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Le Liban en 2016 - Rétro 2016

Liban : Une lueur au bout du tunnel

Illustration Ivan Debs.

L'année 2016 se sera achevée comme elle avait débuté : par un développement crucial au plan du dossier de la présidentielle. En janvier 2016, le leader des Forces libanaises, Samir Geagea, annonçait solennellement, sur base d'un document politique, son soutien à la candidature de Michel Aoun à la présidence de la République. Cet appui bouleversait la donne au niveau de la crise institutionnelle dans laquelle se débattait le pays depuis la fin du mandat de Michel Sleiman, en mai 2014. Son impact sera toutefois lent et progressif, et ne débouchera sur un déblocage véritable qu'à la fin de l'année avec l'accession du fondateur du Courant patriotique libre à la magistrature suprême.

Après la position de Samir Geagea, le dénouement se fera donc attendre plusieurs mois. Pratiquement toute l'année. Et pour cause : en dépit des apparences, le Hezbollah était, à l'évidence, très peu enthousiaste à l'élection d'un président de la République, fut-il Michel Aoun. Et peut-être même surtout Michel Aoun. La situation de quasi-paralysie institutionnelle et de marasme politico-économique généralisé était sans doute le meilleur cas de figure possible pour le parti chiite. Suivant le principe des vases communicants, plus l'État central est faible et fragilisé, plus le Hezbollah peut bénéficier d'une plus grande marge de manœuvre à plus d'un égard.

Farouchement fidèle à son projet politique transnational, ancré sur les ambitions géopolitiques de la République islamique iranienne, le parti chiite est plus à l'aise dans son action locale et régionale s'il n'a pas à s'encombrer d'une autorité étatique qui chercherait à s'imposer et à assumer pleinement ses responsabilités constitutionnelles, comme le conçoit sans doute Michel Aoun. Cette politique du bord du gouffre pratiquée par le Hezbollah a failli, vers la fin de l'été, entraîner l'effondrement, à terme, de la monnaie nationale, comme l'illustre l'opération d'ingénierie financière initiée par la Banque du Liban afin, précisément, d'éviter une telle débâcle. C'est principalement cet argument que le leader du courant du Futur, Saad Hariri, a avancé à la mi-octobre, afin de motiver sa décision de soutenir la candidature de Michel Aoun, rejoignant ainsi l'option qu'avait prise Samir Geagea le 18 janvier 2016.

L'année écoulée s'achève ainsi sur une lueur d'espoir perceptible au bout du tunnel et qu'il serait irrationnel de ne pas percevoir et prendre en considération. Pragmatisme oblige. Mais un pragmatisme conditionné... Force est de relever à ce propos que le pays se trouve face à une réalité nouvelle que le Liban n'avait plus connue depuis 1982 : la présence au palais de Baabda d'un président de la République bénéficiant d'une vaste assise populaire, d'une dimension nationale incontestable, d'un important bloc parlementaire et, de surcroît, du soutien du plus grand parti chrétien. Autant d'atouts fondamentaux qui entraînent moult défis. Car dans le contexte régional et local présent, les enjeux qu'implique cette nouvelle donne sont à plus d'un titre existentiels.

Le premier enjeu de taille auquel fait face le nouveau régime est de capitaliser sur les atouts dont il dispose afin de redonner à la présidence de la République, et par ricochet à la composante chrétienne, la place et le rôle liés aux impératifs de la parité et de l'équilibre intercommunautaires. Cela nécessite que l'entente conclue entre le Courant patriotique libre et les Forces libanaises ne soit pas conjoncturelle, mais fondée véritablement sur une vision stratégique commune.

D'une manière concomitante, le nouveau locataire de Baabda est confronté aussi à un autre défi, non moins crucial : mettre à profit ses nombreux acquis afin de pouvoir agir, non plus comme un allié du Hezbollah, mais désormais comme un président soucieux, à l'ombre des circonstances que l'on sait, de faire prévaloir la logique de l'État sur celle de la milice, plus précisément sur celle du projet politique transnational qui cherche à maintenir le pouvoir central dans une situation de déliquescence permanente afin de rester seul maître du jeu. Cela devrait se traduire, dans la pratique, par le nécessaire attachement ferme à la concrétisation, dans les faits, de l'objectif défini sans ambigüité dans le discours d'investiture du 31 octobre : la neutralité du Liban à l'égard des conflits qui nous entourent et de la politique des axes régionaux.

Cet exercice d'équilibrisme, qui doit être érigé en politique d'État, n'est certes pas aisé à l'ombre de la loi de la jungle qui prévaut depuis plusieurs années à l'échelle moyen-orientale. Mais il reste un passage obligé si Michel Aoun désire être perçu réellement par l'histoire comme le président qui aura réussi à redonner au pays du Cèdre la stature, la place et le rôle qui sont à la base de sa raison d'être et qui font sa spécificité dans cette partie du monde. Une telle mission nationale est tributaire de deux paramètres aléatoires qui seront au centre des débats et des développements attendus en 2017 : la prise de conscience (très problématique, on en convient) par le Hezbollah qu'en définitive son réel intérêt est de miser, non plus sur son ancrage aveugle à des projets hégémoniques régionaux, mais sur l'établissement de rapports équilibrés avec ses partenaires locaux, loin de toute logique milicienne ; et l'abandon par certains acteurs étrangers (à l'instar du président Vladimir Poutine ou aussi de François Fillon, à titre d'exemple) de leurs velléités de lâcher le Liban en pâture aux tyrans régionaux, pour satisfaire leurs intérêts stratégiques, électoraux ou autres.

Plus important encore, et c'est là peut-être le plus grand défi à relever par le nouveau régime : faire en sorte que les beaux discours sur les grands principes ne soient pas dilués au fil des mois dans une simple opération clientéliste de partage du gâteau avec d'autres acteurs locaux, en reléguant aux oubliettes les enjeux nationaux à caractère existentiel. Ce sera, à n'en point douter, sur ce point précis que seront estimés à leur juste valeur les réalisations et les acquis du pouvoir qui se met en place et dont l'action, dans toute sa dimension, se précisera tout au long de 2017.

L'année 2016 se sera achevée comme elle avait débuté : par un développement crucial au plan du dossier de la présidentielle. En janvier 2016, le leader des Forces libanaises, Samir Geagea, annonçait solennellement, sur base d'un document politique, son soutien à la candidature de Michel Aoun à la présidence de la République. Cet appui bouleversait la donne au niveau de la crise...