Rechercher
Rechercher

Culture - Événement

Salon d’automne 2016 : du sang neuf... dans la continuité

Après quelques années d'interruption due aux travaux de réaménagement, l'événement phare de la scène artistique libanaise réintègre le musée Sursock avec une cuvée de 52 œuvres conjuguant renouveau et tradition.

Une vue de l’exposition. La scénographie a été conçue de manière à présenter toutes les œuvres «sur un même pied d’égalité ».

À quelques jours de l'inauguration, la nouvelle salle des grandes expositions temporaires au sous-sol du musée Sursock ressemblait à une ruche bourdonnante. L'équipe du musée s'y activait pour accrocher aux cimaises ou sur des panneaux mobiles, disposer sur des podiums ou des socles et, surtout, présenter «sur un même pied d'égalité» (dixit Yasmine Chemali, qui cosigne avec Karim Begdache la scénographie) la cuvée 2016 du 32e Salon d'automne. Soit 52 œuvres d'autant d'artistes retenues sur les 324 candidatures initiales par un jury de spécialistes.

Voici donc le Salon d'automne de retour dans ses murs, après trois éditions délocalisées (en 2009 au Planet Discovery, 2010 et 2012 au Beirut Exhibition Center) et trois autres totalement suspendues. S'il retrouve ses marques historiques, ce rendez-vous saisonnier – dont le coup d'envoi est donné ce soir – inscrit toutefois sa reprise sous le sceau du renouvellement dans la continuité.

« Intimement lié au musée Sursock depuis sa création en 1961 par Camille Aboussouan (qui en a été le premier conservateur), le Salon d'automne faisait découvrir au public, à travers les œuvres nouvelles des artistes, les dernières tendances de la scène artistique libanaise. Avec pour vocation première d'offrir une plateforme qui révèle de nouveaux talents », indique Zeina Arida, qui dirige le musée Sursock depuis sa réouverture il y a un an.

Ce qui a changé... ou pas
«Aujourd'hui, du fait des nouvelles perspectives rendues possibles grâce au réaménagement du musée, notamment les trois grandes expositions qui y sont désormais programmées annuellement, le Salon d'automne a adopté quelques changements, poursuit-elle. À commencer par le processus de soumission des œuvres qui se fait désormais en ligne, avec l'envoi d'une photo accompagnée d'une note d'intention. Puis, par l'adjonction d'un nouveau prix, celui du public, à travers le vote électronique des visiteurs au moyen de tablettes mises à leur disposition (jusqu'au 16 janvier 2017) aux deux entrées de la salle d'exposition.

Outre l'interactivité qu'il introduit, ce prix (symbolique) permettra de faire un intéressant parallèle entre le choix du public et celui des membres du jury. À savoir, le Prix du Salon d'automne (décerné par le jury et d'une valeur de 5000 $) et le Prix des jeunes talents (d'une valeur de 3000 $ gracieusement offerts par Hind Sinno, membre du comité du jury). Du coup, pour ne pas influencer le choix du public, les prix ne seront révélés que le 20 janvier. Enfin, de rendez-vous annuel, le Salon d'automne va désormais se transformer en biennale, afin de permettre aux artistes de se renouveler. Il faut aussi signaler qu'aucun membre du comité du musée ou de son équipe ne peut faire partie du jury de sélection, composé de cinq membres, différents à chaque édition.»

Voilà donc ce qui a changé. Demeurent la candidature ouverte à tous qui, aujourd'hui encore plus qu'hier, participe à donner une égalité des chances aux artistes débutants et ceux qui sont confirmés et soutenus par des galeristes, ainsi que la prépondérance, dans cette édition 2016, des médiums traditionnels.

La peinture toujours en première ligne
Car, outre la bonne majorité de signatures jeunes et (encore) peu connues, ce qui frappe d'emblée dans cette exposition, c'est l'abondance d'œuvres picturales et graphiques. La peinture y est non seulement dominante, elle se révèle également exubérante autant au niveau chromatique qu'émotionnel. Avec, semble-t-il, un parti pris de la nouvelle génération d'artistes d'un retour au figuratif (Abed el-Kadiri, Simon Mhanna, Diana Halabi, Maria Kassab...). Mais un figuratif éminemment contemporain. Tandis que l'abstraction reste l'apanage des aînés (notamment le doyen de cette sélection, Stelio Scamanga, 82 ans). Une nouvelle tendance qui peut surprendre, d'autant qu'elle va à l'encontre de celle qui avait prévalu au Salon d'automne de 1964, l'un des plus marquants à cause des débats qu'avait soulevé sa prédominance en art abstrait.

Pour revenir à la cuvée de l'année, celle-ci propose donc, parallèlement aux nombreuses peintures et œuvres graphiques, peu ou pas de sculptures, mais, par contre, un nombre croissant de céramiques (signées, entre autres, par Samar Mogharbel, Nathalie Khayat et Névine Boueiz) et pas mal de photos (de toute la nouvelle vague de photographes: Engram Collectif, Tanya Traboulsi, Lara Tabet, Carmen Yahchouchi...). Il y a aussi des pièces calligraphiques, des héliogravures, de la broderie sur toile ou encore sur papier (Fatima Mortada et Cristiana de Marchi), des gravures, des collages, quelques assemblages et installations, et deux vidéos. Bien sûr, on y retrouve des habitués du Salon (Jamil Molaeb, Rima Amyouni, Hanibal Srouji, Issa Halloum, Élissa Raad...), mais pas de sociétaires (le statut a été annulé en 2000) et nettement plus de nouveaux venus que d'artistes très confirmés.

«Cette sélection a été faite par un jury très conscient de la responsabilité qui lui a été donnée», souligne la directrice de la prestigieuse institution. « Ses membres ont, dès la présélection, éliminé de facto 182 applications. Parmi lesquelles des anciens du Salon, très appréciés par les anciens jurys – une décision dont la pertinence reste assez discutable... Et en sélection finale, ils ont œuvré en consensus, privilégiant l'innovation, la qualité du travail, la pertinence du propos par rapport à notre monde contemporain, notre environnement mais aussi par rapport à la carrière de l'artiste. Sachant que le musée aurait aimé que ce Salon comporte plus d'œuvres, il a néanmoins totalement respecté l'indépendance du jury. J'espère que les artistes non retenus dans cette édition comprendront cela et qu'ils soumettront leur travail dans deux ans », ajoute encore Mme Arida.

Résultat: l'ensemble des pièces présentées, jusqu'au 27 février*, dégage un travail d'esprit très introspectif et très concerné par la ville. Il réaffirme aussi, avec une sorte de vigueur, la vocation du Salon d'automne à offrir une plateforme permettant à des artistes totalement inconnus d'émerger. À vous de les découvrir et de les soutenir en votant pour eux !

*Horaires d'ouverture : de 10h à 18h. Nocturne les jeudis, de 12h à 21h, et fermé les mardis.

Nouveau jury, nouvelles voix et orientations différentes
C'est un jury renouvelé, composé de cinq spécialistes, qui a procédé à la sélection du 32e Salon d'automne. Reem Fadda, experte en art moderne et contemporain arabe, a été conservatrice adjointe de l'art du Moyen-Orient pour le projet Guggenheim Abu Dhabi et curatrice, cette année, de la Biennale de Marrakech. Walid Sadek est écrivain, artiste et professeur agrégé au département des beaux-arts et de l'histoire de l'art à l'Université américaine de Beyrouth. Kaelen Wilson-Goldie, journaliste et critique, correspondante de nombreux journaux anglophones, connaît bien la scène artistique dans le monde arabe. Racha Salti est commissaire d'expositions, écrivaine et chercheuse pluridisciplinaire, et Hind Soufi, critique d'art et professeur à l'Université libanaise.

Dans une déclaration conjointe, le jury a ainsi noté que « les artistes qui ont répondu à l'appel à candidatures lancé par le musée Sursock ont apporté une grande diversité de réponses à des questions de style, de support, de compétence, d'expérience, de visibilité, d'engagement politique et d'aspiration artistique. (...) Nous avons été enthousiasmés par de nouvelles voix, par des orientations différentes et des changements de techniques chez les artistes établis, et par des artistes prometteurs. Nous nous sommes fermement détournés des stéréotypes et avons été particulièrement sensibles aux œuvres empreintes d'une grande intensité émotionnelle. Nous avons aussi prêté une attention particulière aux couleurs et à la texture, à certains signes ainsi qu'aux conditions et circonstances de la vie des artistes, qui est aussi la nôtre, celle de la ville et de ses nombreux résidents. »

 

 

Pour mémoire

« Scènes de voyage » : les étudiants de l'Alba exposent au musée Sursock

À quelques jours de l'inauguration, la nouvelle salle des grandes expositions temporaires au sous-sol du musée Sursock ressemblait à une ruche bourdonnante. L'équipe du musée s'y activait pour accrocher aux cimaises ou sur des panneaux mobiles, disposer sur des podiums ou des socles et, surtout, présenter «sur un même pied d'égalité» (dixit Yasmine Chemali, qui cosigne avec Karim...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut