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Culture - Expositions

Calligraphie d’une partition hybride

À l'Institut du monde arabe se tient actuellement la première exposition consacrée à l'œuvre d'Etel Adnan en France. Sans prétention mais foisonnant, le parcours rassemble habilement les différentes expérimentations plastiques de l'artiste.

Etel Adnan, «Paris Roofs from Jimm’s Windows», 1977. Leporello, 30 pages, fusain sur papier. Ouvert, 18 x 585 cm. Copyright Etel Adnan

Entre écriture et dessin, une calligraphie sensorielle
Dès les premiers pas dans l'exposition que l'Institut du monde arabe consacre à Etel Adnan, les archives dactylographiées de L'Apocalypse arabe, consignées sur de minces feuillets raturés et remaniés, rappellent que l'artiste libano-américaine est avant tout une littéraire, connue pour ses textes pacifistes. Pourtant, un peu plus loin, on découvre sa série de montagnes, l'obsessionnel Tamalpais au moins autant de fois répété que la Sainte-Victoire de Cézanne. Dans sa série d'aquarelle et d'encre de Chine, les vives lignes noires du dessin tracent comme une calligraphie sensorielle. Les contours du paysage, les crevasses et les reliefs se muent en lettres. L'incertitude augmente devant les leporellos, ces longs cahiers japonais pliés en accordéon. Entre les plages colorées, les mots sont répandus, chorégraphiant des lectures spatiales et musicales de poèmes. Réminiscence du Coup de dés de Mallarmé, la poète pense l'arrangement des mots comme une architecture : les barres de ses lettres, démesurément longues, ne sont plus seulement alphabet, mais marqueurs de rythme dans la page.

Sur plusieurs mètres, entre les lignes d'un quadrillage inégal, Etel Adnan distribue des signes comme on dispose des pions sur un plateau de jeu. Ce langage codé, énigmatique, forme des partitions schématiques de villes. Ce sont des paysages presque abstraits, n'indiquant que certains repères : ombres ou rythmes urbains, ils restituent la densité et l'équilibre particulier de New York, de Beyrouth ou de Paris.

« Ce sont des épiphanies, des visions »
On peut aussi y voir des vues panoramiques, ou encore les scènes d'une histoire en mouvement, mille fois répétée. L'exposition présente un film en Super 8 d'Etel Adnan, permettant de saisir la manière dont elle observe les choses, ce qui capte son attention : lignes, points mobiles, halos de lumière, zones colorées, formes appuyées. Ses prises de vues, brutes et marquées par la recherche de plasticité, cadrent l'intensité de fragments mélodieux. « Ce sont des épiphanies, des visions », pour citer la poète ; et que l'on retrouve dans ses peintures de montagne dont les couleurs, implacablement imbriquées, démultiplient à travers d'incroyables variations les aspects.

En Égypte, Etel Adnan a découvert la tapisserie, technique lui offrant littéralement la possibilité de tisser ses perceptions sensorielles. Sur fonds blancs, comme des calligrammes, apparaissent des feuillages, une touche de lumière sur le pan d'un mur, découpés par de sculpturales graphies, ancêtres ou prémices d'un langage autre ?

* Exposition à l'Institut du monde arabe, à Paris, jusqu'au 1er janvier 2017.

 

 

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commentaires (2)

Une frustration: pourquoi n'éprouve-t-on pas de l'émotion? Les couleurs des paysages restent sans dialogue, détachées,immobiles presque indifférentes à leur espace pictural à deux dimensions: empêchant la poésie chromatique de prendre son envol et sa plénitude!

Skamangas Stelios

11 h 20, le 29 novembre 2016

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Commentaires (2)

  • Une frustration: pourquoi n'éprouve-t-on pas de l'émotion? Les couleurs des paysages restent sans dialogue, détachées,immobiles presque indifférentes à leur espace pictural à deux dimensions: empêchant la poésie chromatique de prendre son envol et sa plénitude!

    Skamangas Stelios

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