Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, s'est félicité vendredi de la prise totale d'Alep par l'armée syrienne et ses soutiens, affirmant que cette victoire mettait un terme à l'éventualité d'une chute du régime du président Bachar el-Assad. Abordant brièvement l'actualité politique libanaise, le chef du parti chiite a appelé le gouvernement de Saad Hariri à assumer toutes ses responsabilités.
"Une nouvelle étape de la guerre en Syrie"
"Sans exagérer, nous n'allons pas dire que (la victoire) à Alep est anodine. Certes, la guerre n'est pas terminée, mais la victoire à Alep est une défaite majeure pour le camp adverse", a déclaré le chef du parti chiite, lors d'un discours télévisé retransmis en direct à l'occasion d'un rassemblement d'étudiants partisans de la formation.
"Faire chuter le régime était possible, mais cela n'était en tout cas pas corollaire du contrôle total du territoire syrien, a-t-il ajouté. Mais aujourd’hui, après la victoire à Alep, les projets visant à faire chuter le régime ont échoué. Voilà l’une des conséquences politiques de la victoire à Alep. Oui, nous sommes face à une nouvelle étape de la guerre en Syrie. Nous avons réalisé de grandes avancées".
Et de poursuivre : "La prochaine étape consistera à renforcer la sécurité à Alep car les groupes armés tenteront de viser à nouveau la ville. Ils ne vont pas baisser les bras. La priorité va à la consolidation de cette victoire afin de l’exploiter sur le terrain (militaire) et politique. Cette victoire peut ouvrir la voie à des solutions politiques. Certains Etats pourraient être amenés à accepter une solution politique".
Les forces gouvernementales syriennes se déployaient vendredi dans les quartiers d'Alep récemment reconquis. L'armée du président Assad avait solennellement annoncé jeudi soir la reprise de la moitié de cette ville qui lui échappait depuis juillet 2012, après une offensive féroce d'un mois qui a abouti à l'évacuation forcée de dizaines de milliers de résidents et d'insurgés vers des régions rebelles du nord du pays.
L'accord d'évacuation a été parrainé par la Turquie, principal appui des rebelles, la Russie et l'Iran, grands alliés du régime.
(Lire aussi : L'armée syrienne se déploie dans les ex-quartiers rebelles d'Alep)
La victoire sans précédent que représente pour le régime la reprise d'Alep n'aurait pas pu avoir lieu sans l'engagement militaire de son allié indéfectible, la Russie, et dans une moindre mesure celui du Hezbollah et de l'Iran.
"Ce qui s'est passé à Alep, tout au long de ces derniers mois (...) c'est une des guerres les plus dures qu'a connue la Syrie mais aussi la région, ces dernières années", a estimé Hassan Nasrallah. "Les combats ne se faisaient pas seulement contre des groupes d'opposition syriens, mais il y avait également des combattants turcs, tchétchènes, ouzbeks, etc.... et notamment des centaines de kamikazes qui commettaient leurs attentats-suicide à l'aide de véhicules lourds bourrés de tonnes d'explosifs", a-t-il expliqué. "Il y avait des armes sophistiquées, des sommes faramineuses (investies). Tous les Etats qui prônent les projet adverse ont parié sur la chute d'Alep (...), a-t-il lancé. Toutes ces sommes dépensées depuis six ans dans la guerre en Syrie (aux profits de l'opposition armée) dépasse de loin les sommes allouées par les pays arabes depuis 60 ans à la cause palestinienne".
Et de poursuivre : "Les Etats qui ont soutenu les terroristes n'ont pas ménagé leurs efforts. La seule chose qu'ils n'ont pas fait, c'est d'envoyer l'armée saoudienne ou qatarie sur place. Mais aujourd'hui, la Turquie, qui a envoyé ses soldats, subit les conséquences de cela, ses fils sont brûlés vifs", a affirmé le chef du Hezbollah, en référence aux deux militaires turcs présumés brûlés vifs par l'EI, dans une vidéo publiée vendredi.
Pour le leader chiite, "ce qui s'est passé en Syrie n'est pas la conséquence d'une réduction du soutien aux bandes armées. C'est le résultat de la détermination et la volonté du peuple et de l'armée syrienne". "On a parlé de 300.000 personnes assiégées à Alep. Le siège a été levé. Où sont-elles, ces 300.000 personnes?", s'est interrogé Hassan Nasrallah. Il s'est également défendu contre des accusations de nettoyage ethnique. "Il s'agit de mensonges concernant des changements démographiques (provoqués par le déplacement forcé d'habitants). Les gens devront retourner dans leurs villes à un moment ou à un autre. Personne ne veut changer la démographie en Syrie. Ce sont les groupes armés qui sont responsables de déplacement de populations".
"Nous ne voulons pas mettre la main sur le pays"
Enfin, sur le plan politique libanais, le chef du Hezbollah a abordé la question de l'investiture du nouveau gouvernement et l'élaboration d'une loi électorale pour les législatives prévues en principe en mai prochain.
"Il ne devrait pas y avoir d'obstacles concernant la rédaction de la déclaration ministérielle", a estimé Hassan Nasrallah. Son avis est partagé par un large éventail de responsables politiques qui s'attendent à ce que cette déclaration soit finalisée dans les heures ou les jours qui viennent, de sorte à ce que le gouvernement présidé par Saad Hariri obtienne la confiance du Parlement avant la fin de l'année.
"Le gouvernement, qui aura naturellement la confiance du Parlement, ne doit pas se considérer comme uniquement responsable d'organiser les prochaines législatives, qui pourraient être retardées pour des raisons techniques de quelques mois", a prévenu le chef du parti chiite. "Ce gouvernement doit être responsable de toutes les affaires. Il s’agit d'un cabinet qui jouit de toutes ses prérogatives et qui devrait de la sorte assumer toutes ses responsabilités".
(Pour mémoire : Nasrallah appelle à une formation du gouvernement "le plus rapidement possible")
"D'aucuns disent que ce gouvernement est celui du Hezbollah. Mais ce n'est pas vrai. On disait souvent que le Hezbollah veut s'accaparer l'Etat. Mais nous vous jurons que nous ne voulons pas mettre la main sur le pays. Nous voulons un partenariat avec tous les pôles. Nous avons combattu pour un gouvernement d'union nationale où tout le monde serait représenté, car cela est dans l'intérêt du pays", a-t-il martelé.
Concernant l'élaboration d’une nouvelle loi électorale, Hassan Nasrallah a affirmé que sa formation est "ouverte au dialogue avec toutes les composantes politiques". "Nous comprenons les appréhensions de certains. Mais nous ne devons pas retourner à la loi de 1960". Cette loi, actuellement en vigueur, prévoit un scrutin majoritaire plurinominal, décrié, de moins en apparence, par les différents partis politiques.
"En tout cas, l'atmosphère autour des discussions est positive. Cela veut dire que notre pays entrera dans une période de stabilité. Mais nous devons rester vigilants au niveau sécuritaire et politique, car les groupes armés sont furieux après leurs défaites en Syrie", a-t-il conclu.
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10 h 38, le 24 décembre 2016