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Moyen Orient et Monde - Entretien

« La crise syrienne a clairement impacté le mouvement national palestinien »

À l'occasion de la sortie de son ouvrage « La mosaïque éclatée » (Institut des études palestiniennes, Sindbad, Actes Sud), une synthèse de l'histoire du mouvement national palestinien et de ses divisions, Nicolas Dot-Pouillard, docteur en études politiques de l'EHESS et chercheur principal au sein du programme Wafaw, répond aux questions de « L'Orient-Le Jour ».

Le chef de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) Yasser Arafat et le ministre israélien des Affaires étrangères Shimon Peres le 15 juillet 2001, lors d’une rencontre au Caire, en Égypte. Marwan NaamaniAFP/Archives

Vous traitez dans votre ouvrage de l'impact des accords d'Oslo sur le nationalisme palestinien. Comment ont-ils contribué à sa fragmentation?
Les accords d'Oslo de septembre 1993 ont divisé les Palestiniens. Ce n'est pas un débat entre faucons et colombes : d'anciens négociateurs palestiniens à la conférence de Madrid, en 1991, partisans d'une solution à deux États, ne se reconnaissent pas dans Oslo, pour plusieurs raisons. Dans ces accords, la question d'une souveraineté palestinienne sur Jérusalem-Est et celle du droit au retour des réfugiés palestiniens sont reportées à des négociations ultérieures. Nul frein n'est mis à la colonisation des territoires occupés. Yasser Arafat s'appuie sur une majorité du comité exécutif de l'OLP, mais des voix dissidentes existent au sein du Fateh. Une autre partie du mouvement national palestinien considère les accords d'Oslo comme une reddition. Le mouvement national est coupé en deux : une Alliance des forces palestiniennes (AFP) se forme à Damas contre la majorité du Fateh qui soutient Arafat. Elle regroupe la gauche – le Front populaire et le Front démocratique –, des formations nationalistes (le Commandement général), le Hamas et le mouvement du Jihad islamique.

Vous affirmez que depuis 1993 aucune option majoritaire ne s'est clairement dégagée au sein du mouvement national sur les frontières du futur État palestinien. Pour quelles raisons ?
Il y a deux options. La première, c'est celle de deux États palestinien et israélien côte à côte, sur les frontières de 1967. Elle est défendue par la majorité de la direction du Fateh, par une partie de la gauche (le Parti du peuple) et par le Front démocratique. L'autre option, c'est un seul État, sur les frontières de 1948 : il peut être « sous guidance islamique », selon le Hamas, ou « démocratique », selon la gauche (FPLP). Ce débat entre la « Palestine de 1967 » et la « Palestine de 1948 » est également présent chez les Palestiniens de 1948, détenteurs de la citoyenneté israélienne : le Parti communiste israélien et la branche sud du Mouvement islamique se sont présentés ensemble aux élections législatives israéliennes de 2014. Partisans d'une solution à deux États, mais hostiles à l'apartheid israélien, ils ont obtenu 13 sièges.
À l'inverse, chez les « Palestiniens de 1948 », les fils du pays, marqués à gauche, et la branche nord du Mouvement islamique prônent une solution à un seul État. Mais les choses se sont complexifiées depuis 1993. Par pragmatisme, le Hamas se prononce aujourd'hui pour une « trêve » avec Israël sur les frontières de 1967. À l'inverse, les partisans des deux États, y compris au sein du Fateh, n'y croient plus : la colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem a rendu cette solution presque impossible.

(Lire aussi : Malgré le tollé en Israël, l’Unesco adopte officiellement sa résolution sur Jérusalem-Est)

 

Comment expliquez-vous l'évolution des modes d'action de la résistance, le passage des attentats-suicides à l'intifada des couteaux ?
Le débat interpalestinien sur l'utilisation de la violence politique n'oppose pas les pacifistes aux guerriers. Aujourd'hui, le leader emprisonné du Fateh, Marwan Barghouti, parle de « complémentarité des résistances, populaire, civile et armée ». La « résistance populaire », c'est celle, par exemple, des paysans palestiniens face à la construction du mur de séparation, ou face aux colons. Quant à l'usage de la violence politique, il y a plusieurs phases : les attentats-suicides en Israël ont été peu à peu abandonnés au profit de la guerre des roquettes à partir de la bande de Gaza, au milieu des années 2000. Depuis, les factions palestiniennes à partir de Gaza cherchent à rééquilibrer le rapport de force avec Israël. L'expertise militaire est plus grande. Le modèle de la guerre de 2006 entre Israël et le Hezbollah est fort. Quant à l'intifada des couteaux, depuis octobre 2015, elle est en partie spontanée, et échappe quelque peu aux partis politiques, qui n'en sont pas les acteurs principaux.

Le contexte régional instable depuis 2011 a-t-il modifié les termes du débat stratégique sur les moyens et la finalité de la lutte au sein de chaque formation ?
La crise syrienne a constitué le principal clivage depuis 2011. Trois positions se sont affirmées depuis. Le Hamas, en février 2012, rompt avec Damas, qui l'avait jusque-là soutenu. Il prend parti pour le soulèvement. Néanmoins, il garde depuis des liens continus avec l'Iran, ainsi qu'avec le Hezbollah. La seconde position, c'est celle des organisations proches du régime, qui sont aussi des supplétifs militaires : le Commandement général d'Ahmad Jibril, les partisans de Khaled Abdel Majid. La troisième position, c'est celle de la neutralité officielle, qui implique également une non-participation aux combats entre le régime et l'opposition : c'est la position du Jihad islamique ou du FPLP. Elle induit cependant le maintien de leurs bureaux et de leurs activités en Syrie. La crise syrienne a clairement impacté le mouvement national. Pour autant, ce dernier a contenu ses divisions autour de la crise syrienne.

 

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Vous traitez dans votre ouvrage de l'impact des accords d'Oslo sur le nationalisme palestinien. Comment ont-ils contribué à sa fragmentation?Les accords d'Oslo de septembre 1993 ont divisé les Palestiniens. Ce n'est pas un débat entre faucons et colombes : d'anciens négociateurs palestiniens à la conférence de Madrid, en 1991, partisans d'une solution à deux États, ne se reconnaissent...

commentaires (1)

Pourquoi ne pas dire les choses honnêtement ..? "la crise syrienne " ...? c'est plutôt , plus juste de dire la "guerre en Syrie"....

M.V.

07 h 45, le 24 octobre 2016

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Commentaires (1)

  • Pourquoi ne pas dire les choses honnêtement ..? "la crise syrienne " ...? c'est plutôt , plus juste de dire la "guerre en Syrie"....

    M.V.

    07 h 45, le 24 octobre 2016

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