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Le Liban en 2016 - Rétro 2016

Une année morose couronnée par une élection miracle

L'élection de Michel Aoun a mis fin à près de deux ans et demi de vacance présidentielle. Aziz Taher/Reuters

Il aurait été extrêmement difficile de faire un bilan positif de l'année écoulée sans la relance, in extremis, des institutions, amorcée par l'élection d'un président de la République.
En définitive, la symbolique de la reprise de la vie au palais de Baabda sous l'impulsion de son locataire s'est avérée bien plus puissante et thérapeutique qu'on l'imaginait, effaçant comme d'un coup de baguette magique les déceptions et critiques qui avaient accompagné le processus de l'élection du président en amont.
La réhabilitation de la fonction du chef de l'État, immédiatement suivie de la mise sur pied d'un gouvernement, a été on ne peut plus salutaire pour le moral des Libanais, que la déprime et l'amertume avaient achevé de miner au cours des douze derniers mois.

Par-delà les contestations de part et d'autre qu'ont pu susciter le processus de sélection de Michel Aoun aussi bien que celui de Saad Hariri, ou encore leur alliance préalable inattendue, force est de constater que le soulagement était grand de revoir l'État ressuscité, et les derniers lambeaux de sa légitimité sauvés.
Difficile tout de même d'oublier qu'un exercice aussi basique et sacré – théoriquement bien sûr – que l'élection d'un président de la République aura consommé autant d'énergie et de temps, laissant des mois durant les institutions et l'économie du pays dans un état de léthargie totale. Le bras de fer et les batailles politiques rangées que cette échéance avait suscités, entraînant le pays vers les abysses les plus profondes, resteront vifs dans la mémoire collective : tensions communautaires exacerbées, paralysie des services publics les plus élémentaires tels que la collecte des déchets, dysfonctionnement pathologique de l'exécutif du fait notamment du « détournement » de facto des prérogatives d'un président absent, corruption, affairisme politique, etc.

L'élection miracle a fini par avoir lieu, dans le contexte et les conditions que l'on connaît. Une naissance au forceps dont les répercussions n'auront été ressenties en définitive que par le citoyen lambda qui a payé le prix fort en termes de dégradation de sa situation socio-économique et en confiance.

Une fois de plus, et comme à chaque échéance constitutionnelle – lorsque celle-ci n'a pas été complètement occultée comme cela s'est produit avec la double prorogation du mandat des parlementaires –, c'est à un véritable bazar d'intérêts étroits qu'ont assisté, impuissants, les Libanais. Une sorte de tragi-comédie devenue familière au fil des ans pour s'être déroulée tant de fois devant leurs yeux, à tel point qu'elle ne les amusait franchement plus. Le Liban s'était trop rapproché du ravin et la classe politique avait sérieusement perdu en cours de route sa crédibilité aux yeux des gouvernés.
Le Liban venait tout juste de témoigner de l'échec cuisant de la société civile à mener à bon port le mouvement de contestation politique enclenché en 2015, suite à la crise des déchets. Les protestataires auront toutefois réussi à tirer la sonnette d'alarme et pouvaient, d'un instant à l'autre, reprendre du poil de la bête. Il a fallu jeter du lest et leur accorder une consultation que la société civile, forte du soutien de plusieurs représentations diplomatiques, a réclamée à cor et à cri.
La tenue de cette consultation, qui a finalement eu lieu dans le plus grand doute, aura ainsi rempli la fonction d'un stabilisateur de l'humeur administré en dernière minute pour calmer les esprits et sauver ce qu'il restait de la façade démocratique.

Ces élections locales, sur lesquelles nombre de Libanais comptaient pour renouer avec le principe sacro-saint de l'alternance, ont cependant été tant et si bien verrouillées par le leadership traditionnel qu'elles n'ont laissé échapper en définitive que quelques rares indépendants représentant la nouvelle élite sociale et politique, avec toutefois une dizaine de franches victoires arrachées dans certaines contrées du pays. L'exercice aura eu l'avantage de donner un nouveau souffle à des électeurs longtemps frustrés, et aux pratiques démocratiques, une force de levier.

Ce scrutin n'aura d'ailleurs été toléré par le pouvoir en place que dans la mesure où il devait constituer un test du pouls de la rue qui n'avait plus fait l'objet de consultations depuis belle lurette.
Pour la classe dirigeante, cette épreuve devait lui permettre de faire les derniers calculs d'épicier en prévision d'une consultation ultérieure (prévue en mai-juin 2017) bien plus importante, celle des législatives.
Une échéance que les différentes parties politiques en présence craignent d'autant plus que la polarisation classique entre 8 et 14 Mars n'existe plus, laissant la place à une nouvelle combinaison d'alliances tangentes, parfois contre nature, dictée par la conjoncture du moment et les enjeux politiques de l'heure.
C'est ce qui expliquerait en partie pourquoi les parties politiques en présence ne sont toujours pas arrivées à s'entendre, à ce jour, sur une loi électorale qu'ils souhaitent confectionner à leurs tailles respectives ou presque.

Le retour d'un scénario proche de celui de Doha où la classe dirigeante avait, en 2009, convenu d'ajuster à sa mesure, à la circonscription près, la célèbre loi de 1960 serait donc toujours plausible.
Les plus sceptiques ne se font d'ailleurs plus d'illusions et restent convaincus que les urnes resteront verrouillées devant les nouvelles élites sociales politiques par une classe traditionnelle qui craint de plus en plus un changement dans les équilibres actuels.

C'est bien la preuve du contraire que cherche en tous les cas à avancer le nouveau mandat qui promet à qui veut le croire qu'une nouvelle ère politique a débuté au Liban. Dans l'entourage du palais, on assure que le nouveau pouvoir en place s'attèle à l'inauguration d'une nouvelle culture : celle de la compétence et de l'intégrité en lieu et place du clientélisme, du népotisme et de la corruption.
Depuis l'avènement du nouveau régime, on dénonce haut et fort l'épiphénomène de la corruption et l'on crie sur tous les toits qu'on ne laissera plus faire. Devant le spectacle affligeant de l'affairisme politique et son étalage en public qui a prévalu tout au long de 2016, les Libanais peuvent légitimement continuer à avoir des doutes. Sauf que l'expérience leur a appris à ce jour à ne plus prendre à la lettre les promesses emphatiques que leur font les responsables et à attendre enfin les actes.

 

 

Il aurait été extrêmement difficile de faire un bilan positif de l'année écoulée sans la relance, in extremis, des institutions, amorcée par l'élection d'un président de la République.En définitive, la symbolique de la reprise de la vie au palais de Baabda sous l'impulsion de son locataire s'est avérée bien plus puissante et thérapeutique qu'on l'imaginait, effaçant comme d'un coup...