Un ancien envoyé spécial américain au Liban a fait pour nous, au cours d'une conversation, un parallèle inattendu entre l'apparition de la « Planet Trump » et une leçon de gouvernance donnée par le ministre libanais défunt, Pierre Eddé. Ce dernier avait défini le leadership comme relevant du leader lui-même et non des diktats des gens. Précisant qu'en se rendant le premier jour au ministère des Finances qui lui avait été confié (dans les années 50), il avait renvoyé tout de go une foule de tiers agglutinés à la porte, qui avaient pour habitude de faciliter les formalités entre les fonctionnaires du ministère et le public, pots-de-vin à l'appui. Ces gens avaient aussitôt disparu durant son mandat. Lorsqu'il avait quitté son poste, ils sont revenus. Après quelques mois, sachant que M. Eddé avait repris les rênes du même ministère, ils avaient à nouveau disparu, sans même qu'on le leur dise.
Ainsi, à sa manière, Donald Trump a voulu dès le départ imposer son mot d'ordre et qu'on se le dise. Depuis sa victoire, le 8 novembre dernier, et jusqu'à aujourd'hui, quinze jours avant son investiture, il a dominé la scène politique américaine, comme si le pays avait deux chefs d'État. Il avait commencé par critiquer le géant de l'industrie américaine Boeing, l'accusant de lui faire payer trop cher (4 milliards de dollars) la nouvelle version de l'avion présidentiel « Air Force One ». Le lendemain, les hauts responsables de la compagnie se sont rendus à la « Trump Tower » pour immédiatement baisser les prix. Premier établissement de son leadership. Quelques jours plus tard, les hauts responsables d'autres grandes compagnies industrielles défilaient à leur tour, toujours à la « Trump Tower », pour lui annoncer qu'ils ont fermé ou qu'ils allaient fermer leurs opérations en dehors des États-Unis et rapatrier des centaines de milliers d'emplois. C'était leur réponse au président élu, qui les rendait responsables du chômage. Tout ceci, à coup de tweets et non de décrets présidentiels qui ont force de loi. « Il a presque fait de Barack Obama un fantôme à la Maison-Blanche », fait remarquer un analyste.
Priorité au démantèlement de l'agenda Obama
Le président Obama, lui, est désespérément occupé avec les leaders démocrates minoritaires du Congrès (entièrement aux mains des républicains) à sauver ce qu'il peut de son legs, dont le Obamacare ou la loi sur les soins abordables, dont ont pu profiter auparavant 20 millions d'Américains sans assurance médicale. Par ailleurs, Barack Obama va prononcer le 10 janvier son discours d'adieux depuis Chicago où il avait débuté sa carrière politique. Le lendemain, M. Trump tiendra une conférence de presse, la première depuis juillet dernier.
Mardi, le Congrès est rentré de ses vacances d'hiver pour immédiatement préparer le démantèlement de toutes les réalisations de la précédente présidence démocrate. Et, ce même jour, le président élu avait secoué l'actuelle administration en demandant au Comité de transition de lui envoyer les documents de tous les projets mis au point par Barack Obama. Dans ce contexte, les 100 premiers jours du président élu, qui ont ainsi annoncé la couleur avant terme, vont, selon un observateur du label Trump, « affecter chaque jour les aspects de la vie américaine, non seulement du point de vue politique mais dans le ton, le style et le tempérament de sa gouvernance ». À noter que les 100 premiers jours du président Obama avaient été marqués par son engagement à fermer la prison de Guantanamo Bay, ce qu'il n'a pu encore faire. Le milliardaire a estimé pour sa part qu'il fallait arrêter ce processus.
(Pour mémoire : Trump accuse Obama d’entraver la transition)
Marginalisation de l'élite
Autre fait saillant, ce ne sont pas seulement les anti-Trump qui appréhendent le bouleversement général annoncé, mais aussi les membres du Parti républicain dont il est devenu le leader. Notamment, sur le plan de l'émigration et de l'environnement. Et on s'attend que, dès son premier jour à la Maison-Blanche, le nouveau locataire des lieux lance massivement une série de décrets présidentiels pour gommer toute trace de son prédécesseur, donnant ainsi un travail gigantesque (évalué à environ trois mois de sessions intensives) au Congrès qui devra approuver tous ces changements.
Tout s'annonce quand même difficile pour Donald Trump, spécialement la confirmation des membres de son cabinet et des autres nominations, qui doivent pour cela obtenir 60 voix au Sénat, y compris 6 voix démocrates. M. Obama vient de rentrer de ses dernières vacances présidentielles à Hawaï. Juste à temps pour évacuer la Maison-Blanche, avant le 20 janvier. C'est-à-dire notamment terminer les travaux de son administration, vider les ordinateurs de son équipe et déménager les affaires personnelles de la famille, pendant que se fait, parallèlement, l'inverse pour le président arrivant, comme le montre l'incessant va-et-vient des camions autour de l'illustre résidence. Stephen Rochon, chef du personnel à la Maison-Blanche, a ainsi commenté sur la chaîne CNN : « C'est plutôt le chaos organisé. »
Dans les chamboulements apportés dans ses bagages, Donald Trump a prévu la marginalisation de ce qu'il qualifie de « l'élite ». Déjà, au cours de sa campagne électorale, il affirmait avec ironie qu'« Hillary Clinton est toujours avec l'élite ». Son principal stratégiste, Steve Bannon, lui, en dit davantage : « L'élite est destructrice, condescendante et toujours en train de comploter contre la masse qui est hors de son rang. » Réponse de démocrates : « Et l'élite de la finance qui va régner sur le nouveau gouvernement ? Dans quel rang faut-il la placer ? »
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On dirait le bigaradier boSSfééér d'ici ! Typique....
13 h 38, le 07 janvier 2017