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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

Les psychoses, la schizophrénie (suite)

Les différentes approches de la schizophrénie que nous avons vues la dernière fois ont montré que le délire, en tant que tel, n'était pas la maladie, mais au contraire, une tentative de retour vers l'Autre, une tentative de guérison. Ce fut une révolution dans le champ psychiatrique, non seulement sur le plan nosologique ou classificatoire mais aussi sur le plan thérapeutique. Car si le délire n'est pas la maladie, il faut bien quand même s'en occuper. Nous avons vu que David Cooper a fini par réutiliser les médicaments : « Prenez ce médicament qu'on puisse continuer à parler ensemble », disait-il donc à ses patients. Pourtant, avec Ronald Laing, à Londres, ils avaient fondé une communauté, Kingsley Hall, où les patients avaient la possibilité de vivre leur délire, délire considéré comme un voyage et où, au départ, les médicaments n'étaient pas de mise. Comme témoin de cette expérience, un livre fut publié à Londres en 1971, traduit et publié en 1973 aux Editions du Seuil en France, Voyage à travers la folie. Ecrit par Mary Barnes, une infirmière qui sombra dans la schizophrénie et qui trouva refuge à Kingsley Hall, et par Joe Berke le psychiatre qui l'avait accompagné dans ce voyage, ce livre retrace bien l'expérience de ce lieu atypique : Comment soigner un délire sans le supprimer complètement, sans le réduire à sa seule dimension neuropsychiatrique ?

L'histoire de la schizophrénie à travers les âges, les sociétés et les cultures, les avancées des recherches médicales et l'approche psychanalytique rendaient difficiles la seule affirmation : « La schizophrénie est une maladie du cerveau ». Et même si elle l'était, comment déterminer si la détérioration cérébrale est la cause ou la conséquence de la schizophrénie ? Les causes sont-elles biologiques, psychosociales ou psychiques ? Pour répondre à cette question, l'idéologie prenait le pas sur la science. Aujourd'hui encore, comme en témoignent les conflits surgis il y a quelques années en France autour de l'autisme, les débats tournent courts. Pourtant, l'approche pluri disciplinaire a bien montré son efficacité auprès des patients, leur traitement et leurs conditions de vie.
Dans le domaine psychique, le souci constant de Freud pour trouver une psychopathologie des psychoses, comme il l'avait fait auparavant pour les névroses, l'amena à un pas décisif qui changea radicalement notre approche des psychoses. Dans son analyse du Cas Schreber (1910-1911), une histoire d'enfermement dans un asile psychiatrique racontée par D P Schreber lui-même dans son ouvrage autobiographique Mémoires d'un névropathe, Freud démontra que le délire était un retour vers le monde, vers l'autre. Dans cette perspective, la psychose serait la maladie et le délire la guérison.

De son côté, Lacan a appelé le délire : « Métaphore délirante » pour souligner qu'avec le délire, le psychotique cherchait à supplanter l'échec de la « métaphore paternelle ». La métaphore (paternelle), comme en linguistique, substitue un mot à un autre. Le mot qui n'est plus prononcé, passe sous la barre, subit le sort du refoulement. Ce qui représente le père, le nom du père est un signifiant qui va permettre le refoulement chez l'enfant, à condition que la mère le laisse faire. Dans les névroses, le refoulement réussit. Dans les psychoses, il y a un échec de la métaphore paternelle, le père ne réussit pas à séparer l'enfant de la mère et le refoulement n'a pas lieu. D'où une grande liberté dans le discours délirant et un rapport direct à la vérité : on le dit souvent, les enfants et les fous disent la vérité. Chez le psychotique, le délire est donc une tentative de rétablir un « ordre paternel » usurpé par la mère, pour refouler les pulsions taboues, l'inceste et le parricide. Par « métaphore délirante », Lacan souligne la dimension curative du délire et renforce la percée freudienne de 1911.

Il devient plus clair pour les analystes et les psychiatres que si le délire doit être traité médicalement, il ne faut pas le supprimer complètement. Avec l'efficacité des neuroleptiques actuels et le peu d'effets secondaires qu'ils provoquent, il est plus facile de soigner délires et hallucinations. On poursuivra la semaine prochaine la présentation des différentes approches de la schizophrénie qui, dans les années 60 et 70, se sont voulues alternatives à la psychiatrie classique.

 

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