Que dira Hassan Nasrallah, lors de son apparition prévue demain vendredi ? Répondra-t-il aux critiques adressées au tandem chiite d'entraver la formation du gouvernement et de tenter de circonscrire Baabda pour empêcher les Forces libanaises (FL) et le courant du Futur d'entraîner Michel Aoun d'un axe à l'autre ?
Le secrétaire général du Hezbollah ferait probablement porter le chapeau du retard dans la composition du cabinet à un conflit interchrétien entre les Marada et le binôme FL-Courant patriotique libre, en essayant d'éloigner les soupçons du président de la Chambre, Nabih Berry, qui négocie au nom du dipôle chiite.
Selon des sources proches du 8 Mars, Hassan Nasrallah devrait confirmer son attachement au document d'entente de Mar Mikhaël avec le CPL et saluer les positions exprimées mardi par le chef de ce parti, le ministre Gebran Bassil, à l'issue de la réunion du bloc du Changement et de la Réforme. Il devrait également appeler à la nécessité de faire participer Sleiman Frangié au gouvernement, surtout après l'annonce par M. Berry qu'il ne participerait pas si certaines composantes ne figurent pas au sein du nouveau cabinet, notamment le leader des Marada.
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Des sources FL voient dans ces positions une tentative de dissimuler la réalité du rôle joué par le dipôle chiite dans le blocage du processus de formation du gouvernement, en rejetant la responsabilité de l'obstructionnisme sur un conflit interchrétien virtuel dont la fonction latente serait de se substituer à une confrontation politique chiito-chrétienne autour des quotes-parts et des portefeuilles. Pourtant, Gebran Bassil a assuré qu'une telle confrontation ne saurait exister et que l'entente devait continuer à prévaloir.
Du reste, si le tandem chiite est tellement attaché à Sleiman Frangié et à son influence au sein de la rue chrétienne, pourquoi n'a-t-il pas soutenu sa candidature à la présidence de la République, après l'accord conclu par le chef des Marada avec Saad Hariri ? C'est la question que posent des milieux FL dans une volonté de souligner la mauvaise foi du Hezbollah, en précisant que ce dernier ne voulait pas plus de Michel Aoun que de M. Frangié à Baabda, dans une volonté de perpétuer le vide. Car, comme l'affirme le vice-président de la Chambre Farid Makari, le projet du Hezbollah, c'est le vide total et global au sein des institutions constitutionnelles, afin d'ouvrir la voie à une assemblée constituante et une nouvelle formule politique qui remplacerait celle de Taëf.
C'est le soutien apporté par les FL et le Futur au candidat Aoun qui a acculé le Hezbollah à se résoudre au déblocage de l'élection présidentielle et à l'accession du fondateur du CPL à Baabda. Le parti chiite était tout bonnement incapable de faire face au marché régional et international conclu entre les États-Unis et l'Iran, sans obstruction de l'Arabie saoudite, en vertu duquel le général Aoun accéderait à la présidence en échange du retour de Saad Hariri au Grand Sérail. Partant, le Hezbollah a dû s'adapter après l'aval iranien donné à cet accord, mais il le fait difficilement, à voir la parade militaire qu'il a orchestrée à Qousseir, ou encore celle organisée par son allié Wi'am Wahhab à Jahiliyé, sans compter les multiples messages adressés au nouveau mandat et à ses alliés à travers les médias locaux.
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En dépit des tentatives de Haret Hreik d'éloigner Meerab de Baabda, des milieux proches du 8 Mars font état, cependant, de contacts entre le Hezbollah et les FL loin des projecteurs. Les propos tenus par Samir Geagea hier à Baabda, en faveur d'une extension de l'alliance autour du mandat à Aïn el-Tiné, voire à l'ensemble de la banlieue sud, seraient assez révélateurs dans ce sens, et feraient écho à ceux de M. Bassil, qui avait fait part d'une volonté de concilier le document d'entente de Mar Mikhaël et l'accord de Meerab.
Qu'a vraiment fait le Hezb pour garantir l'élection de son champion à la présidence ? Que fait-il aujourd'hui pour soutenir le mandat ? Pourquoi Hassan Nasrallah n'a-t-il pas fait un saut par Baabda en rentrant de sa visite chez Assad à Damas pour féliciter le nouveau chef de l'État ? Est-il en proie aujourd'hui aux mêmes craintes qui avaient émergé sous le mandat Sleiman, en l'occurrence celle de voir un président qui lui est en principe acquis se retrouver dans une ligne politique qui défend les thèmes de ses adversaires, comme la neutralité et la déclaration de Baabda, ou encore l'ouverture sur les pays du Golfe ? Dans quelle mesure enfin peut-il s'accommoder d'un axe Aoun-Hariri soutenu par une majorité FL-CPL-Futur, alors que, dans la nature profonde du Hezb, le centre de gravité de l'État doit impérativement rester dans la banlieue sud, hors des arcanes des institutions libanaises.
Tout le monde attend l'allocution du secrétaire général du Hezbollah pour répondre à ces questions, nombreuses, posées par ses détracteurs, mais aussi pour cerner les contours de l'étape à venir, qui plus est avec la progression de l'armée d'Assad dans Alep, annoncée comme le point d'inflexion de la crise syrienne en faveur des objectifs que défend le Hezbollah depuis son intervention en Syrie.
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commentaires (8)
Il dira peut être , la paix régionale dépend aussi de nous...donc en principe ce n'est pas négatif...(mais je ne suis pas visionnaire)...
M.V.
17 h 45, le 08 décembre 2016