou l'adoption d'un enfant par un couple homosexuel, explique M. Azzi. Loin de là, nous sommes toujours au stade de la revendication des droits de l'homme les plus élémentaires, ceux de la liberté et de la dignité. »


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« Enfin ! » s'écrie Sélim, commentant la décision émise par le juge unique du Metn, Rabih Maalouf, refusant de criminaliser l'homosexualité. « Il est temps d'arrêter de juger les personnes selon leurs choix personnels et privés », ajoute-t-il.Dans les détails, dans un cas qui opposait un groupe de 9 personnes au parquet, le juge Maalouf a décidé d'écarter l'usage de l'article...

commentaires (1)

Une grande partie de notre société, simples citoyens et responsables politiques et religieux accepte ou ferme les yeux sur : les mariages précoces, les viols et les violences faites aux femmes, les crimes les plus abjects, la corruption généralisée, les programmes à la télé avec des participantes en tenues plus que déshabillées, de même que beaucoup de fidèles féminines dans les églises, etc. Mais l'homosexualité qui n'est pas "contre nature", mais se manifeste dans la nature humaine depuis toujours, on ne veut pas l'accepter... Notre société qui se veut moderne et civilisée...veut suivre la dernière mode en tout: voitures, meubles, mode vestimentaire et chirurgie esthétique etc., mais ne veut pas accepter les homosexuels...car on ne lui a pas assez expliqué ce que cela signifie réellement ! Bravo donc, et merci ! Monsieur le Juge Rabih Maalouf, pour votre décision courageuse et tellement nécessaire ! Irène Saïd

Irene Said

16 h 35, le 30 janvier 2017

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Commentaires (1)

  • Une grande partie de notre société, simples citoyens et responsables politiques et religieux accepte ou ferme les yeux sur : les mariages précoces, les viols et les violences faites aux femmes, les crimes les plus abjects, la corruption généralisée, les programmes à la télé avec des participantes en tenues plus que déshabillées, de même que beaucoup de fidèles féminines dans les églises, etc. Mais l'homosexualité qui n'est pas "contre nature", mais se manifeste dans la nature humaine depuis toujours, on ne veut pas l'accepter... Notre société qui se veut moderne et civilisée...veut suivre la dernière mode en tout: voitures, meubles, mode vestimentaire et chirurgie esthétique etc., mais ne veut pas accepter les homosexuels...car on ne lui a pas assez expliqué ce que cela signifie réellement ! Bravo donc, et merci ! Monsieur le Juge Rabih Maalouf, pour votre décision courageuse et tellement nécessaire ! Irène Saïd

    Irene Said

    16 h 35, le 30 janvier 2017

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