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À La Une - Terrorisme

L'EI a perdu des terres et des recrues, pas son pouvoir de nuisance

"Pour ses partisans, l'organisation demeure un puissant aimant qui attire la violence et suscite un fort sentiment d'appartenance".

Le pouvoir d'attraction du groupe Etat islamique auprès des candidats au jihad a indéniablement souffert des défaites militaires du "califat" en Syrie et en Irak, mais le recul territorial de l'EI ne signe en rien la fin de son pouvoir de nuisance, s'accordent les experts. Photo d'archives AFP

Le pouvoir d'attraction du groupe Etat islamique auprès des candidats au jihad a indéniablement souffert des défaites militaires du "califat" en Syrie et en Irak, mais le recul territorial de l'EI ne signe en rien la fin de son pouvoir de nuisance, s'accordent les experts.

"Il est important de priver l'EI de sanctuaires lui permettant de lever des fonds ou d'entraîner des combattants. Mais lui infliger des défaites militaires n'éradiquera en aucun cas la menace durable" d'un groupe qui continuera à inspirer des attentats, dit Anthony Cordesman du Centre d'études stratégiques et internationales (CSIS) à Washington.

Juin 2014: Abou Bakr al-Baghdadi, le numéro un de l'EI, proclame l'instauration d'un "califat" sur les territoires conquis en Syrie et en Irak. Il invite les musulmans à prendre les armes sous l'étendard de ce nouvel "Etat", leur promettant gloire, gîte et couvert. Des milliers de recrues affluent au fil des mois. La grande majorité des auteurs des attentats du 13 novembre 2015 à Paris (130 morts) sont passés par les camps de l'EI avant de semer la terreur en France.

 

(Lire aussi : « Ne vous repliez pas », lance Baghdadi aux jihadistes de Mossoul)

 

Depuis, plusieurs villes stratégiques du "califat" ont été reconquises. La place forte irakienne de Mossoul est assiégée par une coalition internationale. Une offensive contre le bastion syrien de Raqqa a été lancée dimanche.
Conséquence: le flot de combattants étrangers venus prêter allégeance au drapeau noir s'est tari. Les arrivées en Syrie et en Irak ont été divisées par 10 en un an, chutant de 2.000 à 200 par mois depuis le printemps 2015, selon le Pentagone. Des contrôles plus étroits à la frontière turque et une surveillance accrue des services de renseignement européens ont contribué à ralentir le flux.

Les revers de l'organisation ont aussi affecté son outil de propagande, maillon central de sa politique de recrutement. Le nombre d'articles ou vidéos mis en ligne sur les médias officiels des jihadistes a diminué de 70%, passant de 700 messages en août 2015 à 200 l'été dernier, d'après le Centre antiterroriste de l'académie militaire américaine de West Point (CTC). Et en septembre, le chef de la propagande de l'EI, Adnani, a été tué dans une frappe aérienne.

"Leur principal argument de vente était l'instauration du 'califat'", selon Daniel Milton du CTC. Or désormais l'EI "peine à maintenir l'apparence d'un Etat fonctionnel" attractif. Toutefois, de l'avis général, ni la disparition espérée du "califat" ni le retour du groupe à la clandestinité ne devraient l'empêcher d'inspirer des attentats contre l'Occident.

 

(Lire aussi : La chute du "califat" de l'EI prendra encore un peu de temps)

 

'Aimant puissant'
"Pour ses partisans, aux Etats-Unis, en Europe, en Afrique du Nord et ailleurs (...) l'organisation demeure un puissant aimant qui attire la violence et suscite un fort sentiment d'appartenance", souligne le groupe d'experts en sécurité Soufan. La crainte est que les revers militaires en Syrie et en Irak "entraînent un regain de soutien à l'extérieur et une hausse de la menace terroriste dans le monde".

Des actions savamment planifiées comme celle du 13 novembre 2015 étant devenues plus compliquées, les autorités craignent le développement d'un jihadisme "d'inspiration" porté par les réseaux sociaux. "On va probablement voir moins d'opérations spectaculaires, mais davantage d'actes individuels, motivés par le biais d'internet", explique Didier Le Bret, coordonnateur du renseignement français jusqu'en septembre.
Un propagandiste de l'EI est ainsi soupçonné d'avoir téléguidé via la messagerie cryptée Telegram l'attaque d'un prêtre cet été, égorgé dans une église française, et incité plusieurs jeunes à passer à l'acte.

A ces profils, radicalisés à distance, s'ajoute la question du retour dans leur pays d'origine des combattants partis en terre de jihad. Sur ces quelque 40.000 jihadistes, "certains rentreront chez eux pour tenter de retrouver une vie normale et rejetteront Daech. Mais d'autres seront des chevaux de Troie qui commettront des attentats. Ce sera un défi pour le renseignement de faire le tri", souligne l'Américain Joby Warrick, prix Pulitzer 2016 pour son livre-enquête "Sous le drapeau noir".
Sur leurs gardes, les Etats-Unis ont durci début 2016 leur régime d'exemption de visas vis-à-vis des citoyens européens, pour prévenir l'arrivée de jihadistes belges ou français sur le territoire américain.

Au final, l'EI "conservera sa force principale: fragiliser nos sociétés de l'intérieur", analyse Didier Le Bret. En exploitant par exemple "les fragilités sociétales de la France", où les attentats en série depuis 2015 ont provoqué des crispations à l'égard de la communauté musulmane. Ou en cherchant à déstabiliser des pays du Maghreb, comme la Tunisie, "en pariant sur le fait que des pays économiquement et socialement sinistrés formeront des réservoirs de volontaires".

 

 

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