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Roucoulades

Gagnant sur les deux tableaux du ramage et du plumage : par son chant des plus mélodieux, le chardonneret (hassoun en arabe) n'a rien à envier au pinson ou au canari ; mieux encore, la tenue bariolée qu'arbore une de ses sous-espèces les plus connues et prisées lui vaut la flatteuse appellation de chardonneret élégant, décernée par les ornithologues.


Le grand mufti de la République syrienne porte le même nom que ce gracieux passereau, mais là s'arrête net la comparaison. Radieuse journée, ô Alep : rien d'élégant en effet – et encore moins de charitable, s'agissant d'un dignitaire religieux – dans ces trilles qu'il a cru bon d'émettre durant son récent et bref séjour à Beyrouth, alors même que pleuvaient les bombes sur la population de cette ville martyre. Cette outrance, le cheikh l'a proférée par deux fois, au sortir d'audiences accordées par le président Aoun et le patriarche Raï, qui ont dû s'en mordre les doigts. Preuve en est que les services de presse de la présidence ont occulté l'outrageuse exclamation, ceux de Bkerké soulignant pour leur part que les propos en question n'engageaient que leur auteur.


Mais pourquoi donc le cheikh Hassoun avait-il réservé l'exclusivité de ses visites aux deux plus hautes instances, politique et morale, de la chrétienté libanaise ? Pour bien rappeler aux principaux concernés que le régime faussement laïc de Damas se pose en seul et irremplaçable garant de la sécurité des minorités religieuses du Proche-Orient ; que fort de sa victoire à Alep, ce régime confronté depuis plus de cinq ans à une vaste rébellion est plus près que jamais de récupérer la pleine mesure de son ascendant sur son voisin libanais ; et surtout, que les amis, autant que les ennemis, feraient bien de ne pas l'oublier.


Si le cheikh Hassoun s'est exprimé à demi-mot, c'est par la voix de son maître, interviewé par un journal syrien, que s'est trouvé clarifié, quelques heures plus tard, le message : lequel, à plus d'un titre, n'est pas très aimable pour Michel Aoun, et a même tout l'air d'un ferme rappel à l'ordre. Dans l'élection de ce président qui se veut, avec insistance, celui de tous les Libanais, le dictateur baassiste voit volontiers ainsi une victoire pour son gouvernement et ses alliés ; il assimile à une non-politique la ligne de neutralité dans le conflit syrien prônée, dans son discours d'investiture, par le chef de l'État ; et il enfonce le dernier clou en affirmant que le président Aoun sait fort bien que le Liban ne peut être tenu à l'écart du brasier qui l'entoure...


On relèvera en revanche que le général est aussi un des Libanais les mieux placés pour savoir avec quelle barbarie la Syrie baassiste, tout au long de l'ère de l'occupation, a géré sa tendre protection des diverses minorités libanaises. Pour cela, il est tenu de (dé)montrer qu'il est bien le président de tout le Liban, et non le champion couronné d'un axe régional, et qu'il est hors de question, pour l'homme de la guerre de libération, de consentir à un nouvel et long esclavage.


Car qui a pillé le pays volera à nouveau. Qui a torturé, emmené en captivité ou tué récidivera. La commission parlementaire de l'Administration et de la justice vient tout juste d'en prendre conscience en votant l'abolition de ce moyenâgeux, cet infâme article 522 du code pénal qui permettait à tout individu coupable de viol ou d'autres actes bestiaux de se refaire à bon compte une virginité en convolant avec son infortunée victime.
Qu'on se le dise, et que surtout les hommes qui nous gouvernent se comportent en conséquence : le Liban n'est pas fille déshonorée à marier.

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Gagnant sur les deux tableaux du ramage et du plumage : par son chant des plus mélodieux, le chardonneret (hassoun en arabe) n'a rien à envier au pinson ou au canari ; mieux encore, la tenue bariolée qu'arbore une de ses sous-espèces les plus connues et prisées lui vaut la flatteuse appellation de chardonneret élégant, décernée par les ornithologues.
Le grand mufti de la République...