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Moyen Orient et Monde - Focus

Les TAK, ces enfants illégitimes du PKK

Alors que les affrontements ont repris entre les séparatistes kurdes et l'armée turque, un autre groupe radical refait surface, revendiquant jusqu'à six attentats depuis
l'été 2015.

Le 11 décembre 2016, 38 personnes, dont 30 policiers, ont été tuées à Istanbul dans un attentat revendiqué par les Faucons de la liberté du Kurdistan. Photo Reuters

Les Faucons de la liberté du Kurdistan (TAK) : c'est le nom du groupe qui a revendiqué un attentat en Turquie, le 17 décembre, lorsqu'une voiture piégée a causé la mort de 14 militaires au repos à Kayseri.

L'État turc n'a pas tardé à condamner avec virulence cette attaque meurtrière. Déjà, après l'attentat du 10 décembre à Istanbul, le président Recep Tayyip Erdoğan avait rangé les TAK parmi les organisations terroristes, au même titre que le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) : « Le nom et la méthode de l'organisation terroriste qui a conduit cette attaque hideuse (...) n'a pas d'importance », attestait-il dans un communiqué officiel.
Mais si les TAK apparaissent en effet comme une branche radicale de la lutte armée kurde, leur lien avec le PKK, plus connu, et leur place sur l'échiquier kurde ne sont pas si clairs. Olivier Grojean, maître de conférences à Paris I et spécialiste du mouvement kurde, confirme que « peu d'informations fiables sont disponibles sur les circonstances exactes de la création des TAK ».

Pour comprendre leur apparition, il faut remonter à juin 2004, date à laquelle le PKK a annoncé un cessez-le-feu unilatéral. Date, aussi, d'une scission entre partisans de la reprise de la lutte armée et partisans du cessez-le-feu. « C'est précisément à cette époque que naissent les TAK », poursuit M. Grojean. Si au départ ils sont plutôt des dissidents du PKK, ils évoluent. Pour le chercheur, entre 2005 et 2015, les TAK ne sont plus vraiment la même organisation. « J'ai le sentiment que les TAK de 2005-2010 et ceux d'aujourd'hui sont deux organisations très différentes », indique le chercheur.

Des zones d'ombre parsèment le parcours des TAK, qui disparaissent quelque temps des radars des autorités et qui ne critiqueront pas les pourparlers de paix entre le PKK et le gouvernement entamés fin 2012. Ce n'est qu'en décembre 2015 qu'ils redeviennent actifs. Le 23 décembre, une attaque au mortier contre l'aéroport Sabiha Gökçen à Istanbul fait un mort. Les affrontements entre les membres du PKK et les forces turques ont alors repris depuis six mois. À partir de cette période, les objectifs du PKK et du TAK « sont totalement convergents », avance le spécialiste.

 

(Lire aussi : Les Kurdes de Syrie ébauchent leurs projets politiques)

 

 

« Cibles civiles »
Une convergence que note aussi Sinan Ülgen, ancien diplomate turc et président du Center for Economic and Foreign Policy (Edam), un think tank indépendant d'Istanbul.

« En général, en Turquie, au niveau de la population et aussi au niveau des Kurdes, on ne différencie pas les TAK et le PKK. » L'expert va même plus loin, et assure que « les deux sont une seule et même entité ». La seule différence, pour cet ancien diplomate, qui évoque une « tactique médiatique », se situe au niveau international. En effet, le PKK ne veut pas salir davantage son image à l'étranger, redorée par la lutte de ses forces armées contre l'État islamique en Syrie, en risquant d'être associé à une organisation terroriste visant des « cibles civiles ». « Mais cette différenciation au niveau domestique est peu crédible », insiste-t-il. Le PKK a tout à gagner à nier un lien avec cette branche kurde.

Différenciation ou indifférence ? Pour Olivier Grojean, « le PKK condamne rarement les actions du TAK, sauf quand elles conduisent à un nombre important de victimes civiles ». Un raisonnement que partage Kani Xulam, originaire du Kurdistan et directeur du Réseau américain d'information kurde (Akin), une association visant à défendre les droits de cette population : « Je ne crois pas que le PKK ait jamais exprimé un sentiment vis-à-vis des activités des TAK. Ils ont ce qu'on pourrait appeler un "gentleman's agreement".»

Un accord qui permettrait aux TAK d'agir de manière plutôt autonome. Ces rebelles kurdes ont revendiqué plusieurs attentats depuis un an, dont trois à Istanbul et deux à Ankara. « Les actions du TAK se situent plus en milieu urbain et peuvent donc conduire à des victimes civiles, ce que le PKK cherche à éviter à tout prix », insiste Olivier Grojean. Comme le souligne Sinan Ülgen, le PKK opère davantage au Sud-Est sur des cibles militaires tandis que les TAK « opèrent à l'ouest du pays dans un contexte de cellule terroriste ». À l'Ouest, c'est aussi là où il y a le plus de touristes. Un point que l'organisation elle-même ne nie pas. Quelques semaines avant les attentats, les TAK avaient d'ailleurs averti sur leur site Internet qu'ils ne se préoccupaient pas des dommages collatéraux de leurs actions en conseillant aux touristes étrangers et turcs de ne pas se rendre dans les zones touristiques.

 

« Comme des enfants qui fuguent »
Et le profil de ces combattants ? « Les membres du TAK, hommes ou femmes, sont jeunes », explique Olivier Grojean. Ils appartiennent à une génération qui n'a pas connu la guerre et les offensives turques contre le PKK dans les années 1990, et qui n'approuve pas les négociations avec l'État turc. La reprise de la lutte armée en 2015 a rapproché ces jeunes « désenchantés » du PKK. Au total, le chercheur évalue leur nombre à quelques dizaines de personnes, voire quelques centaines. Un article du journaliste turc Mahmut Bozarslan évoque la thèse, plausible selon le chercheur, de cellules dormantes créées par le PKK, mais qui agissent désormais « en toute autonomie sur le mode de la vengeance », sentiment omniprésent dans les revendications du groupe. Kani Xulam, citant un analyste kurde de sa connaissance, affirme que « ce sont des Kurdes qui ont été rendus fous par la brutalité de l'État turc ». « Ils sont comme des enfants qui fuguent et qui ne maintiennent pas de relations avec leurs parents. »

 

 

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