Rechercher
Rechercher

Liban - Rencontre

Mouïn Merhebi : Pour en finir avec la marginalisation du Akkar

De son bureau flambant neuf, où l'odeur de la peinture prend à la gorge, Mouïn Merhebi a une vue stratégique sur le Sérail. Il affirme pourtant qu'il n'a pas trop le temps de regarder par la fenêtre vu qu'il a pris un ministère où tout est à faire, des locaux, à la structure et à l'équipe, en passant par la définition de la mission. Mouïn Merhebi précise d'emblée que c'est lui qui a choisi le ministère dÉtat pour les Affaires des réfugiés entre les trois qui lui ont été proposés – à savoir le ministère d'État pour le Développement administratif, celui de l'Agriculture et celui d'État pour les Affaires des réfugiés syriens. D'abord parce que sa formation d'ingénieur civil (il est diplômé de l'AUB) l'habilite à gérer les questions d'infrastructure dans les villes et les villages, ainsi que dans les groupements de réfugiés. Et ensuite, parce que justement le dossier des déplacés syriens lui tient particulièrement à cœur, la région dont il est originaire et député, le Akkar, ayant été la première à subir les conséquences de la crise syrienne.

Justement, entre le Akkar et Mouïn Merhebi, c'est plus qu'une appartenance régionale, c'est une véritable histoire d'amour et de révolte. Le nouveau ministre est intarissable sur la privation dont a été victime le Akkar depuis l'indépendance du Liban jusqu'à nos jours. Il rappelle ainsi que Bebnine, par exemple, qui compte près de 70 000 habitants (entre libanais, palestiniens venus de Nahr el-Bared et syriens) n'a pas d'eau potable dans les maisons. De même, près de 300 villages dans cette région n'ont pas d'installations sanitaires, et le courant électrique n'est distribué dans toute la région qu'au maximum dix heures sur les 24.

C'est d'ailleurs ce profond sentiment d'injustice fait au Akkar qui a poussé le jeune homme à se lancer dans la politique. Élève des Frères, rien ne le poussait au départ à l'adoption de positions radicales. Il est entré ensuite à l'AUB. Son diplôme en poche, Mouïn Merhebi a travaillé quelque temps dans les pays du Golfe et au CDR. Il a connu Rafic Hariri lorsque ce dernier avait pris en charge le nettoyage de Beyrouth après l'invasion israélienne de 1982. Plus tard, il a été séduit par son projet de financer les études des jeunes dans le besoin, dont une partie de ses propres amis. Même s'il n'a jamais adhéré à un parti, il a appuyé le projet de reconstruction de Rafic Hariri, dont il porte jusqu'à aujourd'hui l'effigie sur le col de sa veste. « C'était pour moi un moyen de combattre la pauvreté, la misère et l'abandon étatique dont souffre ma région », dit-il.

Mouïn Merhebi, qui fait rarement des apparitions dans les médias, est conscient que son image auprès d'une partie des Libanais n'est pas nécessairement positive. En raison de certaines positions en flèche, suite à des incidents avec l'armée, notamment après la mort de cheikh Abdelahad, tué à un barrage de l'armée. À ce sujet, Mouïn Merhebi insiste sur le fait qu'il s'agissait d'une erreur et qu'il n'a fait qu'appeler à l'application de la loi pour contenir la colère populaire et pousser à la retenue. Une partie des médias a donné de lui l'image d'un extrémiste violent. Aujourd'hui, Mouïn Merhebi ne cherche pas à se défendre, il relate seulement quelques faits qui montrent son attachement à son pays et à sa région. Il raconte ainsi que lorsqu'il était encore étudiant, il avait acheté avec son argent de poche des drapeaux libanais pour les brandir à la fête de l'Indépendance. Des étudiants palestiniens (qui faisaient la loi à l'époque dans les universités) ont voulu lui interdire de le faire et il a tenu bon en dépit des menaces. Son nationalisme le rend même sourcilleux, assurant que c'est parce que les habitants du Akkar ont beaucoup souffert des agissements des Syriens pendant la guerre civile et la période de tutelle qu'ils ont un tel rejet du régime syrien.

En ce qui le concerne, il n'a fait que réclamer le déploiement de l'armée aux frontières avec la Syrie en application de la résolution 1701... Il ajoute : « Après tout, les soldats sont nos fils » (une grande partie des militaires libanais étant originaires du Akkar). Dans ce contexte, Merhebi rappelle qu'une décision avait été prise de déployer deux brigades le long de la frontière au Akkar. Elle n'a jamais été appliquée faute d'effectifs avait-on dit. Mais il avait aussitôt suggéré de faire appel aux réservistes. En vain. Il précise toutefois qu'il n'a pas de milice et n'a jamais prôné le port des armes...

Mouïn Merhebi est ainsi convaincu que l'État est le principal responsable de la marginalisation du Akkar et de sa privation des services élémentaires. Il se demande ainsi pourquoi l'Université libanaise n'a jamais voulu ouvrir une branche au Akkar, contraignant les étudiants à se rendre à Tripoli. De même, lorsqu'il a commencé à réclamer la construction d'une autoroute au Akkar, il n'a réussi à obtenir que le déblocage de 100 millions de dollars alors qu'il en faut cinq fois plus. De même, lorsque le gouvernement de Tammam Salam a décidé d'accorder 500 millions de dollars en aide au développement des régions, seulement 7 millions ont été consacrés au sérail de Halba. « Comment veut-on lutter contre le terrorisme, s'écrie Mouïn Merhebi, et maintenir les privations et les injustices faites aux classes défavorisées ? ».
Il ajoute : « C'est comme si on voulait pousser le Akkar à se détacher du Liban ! »

Aujourd'hui, il considère son arrivée au gouvernement comme un premier pas vers un rééquilibrage de la politique de l'État à l'égard du Akkar. En tout cas, c'est ce qu'il souhaite faire. Sa désignation n'est donc pas dirigée contre Khaled Daher (député du Akkar ayant des relations en dents de scie avec le courant du Futur) et encore moins contre le général Achraf Rifi. D'ailleurs, il affirme n'avoir pas encore pris de décision au sujet de sa candidature aux prochaines législatives.
Pour l'instant, il préfère se concentrer sur son nouveau ministère qu'il conçoit comme une sorte de secrétariat général du dossier des déplacés syriens. Selon lui, le ministère doit en quelque sorte coordonner et recueillir les informations des autres ministères ayant en charge le dossier, à savoir les ministères de l'Intérieur, des Affaires sociales et des Affaires étrangères avant de les transmettre à la commission ministérielle qui regroupe ces trois ministères et qui s'est désormais élargie à la Santé, l'Éducation et l'Économie, en plus du sien. Cette commission transmet à son tour les données au Conseil des ministres qui prend les décisions finales.

Mouïn Merhebi ne cache pas son refus de tout dialogue avec le régime syrien, même pour pousser les déplacés à rentrer chez eux. Selon lui, ce retour est toutefois inéluctable. Il s'agit simplement de s'assurer qu'il est sûr et cela relève de la responsabilité des Nations unies et des agences internationales. Il précise toutefois qu'il est prêt à appliquer la politique du gouvernement, puisqu'il est désormais un de ses membres, ajoutant que la décision à ce sujet est collective. Concernant le Hezbollah, Merhebi ne considère pas avoir modifié sa position, rappelant qu'il est contre sa participation aux combats en Syrie, mais cela ne l'empêche pas de s'asseoir avec les députés qui représentent cette formation au Parlement et maintenant de participer ensemble au nouveau gouvernement. Son grand souhait ?

Parvenir à faire adopter un plan de développement du Akkar...

 

Pour mémoire
Interrogations sur les équilibres au sein du cabinet Hariri

 

De son bureau flambant neuf, où l'odeur de la peinture prend à la gorge, Mouïn Merhebi a une vue stratégique sur le Sérail. Il affirme pourtant qu'il n'a pas trop le temps de regarder par la fenêtre vu qu'il a pris un ministère où tout est à faire, des locaux, à la structure et à l'équipe, en passant par la définition de la mission. Mouïn Merhebi précise d'emblée que c'est lui qui...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut