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Culture - Installations

« Alors, nous avons réalisé que le temps est de pierre »

À travers matériaux et éléments de construction, l'architecte et artiste palestinienne Saba Innab tente de rassembler des fragments de souvenirs de son enfance dispersée dans diverses terres d'exil.

Des topographies de la mémoire de Saba Innab, entre passé et présent.

De la pierre, du marbre, du béton pour exprimer le sentiment de déracinement, de non-appartenance, de provisoire et d'isolement...
Une installation de matériaux de construction, d'une part, cinq maquettes architecturales accompagnées de croquis de bâtiments, de l'autre. Voilà à quoi se réduit « visuellement » l'exposition « al-Rahhala » (les migrants) de Saba Innab à la galerie Marfa', jusqu'au 30 décembre.
Un univers de prime abord froid et impersonnel, ne dégageant aucun ressenti. Et pourtant cet ensemble d'éléments architecturaux que la jeune femme « expose » est indéniablement lié à ses souvenirs d'enfance. Née au Koweït de parents palestiniens, au début des années 70, Saba Innab a passé sa jeunesse en déplacement de villes en pays. Une migration régionale qui l'a menée après le Koweït à poursuivre ses études d'architecture en Jordanie, avant d'entamer à Beyrouth et à Amman une double carrière d'architecte et d'artiste conceptuelle. Particulièrement concernée par les notions variables d'habitation et de construction en milieu urbain, elle utilise le langage architectural dans sa pratique artistique.

Claustra et terrazzo, ses madeleines...
Pour cette artiste qui n'a jamais connu sa terre d'origine, le sol où sont implantées ses racines familiales ou encore une adresse stable, les typologies des espaces architecturaux qu'elle a traversés au cours de son enfance constituent les madeleines de sa mémoire d'éternelle exilée.
Ne pouvant définir un lieu d'appartenance, ni même un style architectural comme étant celui de son pays natal ou de sa maison familiale, elle a juste collecté les différents éléments, matériaux et structures de construction qui renvoient à des mouvements architecturaux, des pays et des époques, pour les réinterpréter, à la lueur de ses souvenirs et ressentis.
Ainsi, dans la première salle de la galerie, un alignement de colonnes en terrazzo faisant face à des claustras en béton forment une installation (subtilement intitulée « Alors, nous avons réalisé que le temps est de pierre ») évoquant ses années 80 au Koweït, au paysage architectural alors marqué par les constructions sur pilotis tardivement inspirées du mouvement du Corbusier.
Dans la seconde pièce, quelques maquettes déconstruisant en angles, matériaux et ombres des espaces puis les recréant dans des assemblages de pierre, marbre, ciment et bois deviennent des topographies de sa mémoire entre passé et présent.
Accrochés sur les cimaises, quelques dessins architecturaux retracent au crayon mine les vastes halls d'immeubles qui servaient de terrains de jeu à l'artiste et à sa jeune sœur. D'amples espaces vides, à la froideur des lieux de transit... Comme une allégorie du sentiment constant d'être en partance.
L'ensemble des œuvres (mais peut-on réellement parler d'œuvres ?) de cette exposition – assez hermétique et difficile à appréhender – dégage comme un silencieux sentiment de suspension et d'attente. Sans doute le sentiment le mieux partagé des migrants et des exilés...

*Secteur du port de Beyrouth, 1339 Marfa'. Horaires d'ouverture : du mardi au vendredi, de 12h à 19h, et les samedis de 14h à 19h. Tél. 01-571636.

Saba Innab : carte de visite

Par la peinture, la cartographie, la sculpture et le design, Saba Innab explore les états suspendus entre temporalité et permanence.
Son travail a été récemment exposé à la Biennale de Marrakech 6 (2016), Home Works 7 à Beyrouth (2015), ainsi que dans Lest Meet deux mers au Musée des arts modernes de Varsovie (2015). Ses expositions personnelles incluent la Terre de moutons à Agial Gallery à Beyrouth (2011) et On-desir à Darat al-Funun à Amman (2012).
Elle a travaillé comme architecte et urbaniste avec l'Unrwa sur la reconstruction du camp de Nahr el-Bared dans le nord du Liban, un projet qui a été nominé pour le prix Aga Khan d'architecture en 2013.
Elle a aussi participé à Home Project Workspace 2011-2012.

De la pierre, du marbre, du béton pour exprimer le sentiment de déracinement, de non-appartenance, de provisoire et d'isolement...Une installation de matériaux de construction, d'une part, cinq maquettes architecturales accompagnées de croquis de bâtiments, de l'autre. Voilà à quoi se réduit « visuellement » l'exposition « al-Rahhala » (les migrants) de Saba Innab à la...

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