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Comment le coup d’État manqué a catalysé la transformation de la Turquie - Diplomatie

Jusqu’où Erdogan pourra-t-il alimenter l’anti-occidentalisme dans son pays ?

Les déclarations turques, hostiles aux Américains et Européens, découlent d'un fort sentiment d'abandon.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan critique la gestion occidentale du dossier syrien. Adem Altan/AFP

La Turquie, aurait-elle tourné le dos aux Occidentaux ? Les journaux progouvernementaux, tel le quotidien Sabah, n'ont pas eu de mots assez durs à l'encontre des Américains et des Européens ces dernières semaines. Plusieurs médias ont avancé que l'attentat du 31 décembre contre une boîte de nuit, l'assassinat de l'ambassadeur russe le 19 décembre, ou encore la tentative de coup d'État de juillet auraient été orchestrés par la CIA. Des allégations qui témoignent de la montée en puissance d'un discours méfiant, voire hostile, envers les Américains et les Européens, que le pouvoir, habituellement prompt à censurer la presse, laisse se répandre. Et pour cause : le président Recep Tayyip Erdogan lui-même évoque régulièrement l'existence d'un complot contre la Turquie. Ces derniers mois, il n'a cessé de critiquer les Occidentaux, évoquant la duplicité des Américains en Syrie, et déclarant même, le 27 décembre dernier, que les Occidentaux « soutiennent tous les groupes terroristes : le YPG, le PYD (des mouvements kurdes), mais aussi l'État islamique (EI) ».

 

(Lire aussi : Comment le coup d'État manqué a catalysé la transformation de la Turquie)

 

Ankara voit se creuser l'écart entre les positions occidentales et les siennes sur le dossier syrien. La Turquie a le sentiment d'avoir été trahie, selon le chercheur au CNRS Bayram Balci. « Erdogan estime que les États-Unis, et d'une manière générale l'Occident, ont abandonné la Turquie. Initialement, ils avaient les mêmes positions, mais en 2013, avec l'émergence de l'EI, les Occidentaux ont changé de stratégie, et la Turquie s'est retrouvée en difficulté », explique-t-il. Le président turc voit effectivement d'un très mauvais œil le soutien des Américains aux forces kurdes de Syrie. Il mêle constamment les problématiques internes et externes pour condamner de façon virulente les critiques faites à l'encontre des purges qu'il a entreprises. « Ces pays, dont les leaders ne sont pas inquiets pour la démocratie turque ni pour la vie de nos citoyens et leur avenir, alors qu'ils sont tellement préoccupés par le sort des putschistes, ne peuvent pas être nos amis », avait-il déclaré.

 

(Lire aussi : L'appareil sécuritaire turc, autre victime des purges...)

 

Pour M. Erdogan, l'anti-occidentalisme est autant un fonds de commerce électoral qu'un moyen de pression sur ses alliés. Le président turc se sert de son positionnement régional, surtout en ce qui concerne la question des réfugiés, pour faire taire les critiques de ses alliés. Il n'hésite pas à accompagner ses discours de menaces afin d'obtenir des concessions, notamment dans ses négociations avec l'Union européenne (UE), à laquelle le pays souhaite adhérer depuis trente ans.

Il a ainsi récemment promis le retour de la peine de mort, ainsi qu'un référendum sur le processus d'adhésion à l'UE. Bien que les Européens mettent en avant les principes fondamentaux de liberté d'expression et de pluralisme, la stratégie du président turc semble en partie payante. Ainsi, il a obtenu l'arrestation, puis la condamnation de l'humoriste allemand Jan Böhmermann pour un poème satirique qu'il jugeait insultant à son égard. Cependant, l'UE se montre inflexible sur les dossiers majeurs : elle a refusé d'accorder aux Turcs les exemptions de visa qu'Erdogan souhaitait lors de la négociation sur la crise des réfugiés. Le deal avec l'UE reste, en ce sens, extrêmement fragile.

 

(Lire aussi : Tous les journalistes turcs n'ont pas eu la chance d'Asli Erdogan...)

 

Russie et Iran, deux concurrents
La Turquie regarde de plus en plus vers l'Est, quitte à se rapprocher des rivaux historiques de l'Empire ottoman, la Russie et l'Iran, avec lesquels elle tente de régler le conflit syrien et de nouer des accords économiques. La Russie est le deuxième partenaire économique turc, et le désengagement américain prévu par le président élu Donald Trump pourrait profiter aux trois puissances régionales. Cette entente est cependant poussée par la nécessité pour la Turquie d'éviter l'isolement et de régler la question kurde en Syrie, et non par une volonté de s'aligner complètement sur les positions de la Russie et de l'Iran, qui sont des concurrents de la Turquie dans la quête d'influence dans la région, et en particulier en Syrie, plutôt que de véritables alliés.

Il ne faut pas oublier que la Turquie est aujourd'hui pleinement intégrée dans une logique d'alliance avec les Occidentaux. Sur le plan militaire, elle accueille à Inçirlik, sur son sol, une base de l'Otan, dont elle est membre depuis 1951. Sur le plan économique, la Turquie est dépendante des Européens : l'Allemagne est son premier partenaire commercial, et l'UE lui verse une aide économique considérable, qui doit atteindre les dix milliards d'euros sur la période 2007-2020. Une interdépendance que M. Erdogan tente de passer sous silence.

Bien que le président turc mette en avant la possibilité de rejoindre l'Organisation de coopération de Shanghai, constituée autour de la Russie et de la Chine, et soit membre de l'Organisation de coopération économique, formée de l'Iran et de ses voisins, cette dépendance l'empêche d'effectuer un réel retournement d'alliance. « La Turquie se rapproche de la Russie parce qu'elle a le sentiment qu'elle n'a pas d'autre option pour assurer sa sécurité. Je ne crois pas qu'elle va changer de bloc, mais, pour le moment, elle est dans une zone d'incertitude qui peut durer quelques années », avance Bayram Balci.

 

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La Turquie, aurait-elle tourné le dos aux Occidentaux ? Les journaux progouvernementaux, tel le quotidien Sabah, n'ont pas eu de mots assez durs à l'encontre des Américains et des Européens ces dernières semaines. Plusieurs médias ont avancé que l'attentat du 31 décembre contre une boîte de nuit, l'assassinat de l'ambassadeur russe le 19 décembre, ou encore la tentative de coup d'État...

commentaires (5)

La Turquie a toujours eu sa "tête de turque" ... Elle a toujours massacré une minorité. La Turquie na jamais été pro-occidentale ou pro-orientale.... Elle va là ou son intérêt du moment l'emmène ! Dans toute son histoire elle a su changer de veste au dernier moment d'un conflit pour passer avec le gagnant. Il y a une vieille tradition dans la diplomatie turque héritée de l'époque ottomane qui consiste a faire croire à tous, qu'elle est de leur côté ! Avec la vitesse de l'information de nos jours ... Tout se voit et se sait! Pour cette raison la Turquie s'est fait une mauvaise réputation et tout le monde considère qu'elle joue double jeux voir triple jeux! Elle est grillée

Sarkis Serge Tateossian

01 h 25, le 08 janvier 2018

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Commentaires (5)

  • La Turquie a toujours eu sa "tête de turque" ... Elle a toujours massacré une minorité. La Turquie na jamais été pro-occidentale ou pro-orientale.... Elle va là ou son intérêt du moment l'emmène ! Dans toute son histoire elle a su changer de veste au dernier moment d'un conflit pour passer avec le gagnant. Il y a une vieille tradition dans la diplomatie turque héritée de l'époque ottomane qui consiste a faire croire à tous, qu'elle est de leur côté ! Avec la vitesse de l'information de nos jours ... Tout se voit et se sait! Pour cette raison la Turquie s'est fait une mauvaise réputation et tout le monde considère qu'elle joue double jeux voir triple jeux! Elle est grillée

    Sarkis Serge Tateossian

    01 h 25, le 08 janvier 2018

  • Le problème kurde: le cauchemar de la Turquie d'hier et de demain! Une explication de son implication en Syrie...et de ses récriminations contre les USA dont un des leitmotiv est aussi l'implantation aux USA de "l'ennemi Gulen"

    Chammas frederico

    23 h 51, le 12 février 2017

  • IL SAUTE DU BORD D,UN PRECIPICE A CELUI D,UN AUTRE ET LE GLISSEMENT DANS LE GOUFFRE DEVIENT PROBABILITE ...

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 15, le 10 janvier 2017

  • Jusqu'au jour où ils sentiront qu'ils en ont entre les jambes ...

    FRIK-A-FRAK

    19 h 39, le 09 janvier 2017

  • Erdogan, n'ira probablement nul par ...car la démagogie mène à tout ...mais ne conduit à rien ....la question est de savoir , combien de temps prendra le voyage allez /retour...?

    M.V.

    10 h 24, le 09 janvier 2017

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